Robert Silverberg et Jacques Chambon présentent : Destination 3001

Flammarion/Imagine, 10/2000.

Interrogé, redouté ou appelé, l'avènement de ce nouveau millénaire n'a laissé personne indifférent. Ce jalon du calendrier grégorien touche les esprits des Occidentaux conditionnés par leur temps et leur espace, qui considèrent comme folkloriques les autres méthodes de datation dans le monde, pourtant tout aussi valables que la leur. Diverses anthologies ont été consacrées à l'événement. Celle, récapitulative du siècle écoulé, de D. E. Winter (Révélations) qui propose dix nouvelles destinées à rappeler chacune des décennies du siècle passé. Ou celle de Daniel Conrad et Benoît Domis (Les futurs maîtres français de la terreur) qui présente les auteurs qui devraient faire parler d'eux dans l'avenir proche.

Le projet de Silverberg/Chambon est le plus ambitieux de tous, puisqu'il fait effectuer à ses lecteurs un bond de mille ans dans l'avenir, un horizon du futur qui ne peut qu'exciter les imaginations. Évoquer le XXIè siècle consiste le plus souvent à extrapoler le monde actuel, et à brider les imaginations puisque nous devinons intuitivement ce qui est en gros possible dans un avenir proche. Sauter d'un seul bond un millénaire oblige à faire un effort d'imagination autrement plus difficile.

Que sera devenue l'humanité dans un millénaire? 3001 est un clin d'oeil à Arthur C. Clarke, le romancier, et à Stanley Kubrick metteur en scène de L'Odyssée de l'espace, images vieilles de trente ans qui situaient en l'an 2001 des changements technologiques, biologiques et mentaux qui ne se sont pas produits : la vie de l'imaginaire est ainsi faite de ces rêves, et on ne demande pas à un auteur de se montrer aussi bon prévisionniste qu'un économiste ou un géopolitique. Il en sera de même pour ces textes. D'autant plus que se projeter dans un monde aussi lointain est proprement inconcevable et l'exercice périlleux. On ne s'étonnera pas de trouver dans ces travaux surtout les inquiétudes d'auteurs actuels.

Jacques Chambon s'était d'abord proposé de réaliser une anthologie consacrée à des auteurs français. Son projet est devenu international avec l'intervention inopinée de Silverberg, qui signe d'ailleurs une nouvelle de l'anthologie. Et, maintes difficultés vaincues, le projet a pris corps. Vingt nouvelles de SF d'auteurs consacrés - nés en majorité dans les années cinquante-soixante et la plupart consacrés - , qui ont proposé des textes inédits. Sept Français (Ayerdhal, Philip Curval, Sylvie Denis, Jean-Claude Dunyach, Joël Houssin, Serge Lehman et Roland Wagner). Huit Américains (Gregory Benford, Orson Scott Card, Karen Haber - l'épouse de Silverberg - , Joe Haldeman, Nancy Kress, Robert Silverberg, Dan Simmons et Norman Spinrad. Un Allemand (Andreas Eschbach), deux Anglais (Paul J. McAuley) et deux Italiens (Valerio Evangelisti et Franco Ricciardiello). Essentiellement du beau monde, et du travail de qualité, impossible à analyser dans le détail.

Se projeter mentalement dans un univers aussi lointain est impossible. On ne s'étonnera donc pas de trouver dans ces travaux qui concernent une échéance aussi lointaine des préoccupations qui sont les nôtres. Plus que dans les romans classiques, les récits de science-fiction sont des miroirs où se lisent les traits caractéristiques d'une époque. Dans cette année-prétexte 3001, c'est l'homme de notre temps que retrouvera le lecteur au delà des apparences différentes carrossées avec soin. Si beaucoup de choses ont changé, dans la reproduction des êtres, les déplacements dans l'espace et le temps, les moyens de communication et les gouvernements, il existe une constante : les hommes, ou leurs substituts, sont restés les mêmes, mal partagés entre altruisme et égoïsme, mais bien plus redoutables dans leurs activités que de notre temps. L'altruisme tient d'ailleurs une place bien moindre que l'égoïsme et l'agressivité, dans le mépris de l'autre, la recherche et l'octroi de la souffrance. Le dépaysement se fait surtout par l'usage d'un vocabulaire nouveau, de néologismes utilisés dans le cadre habituel des machines qui pensent, des réparations biologiques, de la mortalité variable, des différentes races qui se supplantent, des machines quasi-humaines, des hommes modifiés, avec des vies surtout artificielles et truquées.

