Deuxième partie

Une «archaïcité moderne»

par Delphine Grépilloux-Lespinasse

 Héritage

Mythes

Approches de définitions


       Les diverses définitions du mythe qui sont données par Le Littré et Le Robert[1] permettent d'arriver à deux orientations possibles. Soit le mythe apparaît comme un mensonge, soit il dit quelque chose de fondamental sur les sociétés. Dans un cas comme dans l'autre, le rôle de l'imagination collective est bien présent. Quatre éléments sont cruciaux pour aborder le mythe. C'est tout d'abord un récit collectif, dont l'origine remonte à la nuit des temps. Il fonde et légitime l'histoire et suppose une adhésion de type religieuse.
Afin d'approfondir cette définition, les contributions de divers spécialistes sera évidemment très fructueuse.

Approches de divers spécialistes


       Certains sont enclins à mettre en emphase le lien entre le mythe et sa potentialité à aborder des  questions d'ordre métaphysique, notamment sur l'origine de l'homme. " Le mythe raconte une histoire sacrée : il relate un événement qui a eu lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des commencements
[2] ". Cela peut sembler paradoxal, mais il existe également des mythes de catastrophes cosmiques. Même s'il "  raconte comment, [...] une réalité est venue à l'existence[3] ", des mythes eschatologiques existent, et c'est surtout avec ceux-là que la littérature fantastique contemporaine entretient un rapport.
Gilbert Durand, pense quant à lui qu'un mythe est
[4] : " [..] un système dynamique de symboles, d'archétypes et de schèmes, système dynamique, qui, sous l'impulsion d'un schème tend à se composer en récit[5] ".
Reprendre les définitions d'un mot à l'acception si controversée relève de la gageure, la préface du
Dictionnaire des mythes Littéraires, nous permet de mieux comprendre les fonctions du mythe. Pierre Brunel nous dit que le " mythe raconte. Le mythe est un récit [...] Le mythe explique, [...] Le mythe révèle [...] Il y a donc une conception religieuse et même une conception dévote du mythe[6] ". A ce stade, nous verrons les divergences qui existent entre le récit mythique et le récit fantastique, et nous serons sans doute enclins à admettre qu'il existe un lien plus étroit entre le récit mythique et le récit merveilleux.

Du récit archaïque au mythe littéraire

       Il existe une série d'oppositions entre le récit archaïque et le mythe littéraire[7]. Le récit mythique est vrai, intraduisible, c'est aussi un assemblage de symboles, il fait référence au " grand temps ". La vivance et la création des récits sont collectives et une dimension surnaturelle est présente. Le récit archaïque a également une fonction socio-religieuse sacrée, il appréhende l'homme dans sa totalité, et appelle l'exégèse. Il en émane une vérité absolue. Le récit romanesque, quant à lui est fictif, traduisible, structuré en ses parties. Il y individualité dans la création et dans la consommation du récit. Il est rationnel et a une fonction socio-historique profane. L'analyse psychologique du/des héros est partielle. Son sens s'avère plus ou moins évident, et l'impression donnée est celle d'une vérité relative.
       Malgré l'archaïcité du mythe, son sens est toujours d'actualité car il pose des questions fondamentales sur l'existence. Nous aimerions faire remarquer le paradoxe qu'il existe dans la réception de la vérité par rapport à la dimension surnaturelle. En effet, l'adhésion étant sacrée en ce qui est du récit archaïque, la vérité qui s'en dégage est absolue malgré une création dans laquelle le surnaturel est présent. Cependant, nous notions, dans la partie précédente
[8], qu'il peut y avoir une forme de rationalité dans le surnaturel. Après avoir expliqué que nous préférerions remplacer rationalité par naturalisme ou réalité, nous en viendrons à tenter de situer le récit fantastique.
       Par la suite, nous essaierons de voir les reprises mythiques, et les emprunts aux mythologies dans les ouvrages sélectionnés. On pourrait nous objecter que les versions des mythes littéraires qui peuvent être trouvées dans nos oeuvres sont très éloignées de la version originelle[9]. Les critères de valorisation d'un mythe littéraire relative à son authenticité sortent de notre propos, mais pour Claude Levi-Strauss, toutes sont également vraies car un mythe se compose de l'ensemble de ses variables.

Critères et parallélisme fantastique/mythe


Nous verrons que certains critères requis pour rendre un récit mythique, sont respectés par les auteurs sélectionnés. Il nous faudra arriver à déterminer comment un récit fantastique peut être considérer comme mythique. L'ouvrage d'Umberto Eco,
De Superman au Surhomme, nous donnera des indices afin d'adapter notre méthode en fonction de diverses modalités.
Superman tient en tant que mythe uniquement si le lecteur perd le contrôle des rapports temporels et renonce à les prendre pour base de raisonnement[...] le mythe n'est pas isolé exemplairement dans une dimension d'éternité, car, pour pouvoir être partagé, il doit être plongé dans le flux de l'histoire en acte, cette histoire en acte est niée comme flux et conçue comme présent immobile
[10] ".
 
