1,6180335

Récit

par Erwin Toul

Quand j'étais encore ce jeune étudiant qui haïssait les mathématiques, ce nombre n'avait, pour moi, aucune signification. Je ne m'intéressais à la physique que pour étudier les phénomènes astronomiques dépassant les limites de l'imagination comme des badauds se seraient soudainement intéressés à la formule 1 en voyant un accident sur un circuit.
Les chiffres m'intriguaient comme un enfant et me faisaient peur. J'avais un profond respect pour les mathématiciens qui arrivaient à comprendre cette jungle de calculs et de figures géométriques complexes.
Mon meilleur ami, sans être un passionné de cette matière, poursuivait ses études dans ce domaine. Je ne puis en parler sans ressentir des frissons dus davantage à la personne qu'il était qu'à ses récents travaux qui ont conduit à sa mort ; que personne n'avait encore pu expliquer à ce jour.
Conrad West était un jeune homme plein d'intelligence et de talent. Il rencontrait le succès dans chaque chose qu'il entreprenait. Malgré sa grande modestie, il n'avait pu s'empêcher de devenir quelqu'un d'assez froid et de très exigeant. Mais, étant son meilleur ami, je n'avais connu avec lui que joie et bonheur.
Tous petits déjà, nous partagions une passion commune pour les jeux de construction et nous créions des villes entières, des personnages et des histoires d'une complexité infinie, dont les limites étaient sans cesse repoussées. Son frère avait aussi cette passion. Étant le cadet, il subissait la haine de son grand frère qui était sans doute jaloux de son talent qu'il avait encore plus incroyable que Conrad et moi réunis. Kayl West était déjà très renfermé pour un garçon de son âge. D'amis, il n'en avait jamais eu. Il avait pour seuls compagnons de route, ses nombreux jouets qu'il devait partager avec son dictateur de frère qui cherchait constamment à l'empêcher de s'épanouir. Je pense que la vie obscure de Kayl était due en grande partie à son frère. En tant que son meilleur ami, je me sentais gêné de ne pas intervenir. Les quelques phrases que proférait Kayl m'intriguaient. Elles semblaient être en complet décalage avec la réalité. Ce n'est que quelque temps après sa mort que je compris qu'il vivait dans son monde qu'il s'était construit. Sans cette échappatoire, il n'aurait pas survécu longtemps à l'attitude de son frère. Un garçon de 12 ans soumis à une telle pression ne peut en sortir sans séquelles.
Sa mort fut presque un soulagement, en même temps que le sentiment d'une immense perte. Quand je repense à ses constructions qui prenaient toute sa chambre, à ses histoires torturées qu'il s'inventait, je ne puis pas m'empêcher de rêver à ce qu'aurait pu être sa place dans le monde : un écrivain de génie ? Un cinéaste capable de chef-d'oeuvre ? Un nouveau Dieu pour ses milliards d'humains à l'imagination sclérosée ?
J'étais là quand il est mort, d'une terrible chute dans les escaliers. Je n'oublierai jamais ce regard qu'il m'a adressé avant que l'étincelle de vie ne quitte ses yeux souvent perdus dans le lointain. On aurait dit qu'ils étaient tout entiers de la haine. La haine et l'incompréhension. Pourquoi lui devait quitter ce monde ? Lui, capable de tant de choses à son âge ?
À 12 ans, il semblait avoir déjà tout compris au monde. De lui, beaucoup ont retenu cette silhouette courbée sous le poids d'une indicible solitude, ce regard vide, cet air absent. J'en ai retenu le cas d'un homme si intelligent qu'il n'avait pas sa place dans ce monde. Un garçon de 12 ans avec le cerveau d'un homme de 40 et l'imagination d'un enfant de 8 ans.

