William Gibson,
Neuromancien
J'ai Lu SF,
réédition 2001.
Gibson n'a pas créé le
courant cyberpunk (de "cyber" pour "informatique" et "punk" pour
crapule"), apparu vers 1980 à la suite du développement
du mouvement "hard science". S'il fut devancé par Bruce
Sterling ou Rudy Rucker, informaticien et mathématicien,
Neuromancien fut
le porte-drapeau du groupe, avant la parution de l'anthologie
cyberpunk Mozart
en verres miroir. Jeune auteur
inconnu, Gibson n'avait publié jusque là que quelques
nouvelles. Récompensé par une corbeille de prix (Hugo,
Nebula, Philip K. Dick Award), célébré en
fanfare par Sterling, le
livre devint une source d'inspiration pour plusieurs auteurs (J.
Blaylock, G. Effinger, J.W.
Peter, M. Swanwick, W. J.
Williams), par ses perspectives sur une
société déstabilisée par une technologie
informatique gouvernée uniquement en vue du profit. Cette
évocation aigre d'un futur proche gouverné par les
puissances virtuelles, des multinationales se livrant à une
guerre sans pitié fait peur, avec ses personnages
fascinés et paumés par les pouvoirs des images de
synthèse, ne prenant leur plaisir que dans le cyberspace. Les
actions se passent dans des environnements urbains,
généralement claustrophobes, tantôt
délabrés, tantôt modernes et disposant des plus
récentes technologies. La place de la neurochirurgie et des
biotechnologies est devenue primordiale, mais la science
passée au service des intérêts ou des ambitions
ne laisse plus d'espoir en un avenir meilleur. La modernité de
ces perspectives ne pouvait que plaire.
Le roman de Gibson devenait le modèle d'un univers cyberpunk,
qui annonce tristement celui dans lequel nous vivons
déjà, où coexistent les salariés des
multinationales que l'on ne voit qu'en toile de fond, avec leurs
revenus réguliers et la sécurité
matérielle; les paumés sans avenir et les mercenaires,
hyperspécialistes dans un domaine donné (informatique,
garde du corps), mais vivant dans l'insécurité la plus
complète. Case est un hacker exceptionnel au passé
trouble, qui a essayé de doubler son ancien employeur, qui, en
châtiment, lui a grillé une partie du cerveau pour le
rendre incapable de se connecter efficacement au cyberspace. Dans
cette réalité proche, le cyberspace est devenu
dangereux, puisque le hacker y accède en interfaçant,
à ses risques et périls, directement son cerveau sur la
console. Les dossiers secrets sont protégés par de
véritables chiens de garde dressés contre les pirates,
de dangereuses intelligences artificielles auxquelles il est
pratiquement impossible d'échapper intact. Vivant
d'expédients, drogué, Case devient lentement une
épave, jusqu'au moment où il est recruté pour
s'introduire, en échange de sa guérison, dans une
multinationale jalousement protégée. Le roman comporte
deux parties : l'une qui montre la déchéance du hacker
et ses tristes trafics, l'autre qui le décrit luttant
désespérément pour sa survie quand, ses
capacités régénérées, il se trouve
pris dans les rouages d'une machination dont il a bien du mal
à se dépêtrer.
Se passant partie dans la réalité, partie dans le
virtuel, devançant son temps et suggérant de sombres
perspectives, Neuromancien
présente un intérêt évident dans
l'histoire de la SF. Le cinéma ne s'y est pas trompé,
et a adapté une nouvelle de Gibson de 1981, Johnny
Mnémonic, qui a
rencontré un succès certain. Pour le roman, l'abord est
différent. Dès qu'on entre dans le virtuel, à
plus forte raison celui de demain, l'emploi d'un vocabulaire
spécialisé devient l'obligation, avec le risque de
rebuter le lecteur par l'emploi de termes trop éloignés
de sa culture. La première phrase de Neuromancien est célèbre de cette plongée dans
un univers cybernétique qui sert de référentiel
: "Le ciel au-dessus du port
était couleur télé calée sur un
émetteur hors service." L'auteur utilise ainsi souvent un vocabulaire
spécial, qui rend son style un peu abscons, en même
temps qu'il possède la violence et le brillant d'une
écriture électrique, frénétique, qui se
ressent du rap, qui veut traduire un monde en agitation, mais se
révèle vite fatigante. Le monde qu'il nous propose,
sombre et déprimant, n'est pas facile à
pénétrer. Les personnages restent artificiels,
éloignés de notre psychologie actuelle, et ils ne
peuvent être suivis qu'au prix d'un certain effort qui
éloigne l'empathie que le lecteur aimerait éprouver
pour les personnages. Ceci dit, la lecture du roman s'avère
indispensable : on n'a guère fait mieux depuis, et le courant
cyberpunk est condamné à ressasser les mêmes
thèmes avec des variantes de peu d'importance.