Nous pensons d'ores et déjà que la " saga evangelistienne " pourrait répondre à des exigences lui donnant la possibilité d'être considérée, un jour, comme mythique
[11].
Il faudra voir si Nicolas Eymerich et Superman ont des points communs faisant d'eux des personnages " atemporels ", nous tenterons aussi d'établir les références temporelles du récit, et nous verrons que " le plaisir itératif " recherché par nombre de lecteurs est assouvi dans des littératures populaires
[12]. La littérature fantastique fonctionne-t-elle sur un " modèle mythique[13] " ? Nous étudierons, pour finir, les différentes références aux mythologies et les mythes littéraires qui apparaissent dans les oeuvres étudiées[14].
 
Entre mythologie et Bible
      

Des divinités antiques sont dignes d'intérêt : Astarté, Sid Puissant Baby, et Tanit se retrouvent, par exemple, dans Le mystère de l'inquisiteur.
Certaines divinités sont à mi-chemin entre les mythologies et la Bible. Nous pourrons donc considérer le dragon et les passages qui y font implicitement référence dans les ouvrages sélectionnés, car c'est un animal fabuleux qui appartient à la mythologie, mais aussi au " folklore d'Israël
[15] ". Nous nous attarderons aussi sur d'autres personnifications du mal telles que le Leviathan[16] et le serpent.
 
Bible [17]

                      
  Outre-tombe
       La spatialisation de l'au-delà rencontrée dans la littérature d'imagination n'est pas un phénomène récent. L'origine de cette conception est même antérieure à la création du Purgatoire ; depuis des temps immémoriaux, les hommes ont tenté de matérialiser le néant
post-mortem. On retrouve cette spatialisation dans la littérature fantastique, avec la teinte biblique. Nous étudierons, ici, les occurrences de l'enfer[18], du Chéol[19] et duGéyenne[20], au sein des ouvrages sélectionnés.

                       
Le statut du corps
       Nous porterons un intérêt particulier à l'âme
[21], au sang et au corps[22] pour parvenir à  une évaluation de l'influence religieuse sur les écrivains que nous étudions. La comparaison du milieu dans lequel ils ont été élevé, des croyances entretenues dans leurs familles, nous montrera que leurs oeuvres sont largement empreinte de leur culture personnelle[23].
       Nous en arriverons à traiter de ceux qui " enjambent à rebours le seuil de la mort : c'est à dire l'irréversible par excellence[24] ". Il est vrai que les hébreux ont toujours cru que la vie ne s'arrêtait pas avec la mort, mais l'existence dans le royaume des morts est triste. Le procédé de résurrection euphémise l'horreur de la néantisation, mais peut aussi rendre l'homme capable de penser que la mort est préférable[25].
       L'approche du corps dans l'au-delà a toujours été paradoxale. Dans la conception judéo-chrétienne, l'enfer est un lieu de souffrances physiques, et pourtant l'enveloppe charnelle n'est pas censée être présente dans l'au-delà car l'âme quitte le corps pour parvenir dans l'autre monde.

Nous partons de la constatation suivante : dans l'espace de la symbolique judéo-chrétienne, le corps a un statut paradoxal. D'une part, il est fait à l'image du Dieu, et se retrouvera intact lors de la résurrection espérée. D'autre part, il est matériel et sujet à la décomposition. [...] L'église ; pendant longtemps, ayant interdit les recherches fondées sur la dissection, le corps a ainsi gardé une part de mystère, qui le place au coeur d'une fantasmatique exploitée par les auteurs de nombreux textes fantastiques, qui lie le désir et la revenance, lorsque l'amour est plus fort que la mort. [...] Cependant, le discours médical scientifique a eu, un jour, son mot à dire : l'unité du corps visible a été brisée, le corps ouvert, la source de la vie recherchée, l'âme même traquée au bout du scalpel[26].
 
Grâce à ce que nous apprend Roger Bozzetto, nous tenterons de cerner les méthodes d'écriture qu'utilisent les auteurs que nous étudions pour comprendre comment ils parviennent à aider le lecteur à visualiser ce qui est éthéré.

                       
L'Apocalypse
       L'Apocalypse de Jean est une source inépuisable d'inspiration. On la retrouve dans les ouvrages étudiés
[27] Une comparaison entre l'Apocalypse de Jean et les ouvrages sélectionnés révélerait les nombreuses allusions bibliques La numérologie[28] pourra être d'une aide supplémentaire pour confirmer ces références. Cependant, nous verrons aussi que les ouvrages fantastiques s'achèvent sur la vision apocalyptique et ne se concluent pas par la vision de la Jérusalem nouvelle.
 