Pendant des années, je me suis demandé ce que pensait Conrad de Kayl. Si, au travers de sa haine, il reconnaissait les talents de son frère.
Puis j'ai déménagé avec ma famille et je l'ai perdu de vue. Nous avons eu une correspondance très aléatoire pendant 5 ans. Il arrivait qu'il ne m'écrive pas pendant des mois. Pour ma part, tel un disciple plein d'admiration pour son maître, je lui envoyais de longues lettres dès que j'en recevais une. Pendant ces longues années, il étudia avec de la passion pour toutes les matières. Enfin, je crus que c'était de la passion. En réalité, ses notes exceptionnelles étaient en totale contradiction avec la dose de travail quasi-inexistante qu'il fournissait. Je n'ai jamais pensé qu'il était surdoué. Ce terme semble presque trop commun et trop simple pour le qualifier. Ses lettres étaient déjà étranges et parfois incompréhensibles. Dans un déchaînement de mots, je comprenais qu'il était blasé par les études. Il voulait apprendre quelque chose de nouveau, découvrir un nouveau théorème. Je ne tentais pas de le raisonner et je lisais avec admiration ses pensées extraordinaires.
Pendant cinq ans, j'habitais donc à la campagne. Et quand je revis Conrad lorsque j'allais continuer mes études en ville, il semblait s'être creusé un fossé gigantesque entre lui et moi. Je me sentis comme désemparé face à l'intelligence et la soif de connaissance qui l'animait. J'avais l'impression d'avoir cessé d'évoluer pendant cinq ans. Cinq ans pendant lesquels je m'étais pris de passion pour l'écriture. Mes nouvelles rencontraient un succès grandissant. Ma première publication remontait déjà à 4 mois et mon premier roman était en cours de peaufinage. Mais face à cet ami retrouvé je me sentis soudain infime, comme une lumière vacillante dans un univers obscur.
Je ne cachais pas mon admiration. Il était devenu froid et exigeant vis-à-vis de lui-même. Sa fierté l'avait abandonné quand il comprit que ce sentiment ne faisait en rien avancer ses recherches. Il voulait être rapide, toujours plus rapide dans sa façon de penser, me confiait-il. Ses études de mathématiques lui semblaient donc un bon choix. Il était conscient de sa supériorité vis-à-vis de moi et d'un grand nombre de personnes, mais n'en parlait pas comme si ce sujet ne valait pas la peine d'être abordé. Il s'en tenait au strict minimum, à ce dont il avait besoin pour avancer. Avancer où ? Partout, découvrais-je avec horreur. Dans les sciences, dans l'histoire, dans la géographie. Et même dans la littérature. Il eut un sourire amusé quand je lui confiais avec modestie que j'écrivais. Et c'est un intense sentiment de joie qui m'envahit quand il m'annonça qu'il cherchait justement un colocataire.

Nous habitâmes donc ensemble pendant toute cette année-là. Je me construisis un petit coin de repos dans l'antre de son appartement où traînaient des montagnes de feuilles de papier, de livres dont il savait exactement où était la place. « Cela m'aide à développer ma mémoire, disait-il avec ironie. Dans ce monde sclérosé dans lequel nous vivons, chaque chose que nous avons inventée nous facilite la vie et nous fait ainsi perdre notre spontanéité et l'usage de nos capacités. Einstein disait que ne l'on utilise qu'une infime partie de son cerveau. À mesure que les temps passe, il me semble que cette partie rétrécit chaque jour. »
De temps en temps, entre deux lectures de livres qu'il dévorait avec une avidité stupéfiante, il lisait quelques-unes de mes nouvelles en me lançant des sourires amusés et en me félicitant sur le ton de celui qui félicite son fils même si son travail n'est pas digne de louanges.
" Tu sais ce qui me fait peur ? lui demandais-je un jour. Si tu te mettais à écrire, je n'aurais plus aucune raison de le faire. Tu es bon dans tous les domaines. Je me sens presque inexistant face à toi.
" Tu ne dois pas raisonner comme ça. Il y a des centaines d'écrivains à travers le monde et chacun a raison d'écrire. Même si on trouvait la formule pour écrire un roman parfait, les autres textes ne perdraient pas leur intérêt.
" Le roman parfait, répétais-je pensivement.
Je voulus rajouter quelque chose, mais Conrad avait les yeux perdus dans le vide. Ses lèvres bougeaient mais aucun son ne sortait. Il semblait être dans une intense phase de réflexion. J'essayai de lire sur ses lèvres et quand je compris ce qu'il répétait en silence, mon sang parut se glacer dans mes veines puis il reprit son cours normal et j'oubliai rapidement cet épisode.
Le roman parfait.