Neuromancien a été
suivi de deux autres romans qui reprennent certains des personnages
sans pour autant constituer une suite. Ils peuvent se lire
indépendamment, et le lecteur qui a apprécié le
premier roman y trouvera l'exploration de ce futur proche, avec les
mêmes pirates et les mêmes paumés, les
réseaux informatiques omniprésents et les
multinationales ravageuses. Comte Zero (1986)
raconte l'histoire d'un nouveau hacker du cyberspace, le Comte Zero,
que l'on retrouve dans Mona Lisa s'éclate (1988), dans le même univers de désespoir
romantique et de violence proche du rock primitif.
La
quatrième de couverture :
Dans une
société hypertechnologique où l'ordinateur
règne en maître, Case est un pirate de génie au
cerveau directement branché sur la "Matrice", le monde des
données et des programmes où il évolue comme
dans un univers réel. Mais Case commet un jour l'erreur de
doubler son puissant employeur, qui par mesure de représailles
lui démolit le système nerveux. Aussi, lorsque
Armitage, l'homme au passé trouble, et Molly, la
femme-piège, lui redonnent accès au Cyberspace, l'enjeu
est devenu pour Case une question de vie ou de mort. Cet enjeu est de
taille: sur les instructions du mystérieux Muet dhiver, il
s'agit de pénétrer à ses risques et
périls le programme top secret d'une gigantesque
multinationale. A qui Case a-t-il réellement affaire? ...ou
à quoi?
|
Né en 1948 en Caroline du Sud mais
résidant à Vancouver, William Gibson a
écrit ses premières nouvelles à la fin
des années 70. Son premier roman Neuromancien, en 1984, rafle tous les prix : Hugo, Nebula
P.K.Dick. Il a su ramasser en ce livre l'univers et les
concepts d'un genre S.-F. en voie d'apparition, le
cyberpunk. Les ouvrages les plus récents de Gibson
semblent s'éloigner de ces archétypes pour se
rapprocher d'un style plus classique. Quelques romans :
Comte
Zéro,1986;
Mona
Lisa s'éclate,
1988; La
machine à différences, 1991 (note de
lecture); Lumière virtuelle, 1993; Idoru, 1996; Tomorrow's parties, 2001.
|
Roland Ernould © 2001
..
.. du site Imaginaire : liste des auteurs
.. du site Différentes Saisons, revue trimestrielle
.. du site Stephen King
mes dossiers
sur les auteurs
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William Gibson Neuromancien, J'ai Lu SF,
réédition 2001.
Gibson n'a pas créé le courant cyberpunk (de "cyber"
pour "informatique" et "punk" pour crapule"), apparu vers 1980
à la suite du développement du mouvement "hard
science". S'il fut devancé par Bruce Sterling ou Rudy Rucker,
informaticien et mathématicien, Neuromancien fut le
porte-drapeau du groupe, avant la parution de l'anthologie cyberpunk
Mozart en verres
miroir. Jeune auteur inconnu, Gibson n'avait
publié jusque là que quelques nouvelles.
Récompensé par une corbeille de prix (Hugo, Nebula,
Philip K. Dick Award), célébré en fanfare par
Sterling, le
livre devint une source d'inspiration pour plusieurs auteurs (J.
Blaylock, G.
Effinger, J.W.
Peter, M.
Swanwick, W. J.
Williams), par
ses perspectives sur une société
déstabilisée par une technologie informatique
gouvernée uniquement en vue du profit. Cette évocation
aigre d'un futur proche gouverné par les puissances
virtuelles, des multinationales se livrant à une guerre sans
pitié fait peur, avec ses personnages fascinés et
paumés par les pouvoirs des images de synthèse, ne
prenant leur plaisir que dans le cyberspace. Les actions se passent
dans des environnements urbains, généralement
claustrophobes, tantôt délabrés, tantôt
modernes et disposant des plus récentes technologies. La place
de la neurochirurgie et des biotechnologies est devenue primordiale,
mais la science passée au service des intérêts ou
des ambitions ne laisse plus d'espoir en un avenir meilleur. La
modernité de ces perspectives ne pouvait que plaire.