Les contes 
   Nous essaierons de mieux comprendre les mécanismes du merveilleux afin de les comparer à ceux du fantastique. De part leur antériorité, les contes merveilleux font partie des influences où s'enracine le genre fantastique. Le fantastique innove simplement au travers de son ambiguïté. " Le conte rejette la réalité présente dans l'exotisme du merveilleux afin de mieux la juger. Il suppose une rigueur qui ne souffre pas l'ambiguïté du fantastique, et, par son jeu sur les apparences, constitue l'écrit comme le lieu de la vérité et le réel comme celui du mensonge
[29] "
Nous retrouverons ainsi le manichéisme des contes de fées dans les ouvrages fantastiques, et en arriverons à considérer certains ouvrages fantastiques comme des contes de fée d'horreur.
Nous verrons enfin que le réalisme n'a pas à être présent dans les contes merveilleux, en effet, le " il était une fois'" place les événements narrés hors de toute actualité et prévient toute assimilation réaliste[30] ". La limite entre le merveilleux et le fantastique se dessinera, nous rendant capable de l'établir précisément.
 
Le Gothique
       Nous tenterons d'établir les différences et les similitudes qu'il existe entre le roman gothique et le roman fantastique contemporain. Certaines stratégies narratives de ces derniers, nous semblerons directement influencées par celles des romans gothiques
[31]. Il est donc évident que la littérature fantastique contemporaine est largement empreinte de l'influence gothique, mais il nous restera à voir les différences majeures entre le fantastique et cet ancêtre. Le parallélisme établi par Maurice Lévy, nous permettra de voir en quoi des emprunts peuvent engendrer des innovations pertinentes. " En réintégrant dans le présent du texte un passé oublié (rationnel, régional, universel) devenu mythe par le jeu des sublimations collectives : ou, si l'on préfère, en régressant d'un monde narratif moderne qui consacre l'émergence de l'histoire dans la fiction (le roman) vers les formes préhistoriques du récit[32]. "
 
Une tradition américaine ?

                       
La frontière
       Il serait intéressant de noter en quoi les normes de la vie américaine ont pu entraîner des écrivains influencés par les romans gothiques à être les précurseurs d'une nouvelle vague littéraire. Le concept de frontière, très présent dans la société d'outre-Atlantique, a pu être créateur d'une fascination de l'inconnu. Bercés, depuis leur plus jeune enfance par une idée fort simple, mais instigatrice d'un développement de l'imaginaire de l'inconnu : il y a toujours une frontière à franchir derrière laquelle peuvent se déployer des forces surnaturelles, les auteurs américains " scandent à leur manière les différents visages pris par leur panique devant l'inconnu
[33] ".
Nous essaierons de comprendre comment cette mentalité de la découverte est transcrite en filigrane dans les ouvrages fantastique contemporains.
           

                       
H. P. Lovecraft
       Avant de voir les traces laissées par l'oeuvre de Lovecraft dans les ouvrages que nous avons sélectionnés, nous aimerions montrer que cet auteur est lui aussi un héritier d'un système mythique et du roman gothique. Il faudra déterminer en quoi " [l]e fantastique de Lovecraft se situ[ant...] dans une perspective critique des mythes antérieurs [...] débouche[...], paradoxalement, sur la création, au niveau de l'imaginaire, d'une "mythologie littéraire
[34] ". Ensuite, nous verrons que l'hyperbole était utilisée dans le récit gothique afin de créer un sentiment de peur sans connaître le véritable visage du monstre potentiel. Denis Mellier affirme d'ailleurs à ce sujet que " [c]et usage de l'excès de représentation, qui entraîne par un excès hyperbolique des tropes, constitue l'héritage gothique de Lovecraft[35] ". Cette approche permettra de s'être suffisamment familiariser avec cet auteur pour arriver à déceler son sceau dans les oeuvres choisies pour ce travail.
      

Etudier l'influence lovecraftienne sur les ouvrages sélectionnés nous mènera à une approche de la " rhétorique de l'excès[36] ". La mythologie personnelle conçue par cet auteur est peuplée d'une tératologie alliée à une écriture hyperbolique que l'on retrouve, à des degrés différents chez Serge Brussolo, Stephen King et Valerio Evangelisti. Le travail entrepris précédemment sur la quête de sens[37] pourra être approfondi en vue d'une meilleure compréhension du sentiment ambigu engendré par ces auteurs qui utilisent l'hyperbole de façon parfois outrancière. Les lecteurs des récits de Lovecraft sont souvent partagés et une critique récurrente consiste en la volonté de voir gâchée par le " trop-voir ". Lovecraft,
[...] serait finalement ennuyeux de rendre visibles les irréalités, les monstres, les mythes, les fantasmes régressifs, les symboles, l'écriture et sa lettre. L'ennui de l'exhibition, la répétition de la visibilité font de Lovecraft un "pornographe "
. Répéter au point que l'ennui sature le spectacle, exhiber l'explicite sans retenue du sens voilé, sans détours de la rhétorique, mais au contraire par surcharge des topoï idéologiques ou fantasmatiques, rendre visible la scène de l'écriture au lieu d'en faire le lieu d'un questionnement du texte aboutit finalement à une pornographie de l'écriture[38].
 