Je fus très vite déçu par mes études. Mon intérêt pour les matières était presque inexistant parfois. Je voulais écrire. Je ne voulais pas qu'on m'apprenne à le faire. Quant à la compagnie de mon ami, elle était peu recommandable. Il ne mangeait presque jamais et était constamment le nez dans un livre ou en train d'écrire quelque chose. Sans me le faire savoir, il m'avait chargé de faire la vaisselle, le repassage et, quand j'en avais le courage, le ménage.
Mon moral était au plus bas. Je venais de rater mes examens d'hiver. Un hiver rude qui n'en finissait pas. Les jours monotones s'étiraient à l'infini. Mon roman était au point mort. Plusieurs fois j'avais failli le jeter ou le brûler avant que Conrad ne m'empêche de commettre ce qu'il jugeait comme étant « la dernière des choses à faire ».
Les jours grisâtres d'un hiver interminable ne semblaient pas le troubler. Il aurait tout aussi bien pu se trouver dans le désert.
Avec mes études qui me dégoûtaient de la littérature et un roman, dans lequel j'avais mis toutes mes promesses qui était compromis, je me sentais inutile et seul. Je ne comprenais pas qu'elle pouvait être ma place dans le monde et cela m'angoissait terriblement.
Mais, au moment où je commençais à broyer du noir, quelque chose changea brusquement. Un soir, en rentrant d'une journée de cours où je n'avais fait que dessiner sur mes cahiers, je vis quelque chose qui me glaça d'effroi. L'appartement était vide. Toutes les feuilles s'étaient volatilisées. Les montagnes de livres, qui à certains endroits touchaient le plafond, avaient disparu. Je pensai à un vol puis je me ravisai. L'appartement n'était pas
vide. On avait seulement enlevé tous les livres et les feuilles. Les autres objets du mobilier étaient rangés proprement à leur place. Derrière moi la porte d'entrée que je n'avais pas fermée s'ouvrit en grand et Conrad rentra.
" Je reviens du rez-de-chaussée, me lança-t-il. J'ai presque rempli toutes les bennes à ordures avec cette paperasserie.
L'espèce de dédain avec lequel il parla de sa « paperasserie » me fit froide dans le dos. Avait-il décidé de tout arrêter ? De mettre un terme à des années d'études et de recherches ? Dans quel but ? La réponse me vint immédiatement. Il m'invita à prendre un verre dans un bar situé dans la rue en contrebas. « Ne restons pas une minute de plus dans cet appartement dépouillé de son âme. »
Il faisait gris ce jour-là. Il pleuvait presque. Et pourtant je me souviens de ce jour comme d'une journée agréable et ensoleillée. Le comportement de mon ami m'intriguait. Ce soudain changement me faisait surtout peur, mais dans l'état où je me trouvais, il suffisait d'un seul changement dans la réalité monotone pour me redonner le goût de vivre.
Nous étions assis et attendions nos boissons quand il me lança un regard obscur, au sérieux absolu, et commença à me parler :
« Je suis désolé pour ce que mon attitude a pu avoir de dérangeante ou d'effrayante. Je suis conscient que depuis tout à l'heure tu te demandes si celui qui est en face de toi est bien moi. Ne sois pas troublé. Il se trouve qu'aujourd'hui j'ai eu une révélation. J'ai compris quel était mon but dans la vie. Et je peux te jurer que quand tu comprends une telle chose, plus rien n'a d'importance. Tous ces travaux que je faisais n'avaient aucun but précis. Ils n'étaient là que pour me faire patienter avant que je sache
quel était mon but dans mon existence. Et il m'est apparu aujourd'hui. Je sais que tu es quelqu'un qui n'attend plus beaucoup de la vie et je te demande pardon pour avoir ignoré ta souffrance dont j'ai été pourtant conscient à chaque minute. Mais je sais aussi que tu serais prêt à n'importe quoi pour redonner un sens à ta vie. Malgré tout, je tiens à te mettre en garde. Je sens le désir brûler en toi, mais je dois t'avertir : les lieux dans lesquels je vais m'engager peuvent être dangereux pour celui qui est trop imprudent. Il ne s'agit pas d'un quelconque jeu. Je ne sais rien des dangers que je vais rencontrer et je préfère te mettre en garde même si je sais que tu ne pourras résister à l'appel. J'ai le pressentiment que ma quête va me mener bien plus loin que je ne peux l'imaginer. Et je ne veux pas avoir ta mort sur la conscience. » Il renifla bruyamment puis ajouta dans un murmure, comme par honte, « une, c'est déjà bien assez. »
" Tu veux parler de ton frère ? demandai-je sur le même ton. Tu n'es en rien responsable de sa mort. C'était un accident.
" J'ai compris aujourd'hui que mon attitude envers lui l'aurait de toute façon poussé vers le suicide. Ne viens pas rajouter de la fausse modestie sur ma honte. Je sais très bien de quoi je suis responsable.
J'acquiesçai avec une sorte de respect silencieux qu'il comprit très bien et qu'il m'intima de supprimer par un impatient mouvement de la main.
" Yves, murmura-t-il en plongeant son regard dans le mien. 1,6180335. Qu'est-ce que ce chiffre signifie pour toi ?
Avant que j'eusse le temps de répondre, il enchaîna :
" C'est la valeur de ce que l'on appelle le nombre d'or. Ce chiffre est le plus intéressant et le plus étonnant de toutes les mathématiques. C'est un rapport précis grâce auquel on peut construire, peindre, sculpter en enrichissant son oeuvre d'une force cachée.
Il garda le silence pendant un moment puis repris sur un ton encore plus bas :
« C'est à partir de ce nombre qu'ont été érigés la pyramide de Kheops, le temple de Salomon, le Parthénon et la plupart des églises romanes. Il est la clé de la perfection. De nombreux tableaux de la Renaissance respectent eux aussi cette proportion. C'est un secret millénaire. Et contrairement à ce qu'on pourrait croire, il n'est pas le produit de l'imagination humaine. Il se vérifie dans la nature. C'est le nombre qui définit l'emplacement du nombril par rapport à l'ensemble du corps humain. C'est aussi le rapport d'écartement entre les feuilles des arbres afin d'éviter qu'elles ne se fassent mutuellement de l'ombre.
« Yves, écoute-moi bien. Le terrain sur lequel je suis sur le point de m'engager est un terrain inexploré et peut-être dangereux. Je veux que tu en sois parfaitement conscient avant de me suivre à corps perdu. »
Il eut alors un regard inquiet derrière lui. Je n'y fis pas attention alors. Cette attitude inquiète, presque effrayée allait bientôt accompagner chacun de ses mouvements.
Il se leva.
" Viens. Retournons discuter de ça dans l'appartement. Nous y serons au calme.

