Laurent Bourdier Stephen King, parcours d'une oeuvre.

 

éd. Encrage Références, 4/1999.

 

Heureux l'amateur francophone de Stephen King en ce moment! Jusqu'au début de cette année, il ne disposait, comme ouvrage récent de base, que les informations bibliographiques d'Hugues Morin (Stephen King, Trente ans de terreur, 1977). Un second livre s'impose maintenant, celui de Laurent Bourdier, auteur de la deuxième thèse universitaire française sur Stephen King.

Alors que jusqu'ici les commentateurs insistaient surtout sur l'auteur d'horreur (au grand dam de King, qui déclarait dans une interview récente citée dans le recueil juste sorti des presses
Stephen King/Clive Barker: les Maîtres de la terreur :

"Les gens ne me lisent plus pour se plonger dans l'horreur. Ils me lisent parce que je suis Stephen King. Je suis arrivé à cette conclusion au fil des ans. Les rares personnes qui me considèrent encore comme un écrivain d'horreur sont les gens des magazines spécialisés en fantastique. (...) Je ne crois plus que les gens me lisent parce que je porte cette étiquette. J'ai écrit La Ligne Verte, Le Corps, La Rédemption de Shawshank, Dead Zone. C'est plutôt large comme champ d'investigation et je n'en fais pas tout un plat, mais je pense que mes lecteurs aiment ma voix avant toute chose...")

C'est ce King, l'auteur d'une production multiforme et qui «parle» presque toujours à ses nombreux lecteurs d'autre chose que d'épouvante que Bourdier met bien en relief.

Le mérite de cet ouvrage, c'est d'avoir résumé sous une forme synthétique l'essentiel de ce qu'il faut savoir sur King, pour permettre au lecteur de s'orienter éventuellement vers l'approfondissement de tel ou tel point de sa production. Qu'on en juge! Sont abordés par exemple dans l'analyse des thèmes humanistes, constitutifs de l'oeuvre : la position omniprésente de la religion, la méfiance à l'égard de la technologie, les réticences à l'encontre du pouvoir politique et du capitalisme, outre les thèmes plus ordinairement évoqués de l'enfance et de l'adolescence ou de l'horreur. Sans ignorer la place que tiennent le Maine dans sa géographie ou la vie personnelle de King dans son oeuvre. Sont bien sûr évoqués ses problèmes d'écrivain, les affres de sa création ou sa situation particulière d'auteur reconnu par un vaste public, mais ignoré jusqu'ici par l'«élite» littéraire. Le tout écrit avec une clarté et un souci de se mettre à la portée d'un vaste public, que l'on ne rencontre pas ordinairement chez les universitaires. Ajoutez à cela une bibliographie commentée qui complète celle de Morin, un plan clairement tracé, avec un parcours balisé, des exemples judicieusement choisis.

Ce livre, au contenu abondant pour un petit volume, réjouira tous ceux qui se montrent déçus par la réduction, voire la mutilation, à laquelle s'adonnent généralement des critiques paresseux. C'est un King complet, écrivain d'horreur mais surtout écrivain tout court, que l'ouvrage de Bourdier a le mérite de nous présenter.

Et comme, satisfaction non négligeable, le livre est à prix doux, tout lecteur de King serait inexcusable de ne pas se le procurer. Même les réfractaires aux oeuvres de King seront surpris...

 

La 4 de couverture :

De tous les écrivains vivants, Stephen King est le plus populaire : ses trente romans se sont vendus à plus de deux cents millions d'exemplaires dans le monde. Il est traduit dans de nombreuses langues et ses récits les plus célèbres ont été portés à l'écran par Brian de Palma, John Carpenter ou encore Stanley Kubrick.

Derrière ce succès se cache l'un des plus grands mystères littéraires de ce siècle: comment Stephen King, oeuvrant dans l'horreur et la science-fiction, genres considérés comme marginaux, est-il devenu l'auteur le plus lu dans le monde? C'est à cette question et à bien d'autres que répond Laurent Bourdier, auteur de la première thèse française consacrée au «Maître de Bangor».

Note critique parue dans Phénix, #53, p. 291.

Sommaire:

Introduction: La Nouvelle-Angleterre comme source d'inspiration. Populaire, mais universitaires.

La construction de l'écrivain: Une enfance des plus banales. Les premiers essais littéraires. L'adolescence. Les années d'université. L'engagement politique... et marital. Les années de vaches maigres. Le conte de fées. «Bestsallasaurus Rex».

Le fantastiqueur du réel:

- La continuité de l'oeuvre: l'unité géographique. Des personnages familiers.

- Les thèmes récurrents: la religion. La technologie. Pouvoir politique et capitalisme.

- L'enfance et l'adolescence.

- La figure de l'écrivain mise en scène. Les affres de la création. Les affres de la célébrité.

Réception critique. Un accueil encore timide. La popularité aujourd'hui. La postérité demain.

Bibliographie commentée. Bibliographie critique. Filmographie. Chronologie.

Laurent Bourdier a été le premier universitaire français à avoir soutenu une thèse universitaire à Grenoble: Enfance et adolescence dans l'oeuvre de Stephen King, (1998)

Critique du livre parue dans CERLI #8, juin 1999:

"Sans entrer dans les détails, l'optique de Laurent Bourdier a un grand mérite: dès l'introduction, elle privilégie une facette de King trop ignorée, le faiseur d'épouvante étant bien plus souvent évoqué: King raconteur, celui qui prend le temps de regarder vivre (et mourir par instants) la Nouvelle-Angleterre, celui qui, entre Norman Rockwell, Dickens, Steinbeck, trace sa voie vouée à l'écriture ivre de sensations fortes mais aussi de souvenirs nostalgiques. Une écriture partagée entre le fracas et la mémoire, consacrée à la roue de l'existence - motif que Laurent Bourdier met admirablement en exergue (p. 68). Bien entendu, on pourra reprocher des manques dans ce livre (King nouvelliste, King/Bachman...), mais les contraintes de la collection les rendent inévitables. Au reste, quelle monographie ou présentation de King échappe à ce travers? Aucune. Mieux vaut, comme l'a fait Laurent Bourdier, s'engager dans une démonstration orientée sans rien concéder d'essentiel.

Ce livre est un parfait compromis entre l'étude universitaire et le portrait détaillé d'un écrivain. Il est l'occasion de convaincre les réticents en tous genres face au phénomène King, les parents méfiants ou encore les enseignants dubitatifs: l'oeuvre de King parle; elle ne contente pas d'effrayer sans retenue. Elle évoque.

Avec ce souffle rhapsodique comme échappé des temps anciens, là où le livre n'avait pas cours, là où le verbe était geste et inflexion."

Notice bibliographique: Laurent Bourdier est un jeune professeur d'Université qui a été le second universitaire à avoir passé une thèse de doctorat sur King à l'Université Stendahl de Grenoble, en 1998, sous la direction de Jean Marigny (Enfance et adolescence dans l'oeuvre de Stephen King). Son livre Parcours d'une oeuvre est le premier ouvrage français grand public à être publié en France sur King.

Roland Ernould © 1999

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