Une histoire
de la science-fiction 4 -
1982-2000, Le
renouveau
nouvelles réunies par
Jacques Sadoul,
Librio 2001.
Que devient la SF en cette fin de
siècle? Les Cassandre ne sont pas optimistes : ils constatent
ou annoncent la mort des arts et divertissements populaires propres
à ce siècle, et du courant d'idées qui les
accompagnait : le jazz est mort depuis longtemps, la bande
dessinée ne se renouvelle plus depuis vingt ans aux USA, et
dix ans en France. Le cinéma et la télévision
ont laissé la place aux nouvelles technologies, à
l'ordinateur multimédia, et les cinéastes tournent
leurs films pour Internet. Comment se situe la SF dans ces morts
annoncées? Elle se sent mal aussi, le boom apparent actuel ne
devant pas faire illusion. Il n'est dû qu'aux feuilletons de
X-Files et aux
produits dérivés de la SF de la gamme Star Wars ou Star Trek. Aux
USA sévit de plus en plus une SF et une fantasy de bas de
gamme, qu'on appelle là-bas la sci-fi, et dont Dan
Simmons disait dans une conférence qu'elle
était en train de tuer la science-fiction.
Jacques Sadoul se montre
cependant en désaccord avec ce constat des pessimistes. On
sait écrire de la SF bien meilleure actuellement que pendant
les années 30, et au moins égale à celle des
années 40. Il y a de remarquables réussites, et si les
auteurs américains ne trouvent plus le succès chez eux,
ils le rencontrent facilement en Europe, comme Gibson, Simmons ou
Willie. Des auteurs européens ont aussi de
la valeur : les Anglais Baxter ou
Mc Auley, l'Italien Evangelisti,
l'Allemand Eschbach. Et les
Français ne sont pas en reste.
La nouveauté la plus
spectaculaire de ces 20 dernières années est
l'arrivée du mouvement cyberpunk, proche des
réalités contemporaines et notamment de l'intelligence
artificielle et de l'informatique, représenté ici par
William Gibson et Bruce Sterling. Les
auteurs du cyberpunk ne voient dans la science ni un bien, promesse
de sociétés meilleures, ni un mal, engendrant les
cataclysmes. Elle est, c'est tout, et c'est son impact, positif ou
négatif - le plus souvent négatif, il faut bien le dire
- qui est décrit. Ils ne donnent pas dans l'utopie et sont
souvent placés dans un cadre social déviant. Un des
personnages préférés de ces auteurs est le fana
de l'informatique, capable d'entrer dans n'importe quel
système, d'en détourner la technologie pour le plaisir
de semer le désordre dans la société ou pour en
tirer un profit. Le cyberpunk se complète souvent d'une
culture du rock et d'une attitude romantique. À chacun de se
débrouiller pour survivre dans une société qui
dépasse les individus. Un des promoteurs du genre, William
Gibson, connu pour son roman Neuromancien (1984) est
représenté dans ce recueil par sa nouvelle
annonciatrice, Gravé sur Chrome, (1982), qui a donné son nom à un recueil
de nouvelles. Dans le monde sans limites d'Internet, les hackers
s'affrontent dans une guerre impitoyable, dont les enjeux n'ont plus
rien à voir avec ceux des hommes ordinaires, dans un paysage
urbain décalé, crasseux, le plus souvent situé
dans le monde de la nuit. L'esthétique cyberpunk se
caractérise par le sexe, la violence, les ordinateurs
omniprésents, la vidéo ou le vidéophone, tous
les ingrédients d'une société de l'informatique
opposant les techniques de pointe aux bricolages géniaux de
groupes ou d'individus en lutte contre des pouvoirs divers, dans le
cadre d'une esthétique underground. Dans la mouvance de
Gibson, Bruce Sterling a
publié une sorte de manifeste du courant en 1986, dans son
anthologie Mozart
en verres miroirs (avec Greg
Bear, John Sherley, Rudy
Rucke, et évidemment William Gibson). Sa nouvelle de ce recueil se passe au Japon, et
oppose, à l'économie de marché des
économistes officiels, une économie parallèle et
souterraine fonctionnant par Internet, utilisant cadeaux et dons, sur
le principe de la réciprocité où tout est
gratuit.
Deux autres auteurs sont plus classiques. L'un, Kim S. Robinson,
né dans la même ville de l'Illinois que Bradbury, s'est comme lui
attaché à la planète Mars (3 romans
remarqués, La Rouge, 1992; La Verte, 1993; La
Bleue, 1996). Sa nouvelle, d'un
tout autre genre que les précédentes, est une
évasion à Venise engloutie, devenue l'objet de la
razzia des plongeurs amateurs d'oeuvres d'art. Auteur
réaliste, soucieux de vraisemblance, Robinson n'a
aucun rapport avec le mouvement cyberpunk. Sa nouvelle raconte les
états d'âme d'un plongeur italien qui, pour survivre,
doit, à son corps défendant, aider au pillage de sa
cité. Il nous donne cet instant surprenant du plongeur qui
prie, sur un banc de pierre devant l'autel de l'église San
Giacometta engloutie. Qualité d'écriture et
sensibilité certaine concourent pour nous faire aimer ce
personnage d'un autre âge contraint pour sa survie à
faire un travail déplaisant.