« Regarde ces trois carrés, me dit-il en me montrant les trois figures qu'il avait soigneusement dessinées sur une feuille. Lequel te semble être
le plus carré à vue d'oeil ? »
Je réfléchis un court instant puis je pointais du doigt un carré qui me semblait être le mieux proportionné des trois.
« Exact ! lança-t-il alors qu'une lueur d'extase s'était allumée dans ses yeux. » Dès le premier jour où je vis briller cette lueur de folie dans son regard, la peur commença à me gagner.
« Et sais-tu pourquoi ? continuait-il avec fougue. Parce que ce carré avait été dessiné selon le rapport du nombre d'or. »
J'essayai de calmer son ardeur qui me faisait froid dans le dos.
« Mais à quoi cela va-t-il te servir ? Je ne comprends pas où tu veux en venir. Qu'y a-t-il de dangereux là-dedans ? »
Son regard se fit de nouveau sombre et une peur sourde remontant de l'abyme de mon esprit s'empara de mon corps.
« L'écriture a une puissance infinie. Elle peut faire rire, pleurer. Elle peut donner des bouffés de haines. Elle peut être riche, pauvre, violente, poétique. N'as-tu jamais pris conscience de son pouvoir ? L'écriture peut corrompre quelqu'un. Elle peut le guider dans des méandres perdus et l'abandonner dans le vide où il restera à jamais. Chaque livre, chaque nouvelle, chaque paragraphe, chaque phrase est un assemblage précis de mots. Selon leur place, ils peuvent vouloir dire le bien ou le mal. Ils peuvent faire peur ou intriguer. Ils peuvent t'enrôler dans des croyances obscures. Ces assemblages de lettres ont en eux une puissance terrifiante que peu d'hommes veulent vraiment accepter. La Bible n'est à la base qu'un assemblage de mots. Aujourd'hui elle est un mythe. Dans le monde entier, on connaît son existence. »
Je sentais que les choses s'embrouillaient dans mon esprit.
« Mais quel est le rapport avec ce nombre d'or dont tu ne cesses pas de parler ? »
« La perfection. Quel écrivain n'a jamais rêvé d'écrire un texte parfait ? Le roman parfait. Une suite de mots d'une terrible puissance qui lui donnerait un pouvoir absolu. »
À présent le son de sa voix était terriblement aigu. À chaque nouveau mot lancé, il s'emportait un peu plus dans un délire paroxysmique et je l'écoutais, fasciné.
« Imagine que je trouve une nouvelle règle mathématique. Imagine un instant que je puisse créer un théorème qui mélangerait calcul et grammaire. Imagine que je puisse écrire le texte parfait en lui appliquant le principe du nombre d'or. Chaque mot, chaque ponctuation, chaque articulation serait bâtie avec la rigueur la plus stricte. Je créerai ainsi le texte parfait. Pas un mot ne serait un trop. Il serait au-delà de toute critique. »
Je commençais à comprendre et m'entendit souffler un « Mon dieu » d'effarement.
« Pour prendre les choses d'une manière encore plus impressionnante, imagine une gigantesque bibliothèque qui regrouperait tous les romans déjà écrits et tous ceux qu'il serait possible d'écrire. Tous les assemblages de mots possibles. »
« Mais cette bibliothèque... »
« ... s'étendrait à l'infini. Elle n'aurait aucune limite. Mais, caché entre des livres incompréhensibles et des enchaînements de phrases dantesques, seraient cachés des romans parfaits. Dans ces livres, qu'ils fassent 10 ou 300 pages, chaque lettre serait écrite suivant le principe du nombre d'or. Ils y en auraient évidemment plusieurs. L'idée d'un seul et unique livre parfait n'a aucun sens. »
« Mais comment appliquer ce principe mathématique aux règles de grammaire ? C'est impossible ! »
« Exact. C'est impossible. Mais il y a une solution. Réinventer la grammaire, réinventer les mathématiques. »
Je restai sans voix et son discours s'enflamma de nouveau.
« Les règles de grammaire sont stupides et leur simplicité plombe totalement notre langage, détruit son pouvoir infini. Les grammairiens ont cru qu'ils pouvaient lui appliquer une logique. Mais le langage est arbitraire. Il vit comme l'on respire. On peut inventer autant de mots que l'on veut. Je suis même convaincu que certaines règles de grammaire ne sont pas compatibles entre elles. Je suis fatigué de toutes ces règles absurdes et de toutes ces exceptions qui ne le sont pas moins. Regarde les efforts désespérés de la linguistique qui s'échine depuis l'Antiquité à essayer de comprendre le langage. Aujourd'hui on ne compte plus les nouvelles catégories : grammaire, linguistique historique et comparée, la sociolinguistique, la dialectologie, la géolinguistique, la stylistique... autant de tentatives pour essayer d'expliquer un système en perpétuelle mutation et que des règles immuables ne peuvent pas définir. Il en est ainsi dans tous les domaines. Les hommes passent leur temps à expliquer le monde qui les entoure. Ils inventent de règles qu'ils s'obligent à appliquer. Ils s'occultent ainsi toute une partie de l'univers, mais ils n'en ont pas conscience. Mais moi je veux changer tout ça. Je ne veux plus être aveugle. J'ai passé ma vie à étudier, à essayer de tout connaître, de tout comprendre. J'y suis arrivé et j'ai compris que la vision humaine du monde qui nous entoure est terriblement sclérosée contrairement à ce que l'on veut nous faire croire. Je ne veux plus penser de manière humaine. Je veux pouvoir tout prendre en compte. Je veux pouvoir bâtir un monde où 1+1=3. Je veux pouvoir en bâtir un autre où 1+1=1 000 000. Et je veux pouvoir tous les comparer, les faire s'entrechoquer et trouver la perfection ultime dans ce mélange universel. Kayl avait déjà compris que le point de vue humain était terriblement faible. Il avait déjà refusé de l'accepter. Je veux le faire pour lui avant tout. Je veux révolutionner le monde comme il l'aurait fait. Je veux explorer des territoires si proches que l'on n'a jamais foulés. Je ne veux pas être le premier à poser les pieds sur Mars. Je veux être le premier à poser les pieds sur le dessous du caillou dont nous croyons tout savoir sans jamais l'avoir retourné. Et je veux prouver au monde entier que les mathématiques et la littérature n'ont d'opposés que ce que l'homme a toujours prétendu comme étant vrai. Dans le monde dans lequel je vais, le rouge n'est peut-être pas rouge. Peut-être n'y a-t-il pas de couleur. Mais dans ce monde, je serai plus proche de la vérité absolue que jamais personne n'a été.
Einstein disait que nous utilisions une infime partie de notre cerveau. Peut-être qu'il s'est trompé. Peut-être que nous utilisons toutes les ressources de notre intelligence mais que nous ne l'appliquons qu'à un monde que nous avons bâti de toutes pièces. Voilà pourquoi nous sentons parfois une impression de ne savoir que la moitié de ce que les choses sont vraiment dans l'absolu. »
Il y eut un long silence pendant lequel je laissai ses paroles raisonner dans mon cerveau. Pendant lesquelles je me sentis comme un enfant en face d'une gigantesque porte luminescente donnant sur la réalité absolue. Puis il me posa une question qui scella à jamais mon destin. Et malgré toutes les horreurs qui se produisirent par la suite, je ne regrette pas d'avoir répondu par l'affirmative. Car aujourd'hui, je sais que les hommes se sont trompés pendant des milliers d'années. J'en ai la preuve.
Me suivras-tu ?

