Serge Brussolo Le manoir des sortilèges

Hachette, 11/99

La quatrième de couverture :

Gilles, le jeune écuyer, voit mourir son maître au cours d'un tournoi. devenu la propriété du vainqueur, le voilà dès lors contraint de servir un étrange chevalier à l'armure couverte de rouille. Un baron dont personne n'a jamais vu le visage. ce guerrier invincible souffre à la nuit tombée de maux inexplicables et terrifiants.

Peu à peu, le doute s'empare de Gilles : ne serait-il pas devenu à son insu le valet de cet ogre mystérieux qui depuis quelque temps, écume les campagnes pour arracher leurs enfants aux paysannes? Le chevalier et l'émule de Barbe-Bleu ne font-ils qu'un?

Commence alors pour l'écuyer un dangereux périple qui va faire de lui le complice d'un monstre, et l'entraîner aux confins de la peur.

Bien triste sire que ce chevalier de Braz qui, dans son armure rouillée, en alliage inconnu, tue inexorablement tous ceux qu'il affronte dans ses combats. Pire, il est victime d'un enchantement et damné : devenant cannibale à la pleine lune. Son mets préféré sont les petits enfants. Un ogre. Pas tellement étonnant pour le lecteur : les actes de cannibalisme sont fréquents au Moyen-Âge (famines et disettes) et ne relèvent pas de l'imagination de l'auteur. Gilles de Rais, barbe-bleue, sataniste et tueur d'enfants, en est le prototype, vrai ou imaginé dans un complot visant à le discréditer. Le chevalier de Braz est capable d'en tuer un autre dans un tournoi, uniquement pour obtenir son écuyer comme butin, parce qu'il n'a pas son pareil pour astiquer les armes et les armures...
L'Inquisition semble avoir besoin du chevalier. Des moutons maléfiques occupent le manoir de Niel, et empêchent toute intrusion. Ils ont mis à mort plusieurs chercheurs d'un grimoire maudit, possédé naguère par Lilith (nom évocateur!), la dernière châtelaine, maintenant morte. Seul un monstre peut combattre des monstres. Si bien que, par la force des choses, ce monstre devient un protégé de l'Église, qui lui adjoint une magicienne traînant dans un cachot pour lutter contre les sorcelleries et trouver le bon grimoire : elle seule sait lire. Un joker gardé par l'Inquisition. Quant au chevalier de Braz, il souhaite la possession d'une formule qui permettrait de le délivrer de son enchantement.

Un chevalier de fortune et une sorcière en quête d'un grimoire, un château abandonné et piégé, des monstres à vaincre, bref, tous les ingrédients d'une histoire de Sword and Sorcery. Le personnage principal est le valet Gilles, horrifié d'être devenu involontairement le complice d'un monstre et de devoir le servir. Il est le seul à ne pas être sorcier, à ne pas être envoûté, et qui ne doit qu'à son astuce de pouvoir se débrouiller. Une quête dangereuse commence, emmenant le groupe disparate par la forêt des fées preneuses de songes, une campagne en proie aux superstitions, ou par des terres maudites où les lois de la nature paraissent bouleversées. Jusqu'au château des périls, qui porte sur son fronton cette devise : «Je suis le gardien du diable».
D'étranges relations se nouent entre les personnages au fil des jours. Le chevalier s'humanise un peu, mais continue allègrement à manger les enfants à la pleine lune. La sorcière aime le chevalier, qui demeure parfaitement insensible à ses charmes et la rabroue à l'occasion. Elle ne peut bénéficier d'une certaine intimité charnelle avec lui qu'en le droguant pour qu'il dorme d'un sommeil lourd. Le valet aime la sorcière, qui ne le lui rend pas. Le chevalier, qui ne sort guère de son armure, n'aime personne.

Il est impossible au lecteur le plus avisé de deviner la fin de cette histoire, tant le dénouement constitue un coup de théâtre imprévisible. Le récit abonde en péripéties, sans temps mort, et l'énergie dévastatrice de Brussolo propulse le lecteur jusqu'à la dernière page. Un adulte retrouve son âme d'enfant en lisant ce roman gothique échevelé.
À son habitude, Brussolo est sensible aux images et aux éléments symboliques. Il compte sur le mouvement du récit pour gommer les invraisemblances et bafouer gaillardement les données historiques (Gilles évoquant un géant "de carton-pâte du carnaval" à une époque où le papier remplaçait juste le parchemin)...
Brussolo semble avoir aimé le personnage de Gilles et il lui promet une belle destinée romanesque dans un prochain récit. On ne s'en plaindra pas. Un bon divertissement à lire un jour de pluie que cette "narration, par l'arétalogue Brussolo des merveilleux faicts du preux et vaillant escuier Gilles et des grandes adventures où il s'est trouvé en son temps." Arétalogue, le mot est juste.

Note biographique. Serge Brussolo approche de la cinquantaine. Depuis son premier recueil de nouvelles, publié en 1980, ses romans se bousculent (une soixantaine), soutenus par une imagination incontrôlable, touchant à tous les domaines. Il a ses inconditionnels, mais l'opinion est partagée à son égard. Pour mon lecteur qui ne connaîtrait pas Brussolo (y en a-t-il?) et qui voudrait le connaître, je conseillerai plutôt La planète des Ouragans, La petite fille et le doberman (Présence du futur, 557): Rempart des naufrageurs (id. 583) et Naufrage d'une chaise électrique (id. 584)

La série de Peggy Sue et les fantômes

En cours de publication :

- Une compilation d'oeuvres de Brussolo, Omnibus éd.

- Une collection qui comprendra plusieurs volumes (actuellement deux parus), éd. Le Masque.

 Roland Ernould © 2000

Autres notes de lecture :

Serge Brussolo Baignade accompagnée

Serge Brussolo Peggy Sue et les fantômes

 

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