Il reste aussi des partisans de la
hard-science, comme Stephen Baxter,
bourré de diplômes scientifiques, ingénieur en
mathématiques, docteur en aéronautique qui renoue avec
la tradition des scientifiques comme Arthur C. Clarke, et s'intéresse aux voyages dans le temps.(il a
d'ailleurs écrit une suite au roman de Wells
(La guerre des
mondes). La nouvelle qu'il nous
propose dans ce recueil est un écho de son roman Voyage, où il présente une conquête de
l'espace parallèle à celle que nous connaissons
officiellement. Il nous parle du sort des vieux astronautes en fin de
vie ramenés par fusée sur une plage lunaire...
Ian McDonald
manifeste un certain sens du bizarre et se montre original, voire
iconoclaste, en traitant des attractions sexuelles entre races
différentes venues du cosmos. Dan Simmons est
l'auteur qui a explosé en France et s'est montré aussi
habile dans le fantastique (L'échiquier du mal) que dans la
science fiction avec les saga des Hypérion
et Endymion. La
nouvelle de ce recueil, bien connue et citée dans maintes
anthologies, traite de morts-vivants bien particuliers, les
défunts maintenus apparemment en vie par les soins performants
des Résurrectionnistes. Peut-être cependant ne sont-ils
plus exactement pareils... Enfin, il faut se réserver pour le
dessert la nouvelle de Connie Willis, seule
femme de ce recueil, qui a une écriture
particulièrement brillante, qui sait aussi bien faire rire
qu'émouvoir. C'est le rire qui l'emporte quand cette ancienne
enseignante imagine un monde proche où le «politiquement
correct», et la pression des multiples associations et
organisations soucieuses de défendre leurs images, aboutissent
à ce résultat que toute l'oeuvre de Shakespeare,
expurgée sous peine de procès, se réduit
finalement à quatre vers...
Enfin il faut signaler que dans sa copieuse introduction, Jacques
Sadoul montre l'importance du formidable
développement depuis vingt ans de la fantasy, au
détriment de la science-fiction classique. Mode ou nouveaux
intérêts? Sadoul consacre aussi deux pages à
évaluer l'impact d'Internet sur le genre.
La
quatrième de couverture :
Visions de
demain, d'un avenir trop proche... Un avenir dans lequel les pirates
informatiques, hybrides cybernétiques de chair et de
métal, commettent leurs méfaits dans des univers
virtuels générés par des ordinateurs
connectés en réseau.
Un avenir où la dictature du politiquement correct confine
à l'absurde et met en péril l'éducation des
jeunes générations.
Un avenir où l'intervention des Résurrectionnistes
transforme peu à peu le monde en une vaste
nécropole...
À l'aube du nouveau millénaire, la science-fiction doit
faire face au plus important défi de son existence : continuer
à penser le futur alors que les évolutions sociales,
scientifiques et technologiques ne cessent de se précipiter et
tendent à remettre en cause la capacité unique de cette
littérature à prédire l'évolution du
monde. Sept auteurs proposent ici leur réponse à ces
nouveaux enjeux.
Le prochain volume de la série sera consacré
à la SF
française.
Contenu :
William Gibson(1948), Gravé sur Chrome (1982)
Kim Stanley Robinson (1952), Venise engloutie (1981)
Stephen
Baxter (1957),
Au
PVSH (1996)
Connie Willis
(1945), Ado
1993)
Ian McDonald (1960), Frooks
(1995)
Bruce Sterling (1954), Maneki Neko (1998)
Dan Simmons
(1948), Le Styx coule à l'envers (1982
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L'auteur : né
en 1934, il est un des professionnels qui a contribué à
faire connaître la science-fiction à un vaste public,
par ses fonctions de directeur de collection et de directeur
littéraire. il est l'auteur de de livres théoriques sur
la SF : Histoire de la science-fiction moderne, Laffont, d'un album
consacré aux illustrateurs de la SF : Hier, l'an 2000, et de
plusieurs essais sur la BD (93 ans de BD,
L'enfer des
bulles 20 ans après) et
les pulps (Les
Meilleurs Récits de Weird Tales). Il a écrit plusieurs romans, influencés
par l'ésotérisme et le fantastique (La Passion selon
Satan, Le jardin de la licorne), ainsi que des romans policiers.
Roland Ernould © 2001
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.. du site Imaginaire : liste des auteurs
.. du site Différentes Saisons, revue trimestrielle
.. du site Stephen King
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