Collectif : Religion et Imaginaire
Cahiers du Gerf-Iris, Centre de
Recherches sur l'Imaginaire,
Université Grenoble 3, hiver
2001-2002.
Cet ouvrage est constitué par
les Actes des journées d'études du Gerf qui ont eu lieu
en octobre 2000 à l'Université Stendhal. C'est un
numéro particulièrement riche de par la documentation
et la variété de ses articles (sommaire in fine). Il
n'est pas possible de traiter exhaustivement un sujet
aussi vaste, mais ces analyses peuvent être l'occasion d'une
réflexion profonde Nous avons tous nos idées
reçues sur la religion et ses mythes.
Les idées générales qui suivent sont
empruntées à l'intéressante préface qui
présente l'ouvrage, beaucoup plus riche,. de William
Schnabel, directeur des Cahiers du Gerf et professeur
à l'Université Stendhal -Grenoble 3.
Une profonde différence existe entre notre conception de la
réalité et celle des prétendues
sociétés «primitives». C.G. Jung nous a dit
que les sociétés primitives n'inventent pas de mythes,
car elles les vivent : "Une
sentimentalité religieuse au lieu du numinosum de
l'expérience divine est la marque bien connue d'une religion
qui a perdu son vivant mystère. Il est aisément
compréhensible qu'une telle religion soit incapable de porter
secours ou d'avoir une efficacité morale
quelconque."
L'idée de Dieu, expérience première de l'homme,
est la somme de nos projections personnelles et collectives, des
superstitions et des idolâtries collectives, d'où son
importance pour une culture, primitive ou développée.
Quand les colons ont détruit les mythes des
Amérindiens, ils ont détruit par la même occasion
l'âme de ces cultures. De même, notre civilisation
biotechnologique subit une crise morale due en partie à la
disparition des valeurs traditionnelles et des anciens mythes quand
la religion des sociétés évoluées est
devenue une réalité externe, non vécue d'une
manière intime, à la différence des
sociétés primitives. Les expériences religieuses
affirmées par les églises institutionnalisées
sont devenues des allégories coupées de la
réalité, résultat de la mise en place d'un
puissant endoctrinement et contrôle de la pensée. Ce qui
explique qu'en l'absence de révélation, les hommes
s'entre-tuent à coups de Dieu.
Pour Durkheim, "une religion
est un système solidaire de croyances et de pratiques
relatives à des choses sacrées, c'est-à-dire
séparées, interdites, croyances et pratiques qui
unissent en une même communauté morale, appelée
Église, tous ceux qui y adhèrent." La solidarité mécanique d'une
société s'accompagne d'une mentalité sociale,
divisée en croyances, tendances, préférences et
orientations qui suscitent des réflexes conditionnels. Les
sociétés créent et développent des
croyances communes, mais ces mêmes croyances freinent
l'individualisme, seulement toléré dans certaines
limites.
Aujourd'hui que nous avons vu trop de films d'horreur à la
télé ou au cinéma, nous sommes blasés.
Nous savons que ces choses-là appartiennent au passé,
ou sont destinées à finir dans des musées ou des
monuments historiques : "Notre
civilisation s'accommode mal aux «visions», aux
«extases», elle les redoute. Alors, rien d'important ne se
produit, puisque l'âme personnelle n'est pas touchée.
Pourtant, les grands penseurs de l'humanité nous ont dit que
«le grand mystère» fait partie intégrante de
notre âme. Comment, en effet, parler de religion, si on ignore
ce principe de base. L'expérience religieuse doit-elle toucher
l'âme humaine ou, au contraire, doit-elle rester un dogme
figé d'institution?"
La notion de «sacré» est très
problématique et ce qui était sacré pour nos
grands-parents ne l'est plus pour nos enfants. Le sacré
devient profane quand le changement s'accélère, et
notre société change de plus en plus vite. Par exemple,
avec les manipulations génétiques et les organismes
génétiquement modifiés, nous allons
réinventer la nature.
Les croyances continuent pourtant à pousser les hommes
à commettre les pires atrocités. Le fantastique est
fondé sur la notion de peur, qui engendre des croyances.
Croire en quelque chose est une manière de se rassurer, de
trouver des repères dans la vie pour ne pas se sentir perdu.
Les croyances, pourvu qu'elles soient les mêmes, rassemblent
des gens en groupes, qui s'opposent aux groupes possédant
d'autres croyances (Kosovo, Tchétchénie, Irlande du
Nord, Irak, Palestine). "La
religion n'est pas une source de paix, mais de déchirements.