Nous établirons en quoi le fantastique et l'hyperbole sont liés, afin de voir les limitations que se sont fixés les auteurs sélectionnés, pour que leurs textes ne livrent pas leur ramification s'il en vient à montrer une image tératologique. Enfin, il nous faudra appréhender la visée des oeuvres de Lovecraft, pour comprendre si le dévoilement du monstrueux, et l'effroi ainsi provoqué, n'est pas justement le paroxysme désiré
[39].
       Malgré tout, l'écriture lovecraftienne est souvent en bute à des critiques concernant les maints clichés qui rendent son oeuvre reconnaissable même sans sa signature.
 
                        Les romans fantastiques sont les fruits d'une convergence, et d'une interpénétration d'influences. Cette archaïcité est sans cesse refaçonnée, et les auteurs font leur les divers héritages en apportant leurs innovations. Ce qui en résulte est souvent retranscrit dans la critique par les reproches faits contre cette littérature de clichés. Pourtant, si les stéréotypes véhiculent toujours des émotions nécessaires à l'homme pour solliciter son inconscient, c'est qu'ils sont certainement d'une richesse indubitable.
 

Stéréotypes ou archétypes ?

Reprises et innovations

Mémoire archaïque
       Une compréhension de l'inconscient collectif pourra s'avérer intéressante afin de distinguer les ficelles sur lesquelles tirent les
fantastiqueurs-marionnettistes Les stéréotypes qu'ils utilisent sont en fait des images qui convoqueront chez l'homme des émotions primitives. On sait que,
[c]hacun de nous possède un inconscient individuel. Mais là ne s'arrête pas la richesse de notre psyché. Au dessous de cet inconscient individuel [...] se trouvent des couches plus profondes et plus difficilement accessibles : ce sont les couches de l'
inconscient archaïque. Ses traits sont ceux de l'espèce et se retrouvent, sinon identiques, du moins étonnamment analogues, chez tous les représentants de la race humaine. [...] On a appelé archaïque cet inconscient à cause du caractère primitif de ses manifestations ; on l'a appelé collectif, pour bien marquer qu'il n'est pas la propriété d'un individu, mais celle d'une collectivité[40].
 
Il semble dès lors possible de voir des stéréotypes prendre une dimension archétypique
[41]. Par conséquent, quelque soit la nationalité de l'écrivain, du lecteur etc des collections d'images évoqueront le même imaginaire de la peur[42].
L'universalité et l'a-temporalité de certaines structures sont évidentes, et la littérature fantastique témoigne de cette disposition et l'utilise de façon narrative. Un savant dosage d'éléments déclencheurs de peur sera nécessaire pour que les stéréotypes ne soient pas risibles, mais qu'ils soient bien des stimuli phobogènes.
Hormis le fait que l'inconscient soit réceptif à des stimuli (considérés, souvent de façon dépréciative, comme des stéréotypes, mais qui sont véritablement des archétypes
[43]), le lecteur peut aussi trouver un côté positif dans une réception stéréotypique. Umberto Eco, parle du
[...] goût du schéma itératif [qui] se présente donc comme un goût de la redondance. La réputation de littérature de divertissement fondée sur ces mécanismes est une
réputation de redondance. Sous cet aspect, la majeure partie de la narrativité de masse est une narrativité de la redondance.
De ce point de vue, nous sommes tentés d'aborder les phénomènes du divertissement d'évasion [...] avec une plus grande indulgence, nous reprochant d'avoir appliqué un moralisme acide, mâtiné de philosophèmes, à quelque chose d'inoffensif voire de bénéfique
[44].
 
La littérature fantastique et les stéréotypes produits sont en fait une réponse à la demande du lectorat. Il nous faudra déterminer les limites de l'utilisation de clichés une bride apposée à un genre qui ne pourrait être sans certaines récurrences incontournables
[45].
 

Innovations et spécificité de chaque auteurs
       Après les chapitres de cette partie, nous pourrions penser que les fantastiqueurs contemporains n'ont rien inventé. Pourtant, de nos jours, la littérature fantastique attire nombre de lecteurs, de producteurs etc., et cela est rendu possible grâce à diverses innovations. Nous pouvons d'ores et déjà donner quelques pistes, relatives aux conséquences de l'environnement socio-économique sur les stratégies d'écriture des auteurs fantastiques étudiés. L'importance attachée à l'apparence est telle que les déformations monstrueuses provoqueront un effroi supérieur que celui qu'aurait causé une telle description à l'époque médiévale. Nous avons, auparavant, traité des peurs eschatologiques
[46], il nous faudrait voir l'évolution des apocalypses. Dans les ouvrages étudiés, leur cause est souvent devenue insidieuse[47].
       Une fois que nous aurons été en mesure d'établir les innovations qui permettent au genre fantastique de ne pas s'essouffler, nous nous arrêterons sur la spécificité propre à chaque auteur
[48].
 