Dépaysement garanti, mais peu d'humour et d'espoir dans cette anthologie désabusée, qui est un témoignage de la mort des espérances des hommes de l'an 2001, et le triomphe des contre-utopies. Il y a de quoi frémir quand on se projette dans cet avenir qui nous est presque toujours proposé sombre, inquiétant et redoutable. La dystopie fonctionne à plein régime. Lecteurs, soyez soucieux : l'avenir ne s'annonce pas rose. Demain ne sera pas glorieux et les surlendemains n'auront guère de printemps qui chantent.

La quatrième de couverture :

L'an 2000 a longtemps été l'horizon du futur pour la science-fiction. Mais aujourd'hui? Il fait partie des vieilles lunes. Anticipé, exploré, fantasmé tous azimuts, il était déjà vieux avant l'avénement du vrai. Comment pourrait-il faire encore rêver, même si l'on a envie de saluer le symbole qu'il représente? En route donc pour des horizons plus lointains, pour des terres neuves, pour l'entrée dans la quatrième millénaire. Ou plus exactement en 3001, en hommage à Stanley Kubrick (1928-1999), qui situait en 2001 l'aube de nouveaux grands changements pour l'humanité en entraînant celle-ci dans une «odyssée», c'est-à-dire un retour aux sources, de «l'espace» (de l'espèce?)
Comment sera le monde dans mille ans? Comment fêtera-t-on l'entrée dans les années 3000? Quelles étranges mutations technologiques, sociologiques, biologiques, psychologiques connaîtront nos lointains descendants? Aurons-nous essaimé dans les étoiles? Enfin rencontré des extraterrestres? L'homme se sera-t-il délivré de ses vieux démons? Existera-t-il encore et dans quel environnement?

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Sommaire :

Introduction

Joe Haldemar : Quatre courts romans
Valerio Evangelisti : Paradi
Nancy Kres : Notre Mére qui dansez
Serge Lehmar : Le temps des Olympiens
Andreas Eschbac : Le Semeur de cauchemars
Robert Silverberg : Milleniam Express
Ayerdhal : Notre Terre
Karen Haber : L'épineux probléme de la tête à Grand-Mére
Orson Scott Card : Angles
Christopher Priest : Retour au foyer
Franco Ricciardiello : L'hiver de Turing
Joël Houssin : Jolie Petite Fille
Paul J. McAuley : Van Gogh à la fin da monde
Jean-Claude Dunyach : Les nuits inutiles
Roland C. Wagner : Marche et crève
Gregory Benford : Onde de choc
Sylvie Denis : La balade du singe seul
Norman Spinrad : Entités
Philippe Curval : On est bien seul dans l'univers
Dan Simmons : «Le 9 av»
Dictionnaire des auteurs
Robert Silverberg (1934-) est un auteur prolifique (ayant déjà eu un prix Hugo en 1956 au titre du nouvel auteur le plus prometteur) qui a écrit de nombreux romans où mythologie et S-F se confondent, parmi lesquels Les Ailes de la nuit (1969), L'homme dans le labyrinthe (1969), Le livre des crânes (1972), Le Seigneur des ténèbres (1983); des trilogies : La trilogie de Majipoor (1980/3), La trilogie du nouveau printemps (1988/92). Tous ces romans se trouvent en livres de poche. Il est également l'auteur d'anthologies : Légendes (1998), consacrée à la fantasy (où se trouve la novella de King Les petites soeurs d'Elurie) et Horizons lointains (1999)
Jacques Chambon, directeur de la collection Imagine de Flammarion, est l'auteur d'une quinzaine d'anthologies.

Roland Ernould © 2000

 

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