Claude Allègre, Un peu de science pour tout le monde

, Fayard, 2003, 404 pages


Dans son introduction, Claude Allègre nous explique que son livre a été comme un "
 devoir de citoyen de la grande République des Sciences ". Tandis que celles-ci sont en plein développement et façonnent notre vie, et qu'elles nous permettent de mieux comprendre notre monde et, preuves de leur efficacité, de le modifier, elles sont délaissées par les jeunes, et de plus en plus ignorées, voire condamnées par le grand public. Curieuse situation quand la rationalité efficace de quelques-uns façonne la plupart des aspects quotidiens de notre vie, alors que l'irrationalité des autres tend à s'imposer, à preuve la prospérité sans précédent des astrologues, cartomanciens, sectes (et Allègre aurait pu ajouter : des médias en général,qui vivent d'affectivité et non de rationalité). Cette dérive est due au fait qu'une spécialisation de plus en plus grande a isolé les scientifiques et a contribué à rendre les connaissances scientifiques de plus en plus abstraites et à les écarter de ce fait de la culture générale.

Riche d'une culture encyclopédique, Allègre a entrepris de faire partager ses émerveillements devant la science en débordant largement de son domaine. Son livre a en effet pour ambition de mettre à la portée de chacun les principaux acquis de la science, même s'ils paraissent difficiles au profane. Il ne s'agit pas d'une encyclopédie ou d'un manuel d'enseignement, mais d'un livre de culture générale qui prétend rendre accessibles les sciences à l'homme cultivé du XXIe siècle. La priorité est cependant donnée à la physique, la science de base qui nourrit la démarche scientifique, dont Claude Allègre est un maître reconnu (sciences de la Terre, qui demandent aux chercheurs d'exceller dans des domaines variés de la physique). Contrairement à ce que certains pensent, la physique est la science sur laquelle les autres s'appuient, alors que les mathématiques sont un langage, le plus commode pour les sciences. Allègre a privilégié l'aspect historique, humain des sciences, sans cependant sacrifier l'esprit et la rigueur. Il met en évidence les incertitudes, les erreurs, voire les errements de la science, qui, comme tout savoir humain, a ses périodes d'ombre et de lumière. Il donne l'exemple de la querelle qui eut lieu au début du XXe siècle quand la preuve fut faite de l'existence des atomes. Des philosophes comme Ernest Renan ou Auguste Comte manifestèrent contre la théorie atomique et des «dîners républicains» se tinrent en ville pour brocarder la nouvelle théorie physique et la fiabilité des microscopes et des télescopes, accusés de déformer la réalité. Dans la cabale antiatomique, on pouvait rencontrer d'authentiques savants, comme Marcellin Berthelot, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, furent des militants acharnés contre l'hypothèse atomique. Quand ce dernier devint ministre de l'Education nationale, il interdit que l'atome soit enseigné, ce qui était désastreux pour la chimie, en pleine expansion, et la formation des ingénieurs.

Allègre donne sa propre opinion sur les grands problèmes en suspens, mais en tant que savant, qui, comme Berthelot dans le passé, a pu se tromper. Mais pas davantage que les philosophes ou les politiques qui, la plupart du temps, ignorent ce qu'est une loi scientifique. C'est pourquoi des choix décisifs pour l'avenir de l'humanité, comme ses sources d'énergie, la pollution ou l'approvisionnement d'une population en augmentation, risquent de se faire sous l'influence de responsables ignares, qui ne se comportent pas différemment de leurs proches ancêtres hostiles aux découvertes qui ont marqué les derniers siècles.