Écriture rituelle

Répétition créatrice du rite
       De façon à comprendre ce que nous entendons par ce titre, il nous faudra aborder le rite afin d'en montrer les fonctions
[49]. La définition que donne Jean Maisonneuve est enrichissante car elle montre la différence entre l'acception commune pour laquelle la pratique routinière joue un rôle fondamental et le " système codifié de pratiques, sous certaines conditions de lieu et de temps, ayant un sens vécu et une valeur symbolique pour ses acteurs et ses témoins, en impliquant la mise en jeu du corps et un certain rapport au sacré[50] ".
       Comme les mythes ont besoin d'une concrétisation rituelle, l'oeuvre fantastique, demande des rituels d'écriture et de lecture. Elle suppose le respect de certaines règles de la part de l'écrivain, règles sans lesquelles l'oeuvre serait exclue du genre fantastique, mais également de la part du lecteur, qui doit
vouloir croire. Son adhésion de type pseudo-religieux, (car il oublie son scepticisme) lui confère une envie de croire dont se saisissent les écrivains.

Les nouveaux rituels funéraires (parallélisme avec les nouveaux rituels d'écriture)
            Dans une littérature où la mort est omniprésente, il paraît évident qu'une place non négligeable sera réservée aux rituels de passage. Notre perspective se voulant
thanatologique[51], il nous semble à ce stade pertinent de nous arrêter sur les nouveaux rituels funéraires afin de voir que la société de consommation peut engendrer des changements sensibles même en ce qui concerne des traditions archaïques. Cette approche nous permettra de ressentir en quoi cette conception nouvelle de la mort (en tant qu'objet de consommation), peut avoir une influence notable sur les stratégies qu'auront à mettre en oeuvre les fantastiqueurs. De nos jours, l'image que doit laisser le défunt est celle de beauté et d'apaisement. L'apparence extérieure est si importante qu'elle doit perdurer au-delà de la  mort, comme pour témoigner d'une victoire sur la néantisation. C'est une des raisons pour laquelle, " [l]e culte moderne des morts est un culte du souvenir attaché au corps, à l'apparence corporelle[52] ".
Il sera intéressant de relever les références explicites aux nouveaux rituels funéraires et celles qui, implicitement, trahissent cette façon de garder du cadavre une vision que l'imaginaire de l'effrayant ne saura détourner. Pour cela," le mort [est]transformé en presque-vivant par l'art des
morticians[53]. Les fantastiqueurs pourront donc, dans une société qui souhaite éradiquer la mort, utiliser ce tabou et en faire un ressort narratif phobogène.
Ainsi, le cadavre [...] renvoie-t-il, à travers les symptômes de la putréfaction, à l'image de la désagrégation irrécupérable de l'individu et du groupe. Toutes les sociétés ont leurs pratiques funéraires qui visent, par le biais des mythes et des rites, à conjurer le désarroi qui en résulte. Pour persister dans l'être après cette confrontation avec le néant, l'imaginaire pallie l'angoisse et supplée les manques en s'inventant un symbolisme plus confortable qui réintègre décemment la mort dans la vie
[54].
 
Nous prendrons soin d'établir toutes les occurrences évocatrices de la putréfaction. Paradoxalement, cette vie qui renaît de la mort reste liée, dans l'imagination collective à l'horreur de la mort. L'intérêt porté ici sera révélateur d'une forme d'inversion symbolique entre ce que recherche l'homme et ce qu'il trouvera en littérature fantastique. Ce qu'il veut fuir dans la vie réelle (une confrontation avec un mort revenu d'outre-tombe par exemple) sera ce à quoi il sera confronté dans ces ouvrages où l'irréversible ne l'est pas.
       Dans notre société, les croyances religieuses ont bien changé par rapport au temps où l'hérésie était passible de la question
[55]. Cependant, le besoin de croire est très important. Ces deux remarques faites, nous pouvons mieux comprendre qu'une désacralisation des funérailles s'opère, mais pour que la dignité du défunt et des vivants soit sauve, certains  rituels doivent être respectés :
Le séjour au
funeral home est un compromis entre la déritualisation décente, mais hâtive et radicale, de l'Europe du Nord et les cérémonies archaïques du deuil traditionnel. De même, les nouveaux rites funéraires créés par les Américains sont-ils un compromis entre leur répugnance à ne pas marquer un temps d'arrêt solennel après la mort, et leur respect général de l'interdit sur la mort[56]
 
Les rituels funéraires américains
[57] seront des révélateurs d'une nouvelle vision de la mort et des rituels engendrés. En littérature fantastique, cela sera répercuté de façon plus ou moins implicite sur la conception de la mort, des revenants, de l'au-delà, etc.
 
Archaïcité, mais modernité grâce à la faculté d'adaptation de cette littérature.
Malgré des rituels d'écriture, la littérature fantastique innove.
 Dans une société où les rapports avec le sacré sont en perpétuelle évolution, les écrivains fantastiques doivent refaçonner des évocations effroyables.
Pour que le " beau cadavre " voulu par les embaumeurs soit à jamais un oxymore.
Pour que le face à face avec Thanatos soit source de plaisir.

Notes :
[1] Pour Le Littré, le mythe est "  1. [une] fable, récit, temps fabuleux ; relatif à un temps que l'histoire n'éclaire pas.
2. [un] récit, fait réel ou non, nécessité des divinités.
3. Ce qui n'a pas d'existence réelle. "
Le Robert nous apprend que le mythe est " 1. [un] récit des temps fabuleux, souvent d'origine populaire, qui met en scène des êtres incarnant, sous forme symbolique, des forces de la nature et des aspects de la condition humaine.
2. [une] reproduction de faits ou personnages réels exagérée par l'imagination collective.
3. Ce qui n'a pas d'existence réelle. "

[2] Mircea ELIADE, Aspect du mythe, Paris, Gallimard, 1963, p. ?.

