Le cinéma des dernières décennies a été marqué par des avancées techniques et technologiques remarquables. Les effets spectaculaires que les cinéastes peuvent maintenant obtenir (surtout avec les effets spéciaux) ont été tels qu'ils ont libéré l'imagination visuelle qui ne craint plus de tomber dans le ridicule. Ces méthodes sont maintenant adoptées dans les longs métrages, contribuant à diminuer le discrédit dans lequel sont tombés des genres populaires comme le fantastique et l'horreur, jugés mineurs. Le fantastique cinématographique monstratif est cependant tenu encore aujourd'hui comme primaire. Il est fréquemment accusé d'abandon aux potentialités spectaculaires de l'image cinématographique actuelle pour des raisons qui n'ont rien à voir avec l'art. On valorise au contraire la simple suggestion des phénomènes surnaturels dans une « veine mentale et abstraite », qui semble davantage capable de solliciter les facultés intellectuelles du public. Elle a le mérite de ne pas tomber dans la solution de facilité consistant à faire apparaître sur l'écran de cinéma des phénomènes fantastiques rudimentaires destinés à provoquer l'effroi du spectateur. Faut-il pour autant ne retenir que les films usant de procédés de suggestion et rejeter les autres, c'est-à-dire la grande majorité de la production contemporaine ? Il est certain que les adolescents et les hommes jeunes, qui constituent la frange la plus large des spectateurs de ces deux genres incestueux, vont bien souvent chercher dans la violence et les images d'horreur des films de série B un exutoire à leurs tensions enfouies. Toutefois, cela ne signifie pas que les produits cinématographiques qui leur sont offerts soient dénués de toute signification. C'est ce que les essais contenus dans ce volume s'efforcent de mettre en évidence.

L'année 1968 peut être retenue comme la date de naissance du cinéma fantastique et d'horreur américain contemporain . Les films Rosemary's Baby, de Roman Polanski, et La nuit des morts-vivants, de George A. Romero, sont sortis sur les écrans américains. En empruntant des voies différentes, ils marquent une nouvelle époque et instaurent une rupture avec les usages gothiques de la production, ceux de la Hammer et de American International Pictures. Ils ancrent leurs récits dans le monde moderne et modifient en profondeur la nature du monstre. D'autres préfèrent adopter comme point de départ de la période moderne du fantastique l'année 1960, quand paraît Psychose, d'Alfred Hitchcock. Ils conviennent cependant de l'importance du film de Romero.

Prenant la suite de ces précurseurs, les films postmodernes se caractérisent par une rupture avec le quotidien. Le monde devient instable, les frontières se brouillent, les institutions sont remises en question. On ne croit plus au progrès, le statut de l'homme blanc se dégrade, en même temps que la rationalité est remise en cause.

Les articles de ce recueil offrent de la variété. Les approches prennent de la distance vis-à-vis du terrain désormais bien balisé en France des attitudes formalistes et figurales. Lafond a fait notamment appel à des chercheurs d'origine anglo-américaine. Les films étudiés occupent un large champ, qui alterne oeuvres ayant pris leur place dans l'histoire du cinéma (Rosemary's Baby, La Nuit des morts vivants, Shining de Stanley Kubrick (1979) ; d'autres réalisations sont connes réalisations connues mais méprisées : la série des Vendredi 13 (1980-2002), film ayant acquis un statut de film culte au fil des ans ; The 'Burbs de Joe Dante (1989) et la découverte récente, riche en promesses qu'est Incassable de Night Shyamalan (20001). Les onze essais de ce recueil n'ont pas la prétention d'explorer tous les paysages d'un vaste territoire reconnu, mais qui reste encore en partie aussi mal analysé. Ce travail aura le mérite de défricher les abords de ce domaine peu exploité par la critique française et de donner des pistes à d'autres chercheurs.

La quatrième de couverture :
Le fantastique et l'horreur occupent au sein du cinéma une place dont l'importance n'a d'égale que la déconsidération dont ils sont généralement les victimes. Or, depuis 1968, ces deux genres incestueux sont entrés aux États-Unis dans une nouvelle phase et ont souvent engendré des films de tout premier ordre. C'est sur cette période moderne que porte Cauchemars américains.
Dans cette collection de onze essais, issus de la plume d'universitaires tant francophones qu'anglophones, se succèdent : écrits théoriques, analyses d'auteurs et de séries, ainsi qu'études détaillées d'oeuvres particulières. Afin de mettre en évidence la richesse du corpus, des approches très diverses ont été retenues : psychanalyse, philosophie, histoire, sociologie notamment viennent éclairer les deux genres.
Rosemary's Baby, La Nuit des morts vivants, les Massacre à la tronçonneuse, Shining, la série des Vendredi 13, The 'Burbs, et Incassable figurent parmi les films qui sont abordés dans ce volume, au même titre que l'oeuvre d'un cinéaste tel que Wes Craven.

Frank Lafond prépare une thèse sur Jacques Tourneur à l'Université Charles de Gaulle-Lille III. Il travaille sur le film noir et sur le cinéma fantastique, et a publié des articles dans des revues telles que Post Script, Tausend Augen, Simulacres, Études Cinématographiques et Kinoeye. Il prépare également un dictionnaire consacré aux films de Jacques Tourneur.
Homepage : http://frank.lafond.free.fr

Roland Ernould © 2004

Table des matières :

Première partie : Essais théoriques
1. Robin Wood, Le Retour du refoulé.
2. Jean-Baptiste Thoret, Dead-lines (notes sur le statut du hors-champ dans le cinéma américain des années 70).
3. Steven Jay Schneider, À la recherche de l'inquiétante étrangeté : Mort (et résurrection) du film fantastique dans les années quatre-vingt dix..

