Gare au garou!

anthologie présentée par Barbara Sadoul

huit histoires de loups-garous, Librio, 1/2000.

 La métamorphose est un thème aussi souvent exploité dans les récits du passé que dans les contes fantastiques. La transformation de l'homme en animal, notamment en loup-garou, engendre une ambiance inquiétante et crée un hybridation déroutante. Dans le folklore,la croyance dans le loup-garou se perd dans la nuit des temps. Littérairement, le motif se trouve déjà traité dans les Métamorphoses d'Ovide. On le retrouve régulièrement dans les récits du Moyen-Âge et, incidemment, dans ceux des siècles suivants. C'est avec le XXè siècle que le thème de la métamorphose passionne particulièrement le fantastique et la science-fiction, que passionne ce passage de l'être humain au travers du miroir pour se muer en animal.

La mise en scène romanesque s'intéresse d'abord au temps de la métamorphose, pour les effets divers qu'elle autorise. La transformation ne borne pas nécessairement à l'aspect physique, mais intègrent les changements mentaux. Le plus souvent, le corps entier est modifié par la métamorphose, qui ne s'effectue pas dans des conditions ordinaires, où traditionnellement la pleine lune est impliquée. Par exemple, le passage dans l'eau est nécessaire. La transformation de la peau (apparence humaine), celle de la main (métaphore de l'être humain) sont des variantes sur les propriétés de l'humain. Il arrive fréquemment que la transformation ne soit pas intégrale et garde une apparence inachevée et ambiguë, caractéristique du monstre mi-ange, mi-bête. Des variations touchent de nombreux détails, les yeux le plus souvent rouges, mais aussi verts ou bleus; la démarche (la bête court plus ou moins comme un homme); la pilosité, les transformations portant sur des détails du corps permettent de multiples changements.Les garous sont plus ou moins dénaturés et conscients de ce qui se produit, mais l'absence des souvenirs lycanthropiques est généralement de rigueur - au mieux subsistent des impressions et des rêves. Les garous possèdent des ressources inhumaines (puissance, intelligence, parfois beauté, puissance et intelligences surnaturelles) et doivent affronter l'existence avec leurs nouvelles possibilités. Il devient parfois régressif et déshumanisé, rarement stables. Les garous défient les lois naturelles et leur transformation affranchit l'essence sauvage de l'homme des contraintes superficielles des civilisations, une sorte de victoire de l'animalité perdue sur les artifices de l'évolution humaine.

Les huit nouvelles de ce recueil ont été retenues pour donner simultanément une idée au lecteur profane de l'exploitation historique du motif, mais aussi pour donner un panorama suffisamment étendu de la diversité des aspects de la lycanthropie, des plus anciens (de l'antique Pétrone au Moyen-Âge), aux plus récents (le dernier texte date de dix ans). La nouvelle que je préfère dans le recueil est le Galoup de Claude Seignolle, où l'auteur confie le rôle du narrateur au monstre ni animal, ni humain. Cette mise en situation de l'intérieur offre des perspectives nouvelles au motif, et Barbara Sadoul semble l'apprécier, puisque plusieurs récits sont construits ainsi. Les plus originales sont celles de Suzy McKee Charnas, Nibards, où une jeune fille se transforme en loup-garou pour se venger des garçons qui trouvent ses seins trop gros... Où celle de Brad Stricland, dont la conclusion est proche de la science-fiction : l'envoi possible d'un loup-garou aux forces exceptionnelles sur Vénus qui ne possède pas de lune...

Le mythe de l'homme-loup nous plonge dans un univers de transformations dont on peut se demander lequel est le plus prédateur, de l'animal qui subit son sort, à l'homme qui a la prétention de l'organiser rationnellement. Lequel est le garou, celui dont, étymologiquement, il faut se garer? Il est difficile d'aller bien loin en 124 pages, mais le débutant trouvera dans ce petit recueil de quoi aborder le motif pour y réfléchir, et le spécialiste retirera le plus grand profit de la remarquable introduction de Barbara Sadoul.

La quatrième de couverture :

Dans la nuit, quelqu'un crie au loup. A-t-il rêvé? Ou la pleine lune annonce-t-elle le retour d'une créature de légende? La métamorphose d'un homme, intégrale ou non, consciente ou pas, provoque toujours un sentiment de fascination et d'horreur... Qui sera le garou : un être nouveau, un personnage funeste ou miraculeux?

Huit auteurs [de Pétrone à Brad Strickland] nous présentent leur vision du mythe de l'homme-loup et nous font découvrir ses différentes facettes. Et si Claude Seignolle et Suzy McKee Charnas s'attachent à raconter les confessions de la créature, Robert E. Howard nous plonge dans un univers où transformation rime avec abomination.

Mais une question centrale demeure : du bipède ou de l'animal, qui s'avérera le plus enclin à se laisser emporter par ses instincts primitifs? Car, au final, n'est-il pas plus difficile d'être un homme qu'un loup, comme le suggère Bruce Elliott?

Barbara Sadoul a publié en 1999 une autre anthologie sur le même motif : Le bal des loups-garous, aux éditions Denoël.

Roland Ernould © 2000

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