[3] André JOLLES, Formes simples, Paris, Seuil, 1972, p. ?.

[4] Nous choisirons ici la définition du mythe que donne Gilbert DURAND au début de Les Structures anthropologiques de l'imaginaire. Mais, il nous semble également important, surtout dans une optique de confrontation entre le mythe et le fantastique, de considérer ce qu'il ajoute par la suite : " [...] tout mythe [...est r[echerche] du temps perdu, et surtout effort compréhensif de réconciliation avec un temps euphémisé et avec la mort vaincue ou transmuée en aventure paradisiaque, tel apparaît bien le sens inducteur dernier de tous les grands mythes ". [DURAND (G.), 1992, 433].
Ainsi, la visée mythique serait certainement très proche de celle de la littérature fantastique, et le surnaturel qui est utilisé serait une stratégie commune. Inconsciente et qui remonte
In Illo Tempore pour le mythe, plus ou moins délibérée, et datée pour la littérature fantastique. Il nous faudra voir en quoi le fantastique et le mythe peuvent être relativement similaires sur le plan narratif, puis tenter de mettre en lumière la cohésion du merveilleux comme transition entre le mythe et le fantastique [cf. infra., p.25-26].

[5] Gilbert DURAND, op. cit. p. 64.

[6] Pierre BRUNEL, Dictionnaire des Mythes littéraires, Paris, éd. Du Rocher, 1988, p. 8-9.

[7] Max BILEN, " le comportement mythico-poétique " cité par André SIGANOS, Le minotaure et son mythe, Paris, PUF, p. 23.
Le paragraphe qui suit est tiré du tableau de la page 23 de l'ouvrage d'André SIGANOS

[8] Cf. supra., p. 5.

[9] Une quête de l'origine du mythe aboutit souvent à une impasse, car le mythe peut se perdre dans la nuit des temps

[10] Umberto ECO, de Superman au Surhomme, Paris, Grasset, 1978, p.149.

[11] L'acception à appliquer ici n'est nullement celle qui apparaît en deuxième pour Le Robert [voir infra., p. 20.]

[12] Cela sera cependant développé de façon plus approfondie dans le chapitre traitant des stéréotypes et des archétypes. Cf. infra., p. 29.

[13] Roger BOZZETTO, op. cit., p. 202.

[14] Nous pouvons déjà affirmer que le Wendigo, qui est présent des ouvrages kingiens, est une divinités de la mythologie indienne, et nous nous attarderons aussi sur le mythe de Prométhée, de Faust etc. chèrs à la littérature fantastique.

[15] André-Marie GERARD, Dictionnaire de la Bible, Paris, Robert-Laffont, 1989.

[16] Monstre de la mythologie, introduit dans le folklore hébreu.

[17] Un certain scepticisme pourrait être ressenti dès lors que l'on évoque une similitude entre la littérature fantastique et  la Bible. En effet, les Ecritures se doivent d'être interprétées et lues sur un plan allégorique : " Tu ne liras pas la bible pour sa prose ", dit W.H Auden à ce sujet. Alors que la littérature fantastique sort du fantastique si le lecteur lit le texte sur le plan de l'allégorie. Le concept biblique de libre arbitre est aussi un point sur lequel la littérature fantastique ne converge pas avec la Bible : dans les ouvrages que nous étudions, l'horreur semble prédestinée.

[18] Nous serons vigilants de ne pas assimiler  les enfers, qui sont le pays des profondeurs, le séjour des morts, et l'enfer du châtiment où  les morts sont torturés jour et nuit pour l'éternité.

[19] Dans l'Ancien Testament, c'est le séjour des morts. Ce lieu dépouillé, caverne ténébreuse, dans lequel règne une égalité entre les morts est un royaume de silence et de poussière.
Dans le Nouveau Testament, lieu de châtiment où ne demeurent que les méchants.

[20] Séjour des morts condamnés par la justice divine, ardeur du feu. " [...] Pourrissoir d'outre-tombe où les dépouilles des infidèles sont à jamais la proie du ver et du feu. "

[21] L'immortalité de l'âme n'apparaît qu'au IIe siècle avant J.C.

[22]  " La chair et le sang " suffit à désigner l'homme.
Le sang est symbole d'épouvante dans les visions d'apocalypses, et est donc cher aux fantastiqueurs.

[23] Nous savons, par exemple, que Stephen KING a été élevé dans un environnent puritain. Il faudra se demander en quoi cela transparaît dans son oeuvre. Les références religieuses dans Simetière sont très nombreuses : " Church, Victor Pascow, nom à consonance juives, est très proche du mot hébreu "Paschal", qui signifie, dans cette langue soit résurrection, soit Pâques (juif). Zeldameurt à Pâque. Creed : "celui qui croit". Cependant, ce n'est pas la croyance religieuse qui prévaut, mais plutôt, la révolte contre la résignation chrétienne face à la mort, d'autant plus sacerdotique que c'est ‘le croyant·, Creed, qui outrepasse la volonté de Dieu ". [BOURDIER (L.), 1998, 113].