Avec une vitesse impressionnante la chambre devint très vite un fouillis plus grand qu'elle n'avait jamais été jusqu'alors. Pour la première fois je ressentais les choses comme mon ami et à mes yeux l'éparpillement de livres et de feuilles disparaissait. La saleté n'avait plus d'importance.
Je restais presque toute la journée dans l'appartement pour aider Conrad. À dire vrai, j'avais surtout un rôle d'assistant. Je lui apportais les livres qu'il demandait. Je prenais des notes quand il me le demandait. La plupart du temps, je demeurais à côté de lui pendant toute la nuit, en train de me remettre à écrire des nouvelles avec une frénésie nouvelle. Même en sachant que si je ne lui apportais pas une aide concrète je me sentais bien, comme en sécurité. Même si nous parlions peu, j'appréciais sa compagnie comme un enfant apprécie la compagnie de la veilleuse qu'on laisse allumée pendant la nuit. Conrad semblait constamment se battre contre des fantômes invisibles. Il était chaque jour plus absorbé dans son travail mais jamais sa bonne humeur ne faiblissait.
Bientôt il n'eut plus besoin de livres et, comme il parlait peu de ses recherches, j'en conclus qu'il s'était inventé son propre système de réflexion. De mon côté, la vie semblait avoir une importance relative. Je mangeais peu. Je ne pensais plus à l'argent. Je savais qu'elle allait bientôt manquer. J'allais parfois suivre mes cours sans écouter un traître mot du discours des professeurs. Ils m'évoquaient ce genre de personne qui, avant l'apocalypse, continuent tant bien que mal de vivre leur vie normalement. Je passais mon temps à rêvasser en écrivant sur toutes les tables ce chiffre magique : 1,6180335.