Deuxième partie : Auteurs et séries
4. Julien Galliot, Alice au pays du cauchemar américain.
5. Reynold Humphries, Massacres texans, ou : apocalypse now ?
6. Ian Conrich, La série des Vendredi 13 et la fonction culturelle d'un Grand-Guignol moderne.

Troisième partie : Analyses de films
7. Denis Mellier, Le Destin américain de Rosemary : la promesse et le démenti dans Rosemary's Baby de Polanski.
8. Gilles Menegaldo, La Nuit des morts vivants de George A. Romero (1968) : une modernité subversive.
9. Michael Grant, « Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras » : quelques aspects de Shining.
10. Frank Lafond, L'Enfer banlieusard de Dante.
11. Isabelle Decottignies, Le Fragile fantastique (à propos d'Incassable de M. Night Shyamalan).

Présentation des contributeurs
Ian Conrich est maître de conférences à l'Université de Surrey Roehampton. Il a collaboré à Sight and Sound et il est l'un des rédacteurs de Journal of Popular British Cinema. Il a co-dirigé The Technique of Terror : The Films of John Carpenter (2003) et Horror Zone : The Cultural Experience of Contemporary Horror Cinema (2004).
Isabelle Decottignies prépare une thèse de doctorat sur la mort dans le film noir à Lille III. Elle est chargée de cours en études filmiques à la Faculté Libre des Lettres et Sciences Humaines de Lille depuis 1998.
Julien Galliot est professeur d'anglais en collège et lycée. Il est associé à plusieurs groupes de recherche sur la civilisation et la littérature nord-américaine et a participé au colloque international « David Cronenberg : un extrême regard » organisé par le Centre d'Études Canadiennes de Bordeaux 3. Il prépare une thèse sur le cinéma de David Cronenberg.
Michael Grant est maître de conférences en Études Filmiques à l'Université de Kent, Royaume-Uni. Il a publié The Modern Fantastic : The Films of David Cronenberg (2000), Dead Ringers (1997), The Raymond Tallis Reader (2000), et T.S. Eliot : The Critical Heritage (1982), ainsi que de nombreux articles sur la poésie, le cinéma et l'esthétique.
Reynold Humphries est professeur d'Études Cinématographiques à Lille III. Auteur de deux livres sur Fritz Lang, il se consacre surtout à l'étude du film noir et du cinéma d'épouvante. The American Horror Film : An Introduction est sorti en 2002 et un essai sur le cinéma hollywoodien contemporain paraîtra en 2004.
Frank Lafond prépare une thèse sur Jacques Tourneur à Lille III. Il travaille sur le film noir et sur le cinéma fantastique, et a publié des articles dans Post Script, Tausend Augen, Kinoeye, Simulacres. Il participe aux volumes 24 Frames : Cinema in the Low Countries et Horror Zone. Il élabore actuellement un dictionnaire consacré à Jacques Tourneur et un ouvrage collectif consacré à George Romero.
Denis Mellier est professeur de Littérature Générale et Comparée à l'Université de Poitiers où il enseigne également le cinéma. Il est l'auteur de L'Écriture de l'excès : Fiction fantastique et poétique de la terreur (1999), de La Littérature fantastique (2000), de Textes fantômes. Fantastique et autoréférence (2001) et de Les Écrans meurtriers : Essais sur les scènes spéculaires du thriller (2002). Il dirige la publication de la revue Otrante.
Gilles Menegaldo est professeur de littérature et de cinéma à l'UFR Lettres et Langues de l'Université de Poitiers. Président de la SERCIA (Société d'études et de recherches sur le cinéma anglo-saxon), il est l'éditeur de plusieurs numéros de la revue La Licorne consacrés au cinéma et l'organisateur de plusieurs colloques. Il a écrit de nombreux articles sur la littérature et le cinéma fantastique ainsi que sur le film policier. Son dernier ouvrage s'intitule Frankenstein (Autrement).
Steven Jay Schneider est doctorant en Philosophie à l'Université de Harvard et en Études Cinématographiques à la Tisch School of the Arts — Université de New York. Il a publié des articles sur le cinéma d'épouvante dans CineAction, Film & Philosophy, Post Script, Kinema, Journal of Popular Film & Television ainsi que dans les volumes Horror Film Reader, British Horror Cinema, Weird on Top : The Cinema and Television of David Lynch et Drive-In Horrors. Il a co-dirigé les ouvrages Horror International, Dark Thoughts : Philosophic Reflections on Cinematic Horror et Underground USA.
Jean-Baptiste Thoret, co-rédacteur en chef de la revue Simulacres, enseigne le cinéma à Paris-VII. Il a collaboré à Trafic, Les Cahiers du Cinéma, Positif, La Voix du regard. Il est l'auteur d'Une expérience américaine du chaos : Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper (2000), le co-auteur de Mythes et masques : Les fantômes de John Carpenter (1998) et vient de publier Dario Argento, magicien de la peur (Cahiers du Cinéma).
Robin Wood, membre fondateur de la revue CineAction, est l'auteur de Hollywood from Vietnam to Reagan (1986), de Hitchcock's Films Revisited (1989) et de Sexual Politics and Narrative Film (1998).

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