[24] Vladimir JANKELEVITCH, L'irréversible et la nostalgie, Paris, Flammarion, 1970, p. 90.

[25] L'immortalité (sous forme fantomatique ou encore véhiculée par l'image d'un revenant), est un des thèmes les plus exploités de la littérature fantastique. Certains passages de la résurrection de Lazare sont même cités explicitement dans Simetière.

[26] Roger BOZZETTO, op. cit. p. 190-191.

[27] Un passage en est même explicite dans Le mystère de l'inquisiteur : " Vous vous souvenez de L'Apocalyspse ? Je vis sortir de la mer une bête qui avait dix cornes et sept têtes, et sur les cornes dix diadèmes, et sur les têtes des noms de blasphème.' " [EVANGELISTI (V.), 1999, 300]. On retrouve cette situation dans le dernier livre du Nouveau Testament, [Ap. 13, 1.]

[28] Le chiffre de la bête de l'Apocalypse, se retrouve souvent dans les oeuvres fantastiques. Son occurrence préfigure les intrusions fantastiques dans Les Rêveurs d'ombre, de Serge BRUSSOLO.

[29] Irène BESSIERE, op.cit., p. 17.

[30] Ibid., p. 32.

[31] Nous nous intéresserons pour cette étude aux ouvrages majeurs du roman gothique :Vatheck (W.BECKFORD), The Mysteries of Udolpho (A. RADCLIFF), The Monk (M.G. LEWIS).

[32] Maurice LEVY, " Gothique et fantastique ", in Les fantastiques, Europe, n°611, Paris, Les Editeurs Français Réunis, p. 44-45.
 

[33] Roger BOZZETTO, " Le fantastique dans la littérature ", Le fantastique américain, Europe, n°701, p.6.

[34] Roger BOZZETTO, L'obscur objet d'un savoir, Provence, Presses Universitaires de Provence, 1992, p. 137.

[35] Denis MELLIER, op. cit. p. 274.

[36] Denis MELLIER, dans son ouvrages L'écriture de l'excès, réserve une très large partie à l'approche de l'écriture très figurative de H.P. LOVECRAFT.

[37] Cf. supra., p. 17-18.

[38] Denis MELLIER, op. cit. p. 347.

[39] A ce stade, nous aurons glaner suffisamment d'indices grâce à la définition du fantastique donnée par LOVECRAFT, pour répondre de façon précise à cette question, et pour mettre en parallèle les objectifs des auteurs sélectionnés.

[40] Yves LE LAY, préf. Carl Gustav JUNG, Métamorphoses de l'âme et ses symboles, Paris, Le Livre de Poche, 1993, p. 13.

[41] L'acception que C.G. JUNG donne des archétypes est importante à noter : " [...] une disposition innée de structures universelles identiques de la psyché [...] J'ai appelé archétypes ces structures. " [JUNG (C.G.), 1993, p. 54.

[42] Il sera intéressant d'évaluer le passage de l'archétype au stéréotype. Mais aussi de se demander à partir de quel degré " stéréotypique ", une collection d'image telle que la maison en ruine au bord d'une falaise, une nuit de pleine lune et sous la pluie, convoquerait le rire au lieu de la peur.

[43] Nous démontrerons cette affirmation de façon approfondie grâce aux définitions des stéréotypes, des archétypes, et à des exemples relevés dans les ouvrages étudiés,

[44] Umberto ECO, op. cit. p. 161.

[45] " Mais le problème ne se pose-t-il pas de façon très différente si ce plaisir de la redondance, d'instant de repos, de pause dans le rythme convulsif d'une existence intellectuelle vouée à la réception d'informations, devient la norme de toute activité imaginative? Autrement dit, n'y a-t-il pas ceux pour qui la narrativité de la redondance constitue une alternative à autre chose, et ceux pour qui elle représente la seule et unique possibilité? Plus encore à l'intérieur des mêmes schémas itératifs, dans quelle mesure un dosage différent des contenus, des thèmes (en d'autres termes, à l'intérieur d'une même structure syntaxique, dans quelle mesure une articulation différente des références sémantiques) ne renforce-t-il pas la fonction négative du schéma? " [ECO (U.), 1978, p.161.]

[46] Cf. supra., p. 24.

[47] Le caractère sournois avec lequel s'immisce les eschatologies dans les ouvrages de V. EVANGELISTI, sera très fructueux à étudier. En effet, l'omniprésence microbienne est révélatrice de nouvelles peurs. Les progrès de la science sont toujours effrayants, et prennent un nouveau visage avec le développement de conséquences invisibles mais dont la dangerosité potentielle est créatrice de nouvelles angoisses et phobies.

