Alain Chareyre-Méjean,
Le réel et
le fantastique
L'Harmattan édit., 1999.
Il sera difficile à ceux qui
veulent réfléchir sur le fantastique de ne pas faire
appel au livre de Chareyre-Méjean. Bien sûr, cet ouvrage
est un écrit théorique et sa lecture n'est pas celle
d'un roman. Mais sa force est précisément d'ouvrir un
champ de réflexion qui aide à mieux comprendre les
romans, au prix d'un petit effort de lecture. Pourquoi un vrai
amateur de fantastique n'en serait-il pas capable?
L'auteur analyse subtilement toutes
sortes de sujets, d'abord ceux qui constituent l'arsenal traditionnel
du fantastique: la mort, les fantômes, les doubles, les
statues, etc. Mais aussi des notions plus rarement
évoquées, comme le vomi, le repoussant, et bien
d'autres, comme la place du rêve dans le fantastique.
L'ouvrage manque peut-être de continuité et le lien
entre les différents éléments juxtaposés
n'apparaît pas toujours avec netteté. Par contre cette
dispersion peut rendre service à ceux qui n'aiment pas des
développements denses trop continus. On y rencontre des
analyses intéressantes, comme cette idée que le
fantastique arrache à une réalité silencieuse
quelque chose qui y demeurait en rétention, l'ouverture au
sentiment du danger et de la subversion. Le fantastique se situerait
ainsi au point exact où la littérature devient danger.
Ce qui est très proche de l'attitude philosophique, de
l'idée qui sous-tend tout l'ouvrage: l'étonnement
fantastique est attaché à l'objet d'un trouble que l'on
peut reconnaître dans la philosophie. Ou Sophie
médusée...
On peut regretter qu'un ouvrage, qui deviendra aussi indispensable
que certains classiques comme La séduction de l'étrange de Louis Vax, ne dispose pas, comme celui-ci,
d'un index des noms et sujets analysés. Lacune d'autant plus
gênante que la table des matières cherche la formule
imagée et percutante, ce qui est plaisant, mais guère
fonctionnel.
La 4ème de couverture
:
L'objet du sentiment moderne du fantastique n'est pas
le surnaturel mais le caractère irreprésentable de la
simple position d'une chose dans l'être. Le principe du
fantastique est philosophiquement un réalisme de l'existence
dans lequel le monde est, à l' instant, toujours seulement
identique à son exister. La chose fantastique y signale
l'indépendance à priori du réel à
l'égard de la pensée.
Dans cette
perspective, la tradition rationaliste-idéaliste en
philosophie n'a peut-ètre jamais été que
l'expression du rejet de l'étonnement fantastique devant le
fait inhumain que les choses soient avant d'avoir un sens.
Philosophe de formation, l'auteur enseigne
l'esthétique et les sciences de l'art à
l'université d'Aix-en-Provence, ce qui explique le grand
nombre d'exemples fantastiques tirés d'oeuvres picturales, ce
qui change des traditionnelles citations littéraires reprises
maintes fois. Et on ne peut reprocher à l'auteur de vivre dans
un milieu enseignant généralement éloigné
du fantastique: il est le directeur de l'édition des
classiques du genre dans la collection Babel...
Roland Ernould © 1999
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