Révélations, onze hymnes à l'Apocalypse

anthologie présentée par D. E. Winter, J'ai Lu Ténèbres, avril 2000.

 

La quatrième de couverture :

Des ravages de la terrible grippe espagnole de 1918 à la chute du mur de Berlin, en passant par la montée du nazisme, l'apparition du rock and roll ou les années de contestation contre la guerre du Vietnam aux États-Unis... À l'aube du nouveau millénaire, quel regard porter sur les événements marquants de ces cent dernières années? Les plus grands noms américains de la littérature fantastique contemporaine ont choisi, pour évoquer le XIXè siècle finissant, de mêler réalité et fiction et de raconter les destinées extraordinaires, voire surnaturelles, d'individus ordinaires qui se retrouvent emportés dans la tourmente de l'histoire.

Car si ce siècle, notre siècle, est pour beaucoup synonyme de progrès et de perfection, il n'a toutefois pas su empêcher maintes civilisations de basculer dans l'anarchie, la décadence ou le chaos, rendant ainsi chaque jour plus proche de... l'Apocalypse.


Douglas E. Winter est peu connu pour ses nouvelles, mais, en tant qu'essayiste, sa réputation est grande aux USA. Il s'est rendu célèbre par un travail de fond sur Stephen
King, The Art of Darkness (L'Art des ténèbres), référence des spécialistes mais non traduit en français, pas plus que Faces of Fear (Visages de la peur), au total onze ouvrages. Il a aussi publié quelques anthologies. Celle-ci est la dernière, conçue spécialement pour le millénaire.

Winter a imaginé que, pour célébrer la fin du XIXè et le début du XXIè, ce nombre tout rond pouvait appeler d'autres nombres arrondis au zéro, la série des dizaines d'années du siècle écoulé. C'était un moyen de reproduire ce siècle qui s'achève par un ensemble de significations particulières. Chaque nouvelle prend ainsi corps dans une décennie. Les auteurs pouvaient déterminer le thème qui leur plaisait, la seule contrainte étant le choix d'une décennie. Intitulé d'abord Millennium, le projet a demandé sept années pour contacter les écrivains, expliquer le projet et leur permettre d'intégrer leur travail dans leur planning; pour ensuite le contrôler et passer à la réalisation.

Les auteurs sont tous des talents qui portent, peu ou prou, l'étiquette fantastique, et leur réputation est reconnue depuis longtemps pour certains, s'est faite récemment pour d'autres. Clive Barker a signé le prologue, Parousie. Il serait fastidieux de citer les titres des nouvelles - certaines sont de petits romans. Limitons-nous aux auteurs, dans l'ordre des décennies : Lansdalle, Morrell, Wilson, Brite et Faust, Grant, Strieber, Massie, Matheson, Schow et Spector, Campbell et pour 2000 à nouveau Barker. Avec le mot de la fin, Winter ajoute quelques pages de conclusion.

Ces textes se proposent de nous faire entendre la voix du siècle, avec des auteurs qui sont porteurs d'une contribution dans le genre, et en même temps servir de rappel de ce que le siècle a inventé. D'où le titre, Révélations, à prendre au second degré, puisqu'il ne s'agit pas d'un apport nouveau, mais d'un récapitulatif. Ces nouvelles, toutes intéressantes, font plutôt le bilan du siècle. Pour Winter, la particularité de notre esthétique fin de siècle la plus explicite est caractérisée par la mise à distance du gothique littéraire pour passer à l'image, la perception visuelle inspirée du cinéma, ce que l'on appelle la monstration. À cela s'ajoute un net renversement des perspectives : au lieu de chercher l'horreur dans des motifs traditionnels, souvent extérieurs, maisons hantées ou vampires, les écrivains de cette fin de siècle la scrutent dans tout ce qui est instable, notre inconnu, voire notre inconnaissable, mais dans un domaine humain fragile, perturbé, douteux, marginal, en un mot, asocial. Restituer les émotions ressenties lorsque nous sortons de l'humanité ordinaire, pour rencontrer les monstres qui sommeillent en nous et ne dorment toujours que d'un oeil.

L'anthologie prend ainsi date pour en faire le point de départ d'un nouveau siècle, et permettre aux talents en exercice ou à venir de partir vers les possibles et les rivages inconnus de l'horreur de demain.
La richesse du travail et son importance - plus de 600 pages, en caractères serrés, d'auteurs doués - en font un recueil indispensable pour faire le bilan d'un siècle à la fois marqué par le progrès et menacé par la décadence et le chaos.

Roland Ernould,
juillet 2000.

Né en 1950 à Saint-Louis, dans le Missouri, Winter s'est fait connaître comme auteur de nouvelles et critique littéraire, cinématographique et musical. Il a personnellemnt publié 3 recueils de nouvelles, dans la collection American Zombie. Il vit en Virginie. Il travaille actuellement à une biographie critique de Clive Barker.

Roland Ernould © 2001

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