Bientôt, Conrad commença à me parler de ses recherches et je compris que quelque chose d'important c'était produit. Il en parlait avec une sorte d'immense respect pour quelque chose d'invisible que lui seul semblait être apte à percevoir. Avant que ce respect se mue en crainte puis en véritable terreur, sa façon de parler était encore relativement « normale ». Il m'apprit avec une joie non dissimulée qu'il touchait au but. Il avait enfin réussi à marier les mathématiques et la littérature. La chose était possible. Il était sur le point de commencer à créer une première phrase. Il me montra ses feuilles pleines de calculs microscopiques condensés sur les mêmes pages comme s'il avait eu peur de perdre la moindre information. Sa joie ne pouvait être ignorée, mais à chaque fois je sentais planer un sentiment de respect et d'inquiétude. On aurait dit qu'il avait peur, comme un enfant passant devant un terrible monstre endormi aurait peur de le réveiller en faisant trop de bruit.
Bientôt sa joie habituelle commença à diminuer sensiblement. A ce moment-là, je n'allais plus à mes cours et je restais tout le temps avec lui. Il semblait avoir besoin de soutien. Il m'avouait parfois qu'il ignorait si une telle mission pouvait être accomplie jusqu'au bout par un simple humain. Il m'apprit qu'il était allé trop vite en voulant écrire une première phrase. Notre langue ne suffisait pas. Il devait créer de nouveaux mots. Les mots existants n'avaient pas assez de puissance. Mais il était convaincu qu'il arriverait à écrire ce texte parfait.
C'est peu après ce moment qu'il commença à faire référence aux Créatures des Ombres. Au départ, je n'y accordais que peu d'importance, croyant qu'il symbolisait ainsi les choses indéfinissables pour lesquelles il éprouvait tant de respect. Dans le flot parfois ininterrompu de ses paroles, il m'était difficile de juger quelles étaient les choses vraiment dignes d'être retenues.
Le temps passait et son état commençait à devenir préoccupant. Il ne mangeait presque plus. Lorsque j'arrivais à regarder de loin ses écritures, j'y voyais un enchevêtrement angoissant de signes incompréhensibles. Le respect pour les Créatures des Ombres se mua bientôt en peur, en angoisse. Il semblait avoir des tics. Il se retournait constamment, comme s'il était suivi.
Cette angoisse latente commença à s'insinuer en moi.

Il travaillait sans cesse. Ses doigts enflaient tellement il écrivait. Dans son bureau, quantité de feuilles atteignaient le plafond. La fenêtre était inaccessible, perdue derrière une montagne de papier.
Je n'osais pas lui demander où il en était. Il ne parlait presque plus de ses recherches. Il ne faisait que référence à ces Créatures des Ombres qui semblaient hanter chaque recoin sombre de son esprit tourmenté.
Il devint bientôt craintif et à bout de nerfs. Il eut régulièrement des crises. Dans ses rares discours plausibles, il ne cessait d'exprimer son dégoût pour notre société et ses facilités aberrantes.
Il commença à prendre des drogues et à boire, mais cela n'eut aucun effet. Il était arrivé à une extrémité de l'esprit humain où les choses réelles n'ont plus aucun impact, plus aucune raison d'exister.
Il était terriblement angoissé. Son visage déformé par la terreur exprimait toute l'horreur qu'il ressentait chaque minute qu'existait son enfer.
À chaque claquement de porte, à chaque grincement du parquet, il ouvrait de grands yeux terrifiés. Parfois il avait plus l'air d'être une bête qu'un homme.

Son angoisse était terriblement contagieuse. Je commençais, moi aussi, à avoir peur du moindre bruit. Je ne sortais presque plus et je refermais chaque porte derrière moi.
Un jour, l'un des derniers où il me parla dans un langage compréhensible, il m'apprit que son premier texte était bientôt terminé. Il ne faisait qu'une page, mais il avait atteint la perfection absolue.
Plutôt que d'en parler avec fierté, il en parlait avec angoisse, ayant peur de chaque mot déplacé qu'il aurait pu dire.