On a compris le but que s'est donné cet ouvrage : faire aimer la science à tous, y compris ceux qui ne la pratiquent pas. Il va de soi qu'il y a une limite à ce que l'on peut enseigner de manière simplifiée. Mais la découverte ou le rappel auxquels l'auteur nous invite sera instructive pour beaucoup et même plaisante. Les amateurs d'imaginaire auront ici la preuve qu'on peut faire des sciences en faisant donnant du plaisir à son imagination, celle que les scientifiques doivent développer particulièrement lors de leurs recherches. J'ai pris beaucoup de plaisir à le faire, d'autant plus qu'Allègre manie le clin d'oeil. Plusieurs de ses titres utilisent les mots magiques plus familiers à la plupart de mes lecteurs : les atomes sont " clef du Monde ", les triangles " magiques ", l'énergie a ses " mystères ", l'électricité est la " fée " bien connue, la vie possède ses " secrets " etc.

L'auteur trouvera peut-être des contradicteurs parmi les spécialistes des divers domaines abordés, mais il ne fait pas de doute que beaucoup de lecteurs aimeront être introduits, de façon simple, à des sujets qui leur semblaient a priori hors de portée de leur entendement. Claude Allègre, on le sait, a le goût des formules. En prenant ses fonctions ministérielles, il s'est présenté comme le " dégraisseur du mammouth ". En quittant le ministère, en pleine révolte enseignante, il a dit vouloir laisser l'empreinte d'un " assouplisseur de dinosaure " (le mammouth est plus récent dans l'histoire des espèces que le dinosaure, on appréciera la nuance). Il faut souhaiter à Allègre davantage de chance avec les lecteurs désireux de s'informer qu'avec les enseignants. Le ministre Claude Allègre n'a pas été essentiellement différent du chercheur Claude Allègre. Les conservatismes auxquels il s'est opposé excitent et parfois exaspèrent ses propos. C'est qu'il a commencé sa carrière universitaire à une époque où, dans les sciences de la Terre, il fallait ne pas trop innover, ce qui n'était pas de son goût. Il a été le militant de l'introduction dans les sciences naturelles des méthodes les plus nouvelles des sciences physico-chimiques et mathématiques. Son attitude novatrice et souvent combattante lui a valu de solides inimitiés chez ses rivaux ou les conservateurs, mais aussi la reconnaissance de ses pairs, avec divers prix, honneurs et médailles nationaux et internationaux. Le lecteur appréciera.

Roland Ernould © 2003

Quatrième de couverture :

" Ce livre a pour ambition de mettre à la portée de chacun les grands acquis de la science, y compris les plus difficiles. Il ne s'agit pas d'un ouvrage technique, ni d'un manuel d'enseignement, mais d'un livre de culture générale qui prétend se rendre accessible à l'honnête homme du XXIe siècle.

Pour bien faire comprendre l'essence des découvertes fondamentales et du cheminement de la pensée scientifique, j'ai évité tout recours au langage mathématique afin de ne pas rebuter ceux qui y sont allergiques. J'ai au contraire privilégié l'aspect historique, humain, vivant de la grande aventure de la science, sans pour autant en sacrifier ni l'esprit ni la rigueur.

Dans cette affaire, mon ambition ultime est de parvenir à faire aimer la science à tout le monde, y compris ceux qui ne la pratiquent pas. J'ose même espérer faire partager à certains l'extraordinaire plaisir intellectuel que nous éprouvons, nous autres scientifiques, à la pratiquer. Un succès même partiel dans cette direction serait pour moi une immense récompense ". C.A.
Avec 56 planches, dont 15 en couleur


Table des matières :
Introduction
Atomes, clef du Monde
La chute des graves
La lumière
Les triangles magiques
Les mystères de l'énergie, premier épisode
La fée électricité
Le hasard au secours des atomes et des molécules
La révolution atomique
Tout est relatif
Les secrets de la vie
Terre-patrie
Épilogue et annexes

Claude Allègre est professeur à l'Institut universitaire de France, à l'université de Paris VII-Denis Diderot.et à l'Institut de physique du Globe Il a reçu le prix Crafoord en 1986 et la médaille d'or du CNRS en 1994. Il est membre de l'Académie des sciences, de la National Academy des Etats-Unis et de la Royal Society de Grande-Bretagne . Il a été ministre de l'Education nationale, de la recherche et de la technologie de 1997 à 2000. Il est l'auteur d'une vingtaine de livres.


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