Autant de croyances, autant d'écrans pour nous empêcher
de comprendre la réalité. Islamiste, taliban, juif,
chrétien, bouddhiste, hindou, sunnite... est-ce que l'on voit
de la paix et de la tolérance entre ces croyants? Mais peut-on
vivre sans croyances ? Nos sociétés et nos cultures
sont fondées sur des croyances. On est invité à
y adhérer pour vivre tranquillement, pour jouir d'une
sécurité économique."
Le fantastique privilégie les ténèbres plus que
la lumière, on le sait. Rien d'étonnant puisqu'il
s'agit d'un genre focalisé sur la peur et l'inquiétude.
Ceci explique pourquoi les textes étudiés par les
auteurs mettent en scène des forces obscures et
démoniaques. Les motifs «religieux» se trouvent chez
un grand nombre de fantastiqueurs comme chez Claude Seignolle. Ces
histoires sont forcément imprégnées de motifs
chrétiens, puisque le vampire, entre autres, représente
l'antéchrist (3 études sont consacrées au
vampirisme, dont une de Jean Marigny).
Sommaire :
Préface de William
Schnabel
Daniela Soloviova-Horville, Université de Picardie-Jules Verne : Symbolisme
chrétien du vampire dans le folklore slave et les
écrits du XIXème siècle.
Jean Marigny, Université Stendhal-Grenoble 3 : Les
prêtres et l'Église dans la littérature
fantastique aux États-Unis.
Kaouther Ben
Slama, Université
Stendhal-Grenoble 3 : Les représentations religieuses et leurs
allégories dans l'oeuvre d'Anne Rice. Une approche
postmoderniste.
Éric Lysøe,
Université de Haute-Alsace : Titus Groun, Malpertuis, Das
Schlop. Le château comme espace sacré.
Roger Bozzetto, Université d'Aix-Marseille :
Fantastique, religion, science-fiction et horreur moderne.
Madalina Grigore-Muresan,
Université Stendhal-Grenoble 3 : La défense de
l'imaginaire dans Fahrenheit 451 de Ray Bradbury.
Stefano Lazzarin,
Université Jean Monnet-Saint-Etienne : La séduction du
sacré.
Françoise Dupeyron-Lafay,
Université de Paris 12 : Le syncrétisme de Lilith
(1895) de George MacDonald.
Anne-Marie Baranowski,
Université du littoral - Dunkerque : Le syncrétisme
ésotérique de Meyrink, Le Golem et L'Ange à la
fenêtre d'Occident.
Nathalie Prince,
Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines : «Il
n'est pas bon que l'homme soit seul (Genèse, II, 18).
Mélaz Yakouben,
Université Stendhal-Grenoble 3 : Les défunts au secours
des vivants.
Alexandre Huillet,
Université Stendhal-Grenoble 3 : La divinité dans la
trilogie Grigori de Storm Constantine.
Mercedes Montoro
Araque, Universidad de
Granada, Espagne : Du sacré et du profane ou les
manifestations du mythe religieux dans Jours de colère de
Sylvie Germain
William Schnabel,
Université Stendhal-Grenoble 3 : Malaise dans le
fantastique?
Marie-Ève Letfzia,
Université Stendhal-Grenoble 3 : Foi, superstition et
préjugés religieux dans la métafiction
historique. Un dieu se promenant dans la brise du soir de Mario de
Carvalho
Gail Huon & Jeffrey Warnock,
University of New South Wales; Alexandre Huillet, Université
Stendhal-Grenoble 3 : Ascétisme et libération
Jean Lacroix, Université de Paul
Valéry-Montpellier : Narcissisme patriotique et fantastique
des superstitions de la religiosité dans la Narcisa (1818) de
C.T. Fores.
Delphine Plouchart,
Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis :
Claude Seignolle et le fantastique
William Schnabel,
Université Stendhal-Grenoble 3 : Les Évangiles du
Diable de Claude Seignolle
Peter De Klerk : Aspects religieux chez Hubert Lampo.
Les Cahiers du
GERF, directeur William
Schnabel, Université de Grenoble 3.
Comité de lecture : Ann Arenberg - Odile
Joguin - Jean Marigny - Claude
Seignolle.
Université Stendhal, BP 25 - 38040 Grenoble Cedex 9
Roland Ernould
©
2002
Voir aussi : Gerf ..Le fantastique contemporain,
collectif sous la direction de William
Schnabel, Les Cahiers du Gerf-Iris, # 24, hiver 2002-2003.
..
.. du site Imaginaire : liste des auteurs
.. du site Différentes Saisons, revue trimestrielle
.. du site Stephen King