Trois jours plus tard, j'eus enfin la révélation. Et elle fut terrifiante. Une terreur innommable atteignit le fond de mon âme et pendant un instant je vis ce qu'était l'enfer absolu où la lumière ne brille jamais.
C'était un soir d'orage. Nous étions dans le salon. Il y avait amené toutes les lampes de l'appartement comme s'il voulait un maximum de lumière. J'avais décidé de ne rien dire, par peur de faire exploser son esprit que je sentais près à entrer en éruption à tout moment.
Dans une lumière aveuglante, il me passa son manuscrit. Une page de mots griffonnés avec une fureur telle qu'il en avait déchiré la feuille par endroits.
Aucun de ces mots ne m'était connu. Ils semblaient tous avoir une construction torturée, démente. Comment lire un texte aussi incompréhensible ? Comment le comprendre ?
Le regard que Conrad me lança m'incita à lire le texte. Il y avait dans ces yeux une folie naissante qui me fit obtempérer sans dire un mot.
Je le lus donc et le terminai en larmes, couvert de transpiration, le coeur presque arrêté.
Il n'y avait pas d'histoire dans ce texte. Seulement la terreur. C'était comme si on avait réussi à coder en mots l'essence même de la plus terrible des peurs.
Le résultat était au-delà de tout. Il pénétrait au plus profond de l'âme et chaque mot devenait une torture, une source inépuisable d'angoisse.
« Mon Dieu » murmurais-je en lui redonnant le texte.
Je vis que ses yeux déchirés par la fatigue pleuraient le peu de larmes qui lui restaient.
J'étais encore abasourdi. Comment avais-je pu comprendre du premier coup un langage qui m'était inconnu ?
Il y eut soudain un terrible déchirement de tonnerre et un éclair nous aveugla entièrement malgré l'intense rayonnement des lampes allumées. L'instant d'après nous étions dans le noir et Conrad se mit à crier. Des hurlements qui n'avaient rien d'humain.
Le courant revint au bout de quelques secondes et quand la lumière revint, je crus que j'allais mourir de peur. Devant moi se tenait un visage défiguré d'une monstruosité innommable, aux traits accentués avec violence, comme s'ils avaient été taillés dans du roc. Je crus d'abord que c'était l'incarnation du mal avant de voir que ce n'était que mon ami que je voyais maintenant tel qu'il était réellement. Son regard était celui d'un animal en proie à une angoisse permanente. J'aurais voulu le serrer contre moi, le calmer. Mais je sentais bien qu'il était impossible de combattre cette peur absolue.
" Je n'ai pas réussi, murmura-t-il dans un souffle. Mais je n'ai pas perdu.
Sur ces fragments de mots dont j'étais trop fatigué pour y chercher un sens, il me quitta et s'enferma dans la cuisine où il transporta toutes les lampes de l'appartement.
Ce fut la dernière fois que je le vis vivant.
En allant me coucher, ma peur était telle que je m'attendais à ne pas pouvoir fermer l'oeil. Mais, à peine sentis-je la douceur de mes draps m'accueillir, que je me glissai dans un profond sommeil.

