Richard Matheson, La maison enragée

et autres nouvelles fantastiques, Librio, avril 2000.

La quatrième de couverture :

À portée de main, au coin de la rue, dans la pièce d'à côté, un monde étrange, effrayant et absolument incontrôlable, côtoie le nôtre. Tout semble normal. Terriblement quotidien. Mais c'est faux! Le quotidien remue, frémit, craque. Et quand il explose... Les maisons ne sont pas hantées, elles ont une vie propre. Nos rêves ne nous appartiennent pas. Pas plus que nos pensées. Les objets les plus familiers, comme nos vêtements, guettent, dans une innocence qui n'est qu'apparente, notre première faiblesse. Toute réalité dissimule, trompe, attend son heure. Monstrueuse supercherie!

Nulle fuite. Nul espoir sinon celui de survