Dominique Camus, La sorcellerie en France aujourd'hui

éd. Ouest-France, 2001.

Le livre contient 200 documents, photos en couleur prises en partie par Dominique Camus.

Aussi loin que l'histoire peut remonter, les hommes ont été dominés par la croyance en des pouvoirs surnaturels et ont eu recours à la magie et à la sorcellerie. L'ethnologue breton Dominique Camus, ancien enseignant à l'université de Rennes I, étudie depuis plus d'une vingtaine d'années les croyances populaires et les pratiques magiques et a écrit 8 livres consacrés à l'étude des mondes sorciers. Ses observations portent surtout sur les personnes créditées de «dons» pour découvrir les choses cachées ou les événements à venir comme les sourciers, les radiesthésistes et les devins, voyants ou médiums...). Elles concernent aussi celles qui posséderaient ces »pouvoirs» salvateurs de guérison, les leveurs de maux, les magnétiseurs et les sorciers (et autres termes variés desquels on les a affublés ou qu'ils se sont attribués. En dépit des progrès de la science et de la médecine, beaucoup de nos concitoyens pensent toujours aujourd'hui que certaines individus possèdent des pouvoirs extraordinaires, hors du commun, supérieurs aux possibilités des médecins, qui leur permettent d'agir sur d'autres par l'emploi de rituels appropriés. En ce début de XXIème siècle, la sorcellerie est toujours présente dans le monde rural. Mais elle a aussi envahi la ville et aucun milieu social ne lui échappe. les pratiques magiques de guérison n'ont pas disparu de nos villages.

La méthode de travail de Camus consiste à suivre les porteurs de dons ou pouvoirs dans leurs pratiques pendant un certain temps (souvent plusieurs années) Il commente leurs comportements en journaliste plutôt qu'en ethnologue, sans porter de jugement critique, et explicite leur rôle et les motivations des personnes viennent les consulter. Les données qu'il utilise sont celles qu'il a lui même recueillies directement auprès des acteurs (leurs témoignages, voire des photos de personnes questionnées, figurent dans ses livres), depuis la prise de contact entre un client et un sorcier ou prétendu équivalent jusqu'à la fin du travail. Grâce à des rituels à base de formules et de gestes, les "leveurs de maux" continuent en effet de soigner de multiples maladies. Les rituels sont secrets. Que prétendent faire ces jeteurs de sorts, ces désenvoûteurs, ces guérisseurs ou barreurs de maux? Qu'attendent d'eux leurs clients, qui sont-ils? Dominique Camus donne des éléments de réponse dans cet ouvrage.

Être envoûté, c'est être confronté à une dramatique succession de malheurs censés provenir d'un jeteur de sorts. Mais qui est ce mystérieux personnage qui s'acharne ainsi à la perte de ses victimes? Dominique Camus nous suggère que cet individu existe réellement, qu'il n'est pas issu de l'imagination de ceux qui pensent subir ses agissements. Qui sont ces mystérieux individus que l'on nomme suivant les actes qui leur sont attribués? Que font-ils pour satisfaire les demandes de ceux qui s'adressent à eux? Le lecteur aura un aperçu de la richesse du sujet en consultant la table des matières en fin d'article.

La quatrième de couverture :

A l'heure où triomphent les sciences et techniques, on pourrait penser que la sorcellerie est définitivement reléguée dans le passé et se rallier à l'opinion de Voltaire qui déclarait en 1756: «Il n'y a plus de sorciers depuis qu'on ne les brûle plus.»
Et pourtant! Beaucoup de gens pensent encore aujourd'hui que certaines personnes possèdent des pouvoirs hors du commun leur permettant d'agir sur leurs concitoyens par l'emploi d'étranges rituels.
Qui sont ces mystérieux individus que l'on nomme jeteurs de sorts ou désenvoûteurs suivant les actes qui leur sont attribués?
Que font-ils pour satisfaire les demandes de ceux qui s'adressent à eux?
Qui sont les clients des sorciers et pourquoi requièrent-ils leurs services?
C'est à ces questions que répond Dominique Camus dans cet ouvrage. La sorcellerie n'étant pas un sujet comme les autres, cet universitaire a dû prendre l'inconfortable position de témoin pour pénétrer dans ce monde que peu d'entre nous connaissent.
C'est donc à partir de cas concrets, qu'il a lui-même observés, que l'auteur nous fait découvrir et comprendre cette incroyable réalité. Pas à pas, se gardant bien de tout parti pris afin de préserver l'indispensable objectivité qui fonde toute démarche scientifique, Dominique Camus nous guide dans cet univers occulte pour nous permettre d'en discerner les rouages et les différents protagonistes (généralement, la sorcellerie se présente comme un vaste fourre-tout où sont amalgamés voyants, guérisseurs, radiesthésistes, marabouts...).
A terme, cette étude unique en son genre nous offre la possibilité de savoir à quelles conditions de telles pratiques peuvent être jugées efficaces.


Je reprendrai dans une longue citation des parties d'une interview dans laquelle Camus explique sa position :
"J'ai voulu étudier les pratiques magiques (sorcellerie, magnétisme, voyance, médiumnité...) en étant auprès des personnes qui les utilisent, tout simplement parce que la recherche ne s'était jamais penchée sur la question.
J'entendais parler de ces pratiques en France, j'avais envie de me renseigner sur le sujet et je me suis aperçu qu'il y avait des enquêtes faites par des chercheurs français sur la magie en Amérique Latine et en Afrique, mais très peu de choses sur la France.
Beaucoup de personnes ont un avis sur le magique mais les gens qui connaissent le sujet se comptent sur les doigts d'une main. Le problème, c'est qu'à chaque fois que l'on aborde le sujet on doit se positionner pour ou contre, et forcément la recherche s'en trouve biaisée. Moi-même, en restant neutre, j'ai eu du mal à enquêter. Les personnes que je rencontrais se demandaient pourquoi un universitaire s'intéressait à eux puisque, forcément, je ne pouvais pas croire ce que l'on me disait ou me montrait. Cela est dû au fait que l'opposition entre le magique et la science est intrinsèque. Alors que la science est basée sur un savoir, des règles qui sont les mêmes pour tous et qui autorisent à parler, le magique est lui, basé sur une compétence que l'on s'attribue et qui est reconnue selon des règles sociales très précises. Juste parce que l'on a un don.
J'ai travaillé sur le terrain plus de 8 ans, auprès de sorciers (j'en ai rencontré une centaine), et une vingtaine d'années auprès des magnétiseurs et de voyants. En tout, j'ai du rencontré 2000 adeptes de ces pratiques, sans à priori. Je n'ai pas à être juge des pratiques sociales que j'étudie, ni leur porte-paroles."
"On a bien souvent l'impression qu'elle [la sorcellerie] se pratique surtout dans des communautés étrangères (le vaudou haïtien, la magie brésilienne), mais c'est complètement faux. Il existe une magie française, même si elle reste relativement tabou parce qu'elle continue à faire peur.
Ce tabou renforce la confusion entre désenvoûtement et exorcisme, sorcellerie et possession. La sorcellerie c'est un homme qui peut agir sur un autre par le biais d'un envoûtement. L'exorcisme, c'est une pratique reconnue par l'Église qui consiste à libérer un homme possédé par le Diable. Seuls les prêtres exorcistes nommés par leur diocèse sont habilités à le pratiquer dans l'Église catholique romaine. Dans la sorcellerie il est question de magie, dans l'exorcisme de spirituel. Mais, si les Français ont du mal à faire cette distinction, c'est aussi parce que l'Église elle-même a du mal à affirmer sa position. Seuls une trentaine de prêtres exorcistes, qualifiés d'intégristes, reconnaissent avoir rencontré des personnes possédées. Les autres parlent de personnes en souffrance auprès desquels ils admettent faire un travail de soutien psychologique. Les demandes qu'ils reçoivent sont très nombreuses. J'ai travaillé avec le prêtre exorciste de Rennes, à titre d'exemple, il recevait environ 5 demandes par jour, soit grosso modo 1500 demandes par an." Interview à Ouest-France.

Dominique CAMUS est ethnologue et sociologue, auteur d'une thèse d'ethnologie soutenue à l'EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales à Paris) en 1985, portant sur :  "Sorciers et jeteurs de sorts en Haute Bretagne". Il a enseigné à l'université de Rennes 1. Il se consacre maintenant à écrire des articles et des livres sur le sujet, et il rencontre un bon succès de librairie. En complément, il donne des conférences. Il est aussi artiste peintre.

Table des matières :

I : DU SOURCIER AU SORCIER : LA HIÉRARCHIE DES «HOMMES DU DON»
De la baguette au pendule : les sourciers et les radiesthésistes
Du voyant au médium : l'univers des extra-lucides
Les leveurs de maux
Les panseurs de secrets
Les magnétiseurs
Magie blanche, magie noire. Le pouvoir sorcier

2 : DU POUVOIR SORCIER AU SORCIER
Les stéréotypes d'une galerie de portraits
Origine du don de sorcellerie
Le don inné
Le don acquis
L'initiation sorcière
Le pacte diabolique et le commerce -avec «les forces de l'au-delà»
Cultiver le don: les grimoires de sorcellerie
Conception des pouvoirs sorciers et principes généraux de la magie - Le naturel et le surnaturel - La tri-unité humaine et L'«aura» - Du microcosme au macrocosme
Vivre le don : Les exigences du don - Une reconnaissance sociale sujette à caution

3: LE RECOURS SORCIER
Croire ou ne pas croire: une fausse question
Le «malheur sorcier» : Quand survient l'insolite - Le malheur en série
Caractéristiques du «malheur-sorcier»
L'Eglise et la sorcellerie
La quête du «bonheur sorcier» : L'amour sorcier - La roue de la fortune - La vengeance
Les motifs de la sorcellerie et les acteurs du drame sorcier : Des causes - Un recours transculturel

4 :LES RÈGEES DE EA SORCELLERIE
Un monde dangereux où rien n'est acquis d'avance
La procédure du rite sorcier : le respect de la vertu de l'éprouvé
Caractéristiques du rituel magique : La répétition - Le temps des oeuvres sorcières - Le sanctuaire magique. - L'exigence de prescriptions négatives - Un emploi codifié des matériaux - La séparation entre le profane et le sacré

: LA PROTECTION MAGIQUE
Les rites d'évitement :Le respect d'un coutumier protecteur - Ne pas donner prise: les rites de reniement
Le respect de prescriptions pré et post-opératoires : Les prescriptions pré-opératoires - Les prescriptions post-opératoires
Les boucliers magiques : Les amulettes - Les talismans - La sorcellerie triangulaire

6 : LE COMBAT MAGIQUE
L'envoûtement : Le contact maléfique - L'envoûtement à distance
Le désenvoûtement : Détecter les sortiloges - Détruire les maléfices - Purifier et protéger les lieux et les êtres - Démasquer le jeteur de sorts et découvrir ses mobiles - La contre-attaque : «le choc en retour»

CONCLUSION : Les critères d'appréciation de l'efficacité sorcière
POSTFACE : comprendre et aider la personne «ensorcelée»

Bibliographie

Pouvoirs Sorciers, enquêtes sur les pratiques actuelles de sorcellerie, éd. Imago, 1988, réédit.2000.

Paroles magiques, secrets de guérison. Les leveurs de maux aujourd'hui, éd. Imago,1990, réédit, 1999.

Voyage au pays du magique. enquêtes sur les voyants, guérisseurs, sorciers... , éd. Dervy, 2002.

Jeteurs de sorts et désenvoûteurs, 1, la délivrance, éd. Flammarion,1997.

Jeteurs de sorts et désenvoûteurs, 2, le châtiment, éd. Flammarion, 1999.

Jeteurs de sorts et désenvoûteurs, 3, la Vengeance, éd. Flammarion, 2000.

La sorcellerie en France aujourd'hui, éd Ouest-France, 2001.

Le livre des secrets. les mots et les gestes qui guérissent, éd. Dervy, 2001.

Roland Ernould © 2002

..

 .. du site Imaginaire : liste des auteurs

.. du site Différentes Saisons, revue trimestrielle

 

.. général

mes dossiers sur les auteurs

. . .. . .. . . .