Le roman de Gibson devenait le modèle d'un univers cyberpunk,
qui annonce tristement celui dans lequel nous vivons
déjà, où coexistent les salariés des
multinationales que l'on ne voit qu'en toile de fond, avec leurs
revenus réguliers et la sécurité
matérielle; les paumés sans avenir et les mercenaires,
hyperspécialistes dans un domaine donné (informatique,
garde du corps), mais vivant dans l'insécurité la plus
complète. Case est un hacker exceptionnel au passé
trouble, qui a essayé de doubler son ancien employeur, qui, en
châtiment, lui a grillé une partie du cerveau pour le
rendre incapable de se connecter efficacement au cyberspace. Dans
cette réalité proche, le cyberspace est devenu
dangereux, puisque le hacker y accède en interfaçant,
à ses risques et périls, directement son cerveau sur la
console. Les dossiers secrets sont protégés par de
véritables chiens de garde dressés contre les pirates,
de dangereuses intelligences artificielles auxquelles il est
pratiquement impossible d'échapper intact. Vivant
d'expédients, drogué, Case devient lentement une
épave, jusqu'au moment où il est recruté pour
s'introduire, en échange de sa guérison, dans une
multinationale jalousement protégée. Le roman comporte
deux parties : l'une qui montre la déchéance du hacker
et ses tristes trafics, l'autre qui le décrit luttant
désespérément pour sa survie quand, ses
capacités régénérées, il se trouve
pris dans les rouages d'une machination dont il a bien du mal
à se dépêtrer.
Se passant partie dans la réalité, partie dans le
virtuel, devançant son temps et suggérant de sombres
perspectives, Neuromancien présente
un intérêt évident dans l'histoire de la SF. Le
cinéma ne s'y est pas trompé, et a adapté une
nouvelle de Gibson de 1981, Johnny Mnémonic, qui a
rencontré un succès certain. Pour le roman, l'abord est
différent. Dès qu'on entre dans le virtuel, à
plus forte raison celui de demain, l'emploi d'un vocabulaire
spécialisé devient l'obligation, avec le risque de
rebuter le lecteur par l'emploi de termes trop éloignés
de sa culture. La première phrase de Neuromancien est
célèbre de cette plongée dans un univers
cybernétique qui sert de référentiel :
"Le ciel au-dessus du port était
couleur télé calée sur un émetteur hors
service." L'auteur utilise ainsi souvent
un vocabulaire spécial, qui rend son style un peu abscons, en
même temps qu'il possède la violence et le brillant
d'une écriture électrique, frénétique,
qui se ressent du rap, qui veut traduire un monde en agitation, mais
se révèle vite fatigante. Le monde qu'il nous propose,
sombre et déprimant, n'est pas facile à
pénétrer. Les personnages restent artificiels,
éloignés de notre psychologie actuelle, et ils ne
peuvent être suivis qu'au prix d'un certain effort qui
éloigne l'empathie que le lecteur aimerait éprouver
pour les personnages. Ceci dit, la lecture du roman s'avère
indispensable : on n'a guère fait mieux depuis, et le courant
cyberpunk est condamné à ressasser les mêmes
thèmes avec des variantes de peu d'importance.
Neuromancien a été suivi de deux
autres romans qui reprennent certains des personnages sans pour
autant constituer une suite. Ils peuvent se lire
indépendamment, et le lecteur qui a apprécié le
premier roman y trouvera l'exploration de ce futur proche, avec les
mêmes pirates et les mêmes paumés, les
réseaux informatiques omniprésents et les
multinationales ravageuses. Comte Zero (1986) raconte
l'histoire d'un nouveau hacker du cyberspace, le Comte Zero, que l'on
retrouve dans Mona Lisa
s'éclate (1988), dans le même
univers de désespoir romantique et de violence proche du rock
primitif.
La quatrième de
couverture :
Dans une société
hypertechnologique où l'ordinateur règne en
maître, Case est un pirate de génie au cerveau
directement branché sur la "Matrice", le monde des
données et des programmes où il évolue comme
dans un univers réel. Mais Case commet un jour l'erreur de
doubler son puissant employeur, qui par mesure de représailles
lui démolit le système nerveux. Aussi, lorsque
Armitage, l'homme au passé trouble, et Molly, la
femme-piège, lui redonnent accès au Cyberspace, l'enjeu
est devenu pour Case une question de vie ou de mort. Cet enjeu est de
taille: sur les instructions du mystérieux Muet dhiver, il
s'agit de pénétrer à ses risques et
périls le programme top secret d'une gigantesque
multinationale. A qui Case a-t-il réellement affaire? ...ou
à quoi?
Roland Ernould © sept. 2001.
(roland.ernould@neuf.fr)
Roland Ernould © 2000
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auteurs
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