[48] Citons, à titre indicatif, les différents aspects que nous souhaitons développer : la bête hyperbolique brussolienne, les longueurs, la boulimie d'écriture, et l'écriture cinématographique kingiennes. On pourra ajouter que la pluridisciplinarité est exigée sans doute plus qu'elle ne l'était auparavant, notamment chez V. EVANGELISTI. Pour cet auteur, nous étudierons également la temporalité. Les trois époques sont présentes dans ses oeuvres (comme en Italie où se côtoient passé/présent/futur). Son écriture met aussi en scène des personnages réels, et met en emphase " l'histoire avec sa grande hache "

[49] " Rôle des rituels : Fonction de maîtrise du mouvant et de réassurance contre l'angoisse les conduites rituelles expriment et libèrent l'inquiétude humaine devant le corps et le monde, leur transformation et leur anéantissement. Elles permettent de canaliser des émotions puissantes (comme la haine, la peur, le chagrin, l'espérance) dans le cas de nombreux rites archaïques d'ordre conjuratoire et propitiatoire. Cette fonction est particulièrement manifeste dans les rituels de deuil présents dans toutes les sociétés ainsi que dans certains rites d'initiation ou de soins corporels [...]
Fonction de médiation avec le divin ou avec certaines formes et valeurs occultes ou idéales [...]
Fonction de communication et de régulation,[...] " [MAISONNEUVE (Jean), 1988, p. 12-14].
Grâce à cette approche de J. MAISONNEUVE, nous aurons la possibilité de voir que ces mêmes fonctions peuvent être remplies, en partie, par la littérature fantastique qui, de par le rapport qu'elle entretient avec le surnaturel effrayant assume un rôle de lien avec le sacré.

[50] Jean MAISONNEUVE, Les rituels, Paris, P.U.F., 1988, p. 12.

[51] Nous souhaitons montrer en quoi chaque développement sur la littérature fantastique peut-être liée à une dimension de la mort.

[52] Philippe ARIES, Essais sur l'histoire de la mort en Occident, Paris, Seuil, 1975, p. 164.

[53] Louis-Vincent THOMAS, Civilisation, Divagation, Mort et Fantasme, Paris, Payot, 1978, p. 206.

[54] Ibid., p. 95.

[55] " Sans nous engager dans un parcours rétrospectif la récente enquête, commanditée en mai 1994 par les journaux Le Monde et La Vie sur " les croyances des Français ", livre, pour notre pays du moins, un état des lieux dont le bilan peut être résumé en quelques constats.
Et ces constats sont rudes : 67 % des Français se disent aujourd'hui catholique contre 81% voici 10 ans ; la croyance en Dieu, plus stable, est passée de 66 à 61%. Mais l'au-delà, que l'on évoque, est devenu de plus en plus imprécis. Le progrès le plus sensible s'inscrit dans le groupe de ceux qui répondent : il y a quelque chose mais je ne sais quoi'. Ceux qui se risquent à plus de précision restent minoritaires : l'enfer, hier évanescent (25 %) fait un retour marqué 33 %, le purgatoire lieu d'expiation momentanée n'est invoqué que par 35 %
Il serait de toute évidence imprudent d'extrapoler ce paysage d'âme collectif des Français aux autres aires de la civilisation occidentale. [...] Mais une tendance générale se dessine, qui, au-delà de l'originalité française, atteste du recul des dogmes des églises établies, et d'une déchristianisation en cours. La surprise que cette enquête a fait naître chez ses commentateurs tient plus qu'à ce constat, au demeurant ambigu (reprise de la croyance en l'au-delà, retour de l'enfer), à celui des formes qu'il a prises. [...] En contrepartie, on ne croit plus guère à la science, mais 39% des Français croient aux extraterrestres et 71% à la transmission de pensée, et 37% sont persuadés que les morts communiquent avec les vivants. Ces bricolages affectent aussi bien les chrétiens que les incroyants [...] une majorité de catholiques croient à la communication des vivants et des morts, et pour beaucoup l'accent nouveau mis par l'eschatologie chrétienne sur la promesse de la résurrection a éloigné des stratégies traditionnelles, ancrées dans l'idée de l'expiation à temps ou de la punition éternelle. " [MAISONNEUVE (J.), 1988, p.213.]

[56] Philippe ARIES, op. cit., p. 205.

[57] L'ouvrage de Jessica MITFORD, The American Way of Death, sera un support de travail sérieux car elle montre les travers commerciaux qu'elle a découvert en menant des recherches sur le milieu des pompes funèbres.

Delphine Grépilloux-Lespinasse © 2000. d.grepilloux@nomade.fr

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D'UNE TÉNÈBRE À L'AUTRE :

1- LES AGES DE LA VIE dans Simetiere et Sac d'os.

2- LE PASSAGE DU TEMPS

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DU FANTASTIQUE À LA «LITTÉRATURE DE L'INDICIBLE»

1 - Rapport entre le degré de littérarité et «l'effet-fantastique»

2 - Une «archaïcité moderne»

3 -  Voyeurisme morbide ou réflexion cathartique ? saison automne 2002

4- L'engramme de l'orifice. saison hiver 2002

 

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 .. du site Imaginaire

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