Je fus réveillé en sursaut par une titanesque déflagration qui fit trembler les murs et je vis pendant une seconde ma chambre illuminée par un éclair aveuglant. Je crus que la ville venait d'être bombardée, puis je pris conscience de la pluie glacée qui tambourinait contre les carreaux. Je me mis sur mon séant et cherchai à tâtons l'interrupteur de ma lampe de chevet. Je le trouvai et appuyai. Aucun rayon de lumière ne vint agresser mes yeux endormis. Quelle heure pouvait-il bien être ?
C'est à ce moment-là que j'entendis Conrad se mettre à hurler dans la cuisine. Je me redressai brutalement et courus en hurlant le nom de mon ami. J'arrivai devant la porte et je pris conscience de la terrible obscurité qui pesait sur moi comme un voile d'angoisse. Les hurlements de Conrad s'étaient mué en véritables cris bestiaux.
Je me mis à hurler à mon tour en défonçant la porte qui céda dans un éclair aveuglant mais quand j'arrivai dans la cuisine, il était déjà trop tard. Arthur était couché sur le sol dans une position torturée. Une grimace d'horreur faisait de son visage le masque hideux de la terreur absolue. Quand je touchai sa peau, elle était déjà froide comme la pierre. Ma vision se brouilla et une larme tomba sur son visage. Mon ami était mort. À ses pieds gisait un papier froissé gribouillé d'une écriture violente qui l'avait percé en maints endroits.
Je pense que ce soir sera ma dernière nuit passée dans ce monde. Elles vont bientôt venir m'emporter dans un endroit que j'ignore. Mais il me semble que je suis sur le point d'aller en enfer. Ma terreur est constante. Elle enferme chacune de mes autres émotions et reste seule pour régner sur mon âme qu'elle torture à tous moments. Avant, la compagnie de Yves suffisait à me redonner le courage de poursuivre mes expériences. Aujourd'hui, rien n'est plus pareil. Et chaque jour je les remercie de me laisser vivre. Car elles existent. Je le sais, je les ai vues. Et je le verrai de nouveau. Cette nuit peut-être. Elles n'aiment que le noir et même si je garde les lumières allumées, elles trouveront bien un moyen d'entrer.
Yves, si tu lis ce texte, lis tous les autres et détruis les ensuite. Il faut que tu saches où je suis arrivé. Ce texte que je t'ai montré ce soir n'est pas le roman parfait. Je n'ai jamais réussi à atteindre cette perfection que je visais. Mes recherches ont échoué. La perfection n'a aucune existence dans ce monde.
L'écrit que je t'ai fait lire est la description de mon angoisse dans une langue qui nous est inconnue mais que nous comprenons tous. Puisque c'est la langue des Anciens, L'Ancienne Langue : la langue que l'on parle depuis la nuit des temps et que les hommes se sont forcés à oublier à cause de sa force effrayante. Alors ils ont inventé des langages différents, ils ont appelé ça le mythe de la Tour de Babel. Mais ce n'est pas Dieu qui les a obligés à abandonner l'Ancienne langue. Ce sont eux-mêmes qui s'y sont contraints. Ils ont alors inventé une manière de s'exprimer inoffensive qui ne serait là que pour décrire la réalité. Des langages simplifiés aux dimensions réduites. Trois temps (passé, présent, futur). Même deux pour certains. De simples lettres. Des mots choisis arbitrairement. Et aux grammairiens de se démener pour trouver des explications visant à rationaliser un langage totalement arbitraire, changeant sans cesse. À eux de trouver des règles et des exceptions qui viennent soi-disant les confirmer. À eux d'inventer une galerie de mots complexes (graphèmes, phonèmes, sèmes, signifiant, signifié, référent...) pour en expliquer d'autres.
Mais personne n'a jamais oublié l'Ancienne Langue. Et même si les Créatures des Ombres sont là pour réduire au silence quiconque aurait la prétention de vouloir utiliser à nouveau l'Ancienne Langue, elles n'ont pu empêcher les hommes de garder cette langue en eux, au plus profond de leur âme, afin qu'elle survive à travers les siècles.
Et moi, en cherchant la perfection, j'en ai retrouvé les codes et les clés. Et j'ai ouvert toutes les portes en grand comme un enfant pressé d'ouvrir son cadeau.
Mais ma récompense est à double tranchant. Je suis condamné de payer le prix de mon impudence. Et toi aussi, tu le seras certainement si tu lis cette lettre et toutes les autres choses que j'ai écrites. Mais même si je souffre à chaque seconde pour payer le prix de cette découverte, je t'engage à le faire.
Avant qu'elles ne reviennent plusieurs fois pour me hanter, j'ai conversé avec les Créatures des Ombres. Elles m'ont expliqué la naissance du monde. Elles m'ont narré l'apparition de l'homme sur Terre. Et tu riras bien en lisant mes découvertes de l'éloignement qu'a notre représentation naïve d'Adam et Eve avec la dure et terrible réalité de notre genèse sur la planète. Car tu vas le lire. Ton intérêt pour tout ce qui t'entoure ne peut rester insensible à cette mine de savoir et de révélations. Brûle chaque feuillet après l'avoir lu car si toutes ces pages étaient lues par d'autres, le chaos reviendrait à nouveau et à jamais.
Si tu lis ces lignes, je suis mort. Et je le serai certainement cette nuit. Les Créatures de L'ombre me l'ont promis. J'espère seulement que ce n'est pas l'enfer qui m'attend. Et pour être franc, je doute qu'il existe. Avec ce que je sais maintenant, je pourrais presque être en mesure de confirmer sa non-existence.
Mais voici que la peur me tiraille de nouveau. Je dois faire vite. J'espère que tu pourras lire mon écriture. Ma main tremble tant.

Voilà qu'elles reviennent.
Les lumières. Pourvu qu'elles tiennent. Pourvu qu


Ce soir, ce papier brûle dans un grand feu de cheminée avec tout le reste de ses travaux. Je les ai lus et j'en sais plus que n'importe quel scientifique sur la réalité de la genèse et du big-bang.
Si seulement je pouvais révéler tout cela au monde entier, plus personne n'aurait de raison de se battre. Il n'y aurait plus de guerres, plus de famines et plus de haine car plus de différences et une compréhension totale de notre passé et de ce qui fait de nous des hommes. Mais je dois garder le silence. Elles me l'ont ordonné et je leur obéirais.
Je suis seul ce soir dans mon appartement. Dans sa chambre, la dépouille de Conrad gît toujours là où je l'ai laissée. Cela fait une semaine que je ne suis pas sorti. Je suis sale et fatigué. Mon estomac est vide depuis deux jours. Et pourtant, je me sens étrangement soulagé.
Parfois j'aime à rêver ce qu'auraient pu découvrir Conrad et son frère, si celui-ci n'était pas parti si tôt.
Elles vont bientôt revenir pour m'emporter. Je le sens. Chaque objet de la pièce semble me hurler avec terreur en reflétant les flammes du grand et terrible autodafé qui tient place dans la cheminée.
Ce peu de lumière me réconforte. Je ne peux m'empêcher de jeter des coups d'oeil derrière moi. Bientôt elles viendront. Même si les cris de terreur de mon ami me hanteront jusqu'alors j'aime à penser que ça ne sera pas horrible.
Mon Dieu. Ce bruit. Glissement tout proche.
J'espè

Erwin Toul
© 2003

un complément au texte

la biographie d'Erwin

ce texte a été publié dans ma Revue trimestrielle

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saison # 22 - hiver 2003

 

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