Howard V. Hendrix Orbital Park
traduit de l'américain par Guy
Abadia, Payot, 2002.
Premier de ses romans
édité aux USA en 1997, ce récit Lightpaths (édité en français sous
le titre : Orbital Park),
qui se déroule sur un complexe orbital de l'espace, ne laisse
pas indifférent. Il suscitera des réactions
divergentes, rejet ou vif intérêt, un peu à la
façon des romans de Greg Egan. Rejet, par ceux qui trouveront
ce roman trop intellectuel. Non pas qu'il soit nécessaire de
posséder les connaissances approfondies en sciences ou en
biotechnologies de l'auteur (titulaire d'un BS en biologie, il a
publié de nombreuses communications à caractère
scientifique). Une approche et de la bonne volonté suffiront,
tant l'auteur prend plaisir à nous exposer ses connaissances.
Et de manière vivante : Hendrix est aussi professeur de
littérature anglaise à l'Université et il sait
faire vivre le savoir.
Mais celui qui tient à une
histoire palpitante sera frustré. Le roman lui paraîtra
comme une longue suite de conversations sur des sujets certes
élevés, mais dont la nature romanesque n'est pas
évidente... Dans ce livre bourré d'informations sur les
habitats de l'espace, l'intelligence artificielle, la biologie
moléculaire, la mycologie font bon ménage avec des
considérations économiques et un plaidoyer permanent et
enthousiaste sur les vertus de l'utopie et de l'économie. Dans
le cadre d'une science-fiction «dure», intellectualiste,
l'histoire et ses péripéties sont réduites au
minimum. En 2030, la Terre est dévastée par la
pollution, l'économie mondialiste et l'égoïsme.
Des hommes restés responsables se sont donné un but
commun : restaurer l'écologie, assurer la restauration de
la planète et la paix future. Pour l'instant, une immense
station orbitale accueille des scientifiques et des
spécialistes dans tous les domaines à la recherche de
solutions. Évidemment se cache la menace du méchant,
capable de détruire l'avenir des hommes... Une histoire
minimale, des personnages tout juste typés pour être
représentatifs des idées qu'ils soutiennent, une fin
heureuse manifestement bâclée.
Et pourtant ce roman m'a plu, et s'il
ne m'a pas accroché, je l'ai lu avec intérêt.
Hendrix fait partie de ces auteurs pour lesquels la science-fiction
se doit de donner des messages sur l'état du monde et son
avenir prévisible. Si certains lecteurs de SF recherchent
avant tout l'évasion, d'autres ont des intérêts
différents, et des vues particulières sur les
destinées possibles du monde ont au moins pour eux autant
d'importance que l'histoire. Ils seront ici comblés, feront
une révision sérieuse de leurs connaissances en utopie.
Le roman d'Hendrix contient maint concept provocateur en
écologie, dans une vision rousseauiste de la quasi autonomie
alimentaire et énergétique de la colonie de 4.000
personnes. La bonne volonté de la majorité des acteurs
redonne confiance dans les possibilités des ressources morales
humaines, aux chances de retrouver une éthique de la
coopération et de la solidarité.
Le roman propose d'étranges
rêves et des évocations brillantes, qui concernent
notamment les créateurs d'un spectacle dont les inventions
seront amplifiées à leur insu par une
mystérieuse intelligence artificielle d'origine inconnue, qui
se développe dans et hors de la station. Mais la plupart des
informations sont données par de longues conversations, qui
ressemblent aux interminables débats des étudiants
à l'université en train de refaire le monde. D'autres
sont fournies maladroitement, informations documentaires
données inopinément par la télévision au
moment opportun, ou la visite incognito d'une station agricole par
une responsable, qui nous donne droit à six pages de
considérations sur la production agricole de l'avenir...
En résumé, auteur
prometteur, si le roman laisse un goût d'insatisfaction. Ma
notation «bon roman» vaut pour la qualité de la
spéculation proposée, dans un contexte plausible. Pour
ceux qui ne cherchent qu'un divertissement, la notation serait plus
basse. Dans sa quarantaine d'années, Howards Hendrix a
écrit quatre romans et une vingtaine de nouvelles. Ce
récit était son premier. Attendons les suivants pour
nous faire une idée plus juste de cet auteur.
La quatrième de
couverture :
Années 2030.
Le terre a été dévastée.
L'humanité a désormais un but commun : restaurer
l'écologie et assurer la paix future.
Pour sortir de
l'impasse, une immense station orbitale accueille des scientifiques
à la recherche de solutions. Mais parmi les passagers de ce
campus au milieu du ciel se cache une menace capable de
détruire l'avenir des hommes.
Entre utopie et
apocalypse, le premier roman d'un auteur majeur.
|
Né en 1959, marié, un enfant,
Howard V. Hendrix a une formation à la fois
scientifique (BS biologie, Cincinnati, Ohio, 1980) et
littéraire (MA et PhD, California, 1987). Il
réside actuellement en Californie et enseigne la
littérature française à
l'université. Autres romans : Standing
Wave, 1998;
Better Angels, 1999; Empty Cities of the Full Moon, 2001. Recueil de nouvelles : Moebius Highway, 2001.
web site : http://www.howardvhendrix.com
|
Roland Ernould © 2002
Howard V. Hendrix
Interview.
Lightpaths
(édité en français sous le titre :
Orbital
Park) est votre premier
roman. J'ai été surpris par la grande quantité
d'informations scientifiques qu'il contient. Vous avez, semble-t-il,
une goût particulier pour les sciences?
Oui, les
informations venues des différentes disciplines scientifiques
me passionnent. Dans mes écrits, j'essaie de créer des
mondes futuristes aussi complets que possible - et cela signifie y
inclure non seulement des éléments de sciences pures,
mais également de sciences humaines et sociales. Cela vient en
partie de mon «background» : j'ai un diplôme en
biologie, mais j'ai obtenu un doctorat en littérature.
On peut reprocher à votre roman son caractère fortement
intellectualisé. Vous aimez le développement des
idées, notamment sur l'éthique et le
développement de la planète?
Certains
lecteurs considèrent mes livres comme trop intellectuels. De
toute évidence je m'intéresse à beaucoup de
chose. Lightpaths est, je crois, un roman philosophique, une
réflexion spéculative dans laquelle j'examine les
relations sociales dans un habitat spatial de grande envergure. La
nature de mon travail d'écrivain de SF implique de parler des
contextes éthiques qui entourent des changements technlogiques
et les décisions que nous devrons prendre dans un futur
proche. Prendre ces décisions implique d'examiner les
interactions entre notre espèce et son environnement... Et
cela nous mène tout droit à des questions sur notre
évolution. Mes idées sur ce sujet ont été
influencées par des penseurs aussi différents que
Pierre Teilhard de Chardin et Rupert Sheldrake. En fait, pour faire court : devons
nous traiter la terre comme une planète que nous habitons, ou
une planète avec laquelle nous vivons ? Allons-nous simplement
épuiser la planète et partir vers d'autres lieux ? Ou
essayons nous de vivre intelligemment, en harmonie avec notre
environnement - que cela soit pour rester ou non.
Vous consacrez une grande place à l'utopie. Quelle place
tient-t-elle dans vos pensées? Quelles sont vos sources
littéraires dans ce domaine?
En
écrivant
Lighpaths,
j'ai essayé de créer une "utopie qui fonctionne" - au
moins à un certain niveau. La raison première qui m'a
poussée a travailler ce thème, c'est que
l'écriture du premier draft s'est faite en 1990 pour le Turner
Tommorow Award. Pour participer à ce concours, un roman doit
présenter une vision positive du futur. Ma vision est utopiste
dans le sens où je crois au futur, j'ai de l'espoir pour notre
futur. Mais pour cela nous devons utiliser la technologie pour
éclairer notre route, plutôt que de l'assombrir. Mes
sources sont dans la tradition des utopistes, de Thomas
More à Huxley en passant par les utopistes français et
anglais du dix neuvième siècle. Lightpaths est en quelque sorte une anti-dystopie, qui avance
l'idée que nous devons redéfinir l'utopie plutôt
que de tenter sans succès de l'atteindre. La plupart des
dystopies voient l'utopie comme une fin en soit, quelque chose de
supposé parfait. Pour moi, l'utopie est davantage un processus
qu'un but. Une utopie qui n'est que but, que perfection, est
dangereuse, car ce n'est que le revers d'une médaille dont
l'autre face est l'apocalypse.
On peut vous comparer à Robert Heinlein
(notamment dans Stranger in a Strange Land - En terre étrangère) à la fois pour le style et les
idées libertaires. Qu'en pensez-vous?
J'ai
toujours admiré la SF de Heinlein. Son idée que "la terre est un panier trop
petit pour que les humains y mettent tous leurs
oeufs" est
une réflexion sensée sur le futur. Nos vues politiques
sont pourtant différente. Il a plus de foi en une
espèce de capitalisme tout puissant que je n'en aurais jamais.
Il avait également foi en l'armée, ce qui n'est pas mon
cas. Cela dit, nous avons tous les deux de forts courants libertaires
au sein de nos écrits - bien que Heinlein avait un point de
vue plus économique, alors que je défend plutôt
les libertés civiles. Je dois aussi admettre,
rétrospectivement, qu'il y a beaucoup de Moon is a Harsh Mistress dans Lightpaths. Particulièrement dans les relations tendues
entre la Terre et sa colonie (la Lune dans le roman de
Heinlein, la station orbitale dans mon roman). Je me sens
aussi influencé par Arthur C. Clarke, mais l'éventail de la SF que je
lis est assez large - de Jules Verne à H.G. Wells, en passant par les pulps des années trente
et quarante (Asimov, Bradbury, Clarke, Heinlein...),les auteurs contemporains comme Bester, Sturgeon, Barjavel et Herbert et puis les cyberpunk des années 80 et 90
(Gibson, Sterling, Rucker et Stephenson). Hors SF, je lis pas mal d'auteurs
encyclopédiques, comme James Joyce ou Thomas Pynchon.
Est-ce un choix de faire partie de ces nouveaux auteurs qui donnent
à leurs textes une valeur d'avertissement politique au sens
large, de mise en garde contre les dangers que nous créons
nous-mêmes?
Oui,
j'inclus ces thèmes de manière consciente. Je les
inclus dans tous mes romans. Quoi qu'il advienne, nous vivons selon
une logique qui ne pourra plus tenir des millénaires. Nous
sommes trop nombreux, beaucoup trop nombreux. Nous avançons
vers une urbanisation toujours plus intense, nous accentuons chaque
jour la pression sur notre biosphère. Le siècle qui
vient servira de test. Serons-nous capables de contrôler nos
"envies" - même l'envie de procréer - pour les accorder
avec nos "besoins" ? Allons nous rejoindre d'autres planètes
pour diminuer la pression sur Terre ? Allons nous apprendre à
contrôler la natalité afin de vivre en équilibre
avec le cycle naturel de la Terre ? Alors que le nombre d'êtres
humains augmente, la valeur des individus va-t-elle diminuer ? Allons
nous continuer à respecter la conscience individuelle ? ou la
pression sociale, le conformisme, vont-ils nous transformé en
animaux sociaux, en opposition aux individus conscients que nous
sommes encore aujourd'hui ? Ce sont des questions que j'essaie de
traiter dans mes romans - et sur lesquelles j'espère attirer
l'attention des lecteurs.
Comment appréciez-vous la situation de la science-fiction aux
USA au début de ce XXIème siècle?
Je crois
que nous vivons tous à l' Age du Code. Cela fait cinquante ans
que les premiers travaux de décodage du code d'une vie
organique (l'ADN, l'ARN) et d'une intelligence artificielle (bits,
bytes, etc.) ont débuté. Comme l'a fait remarqué
P.K. Dick dans un de ses romans, "Des choses vivantes et inertes sont
en train d'échanger leurs propriétés". La SF du
21ème siècle devra nécessairement prendre en
compte ce flou existant entre l'organique et le mécanique et
cela au niveau le plus fondamental. D'autres frontières
deviendront également floues. Aux Etata Unis, la limite est
encore importante entre la SF et la fiction classique. Mais cette
limite a tendance à s'effriter. La domination des EU sur le SF
devra également changer. Aujourd'hui, les travaux de gens
comme Moebius, ou des animateurs japonais, influencent
l'écriture d'auteurs américains. Je crois que la SF va
fortement s'internationaliser. Donc, je vois que la SF
américaine va peu à peu muer et prendre conscience de
l'existence d'autres auteurs, d'autres territoires. Après
tout, c'est la Planète Terre, pas la Planète
Amérique.
Après la publication de Lightpaths, les
critiques littéraires américains vous ont-ils
incité à donner plus de mouvement à vos
intrigues?
Oui, tout
à fait. Bien que mes livres abordent beaucoup de concept et un
large éventail de disciplines scientifiques, j'ai du me forcer
à m'attarder davantage sur l'intrigue et les personnages.
C'est le cas de mon second roman, Standing Wave, publié en 1998 et disponible aujourd'hui en
français. Cette tendance s'est confirmée avec mon
troisième roman, Better Angels et dans Empty Cities Of The Full Moon, paru en 1999 en 2001. Et je renforcerai encore
l'importance des personnages dans The Labyrinth Key, que je suis en train d'écrire et qui sera
publié en 2003.
Comment conciliez-vous votre métier de professeur et vos
travaux d'écriture?
Cela
fonctionne plutôt bien. Lorsque je décroche un contrat
pour un nouveau roman, j'arrête de professer pour
écrire. Et entre les romans, je retourne en classe. Jusqu'ici
le rythme est généralement de dix-huit mois de travail
comme professeur et d'un an d'écriture. Faire l'aller-retour
entre ces deux mondes me permet de garder une approche fraîche
de l'un comme de l'autre.
Parlez-nous de vos goûts, de vos divertissements.
Avec ma
femme, nous aimons faire du trekking dans les montagnes de la Sierra
Nevada. Nous adorons également le vélo et le jiu-jitsu
brésilien. Nous apprécions les bons restaurants, les
bons livres et les bons films, lorsque notre emploi du temps nous le
permet. Nous aimons également le jardinage et les voyages -
tout récemment, nous avons visité Hong Kong, une
cité fascinante à l'atmosphère futriste,
où de nombreuses frontières ont déjà
été abolies et traversées.
Merci de votre amabilité. Nous attendons avec impatience votre
prochain livre traduit en français.
Roland Ernould
©
2002. Science-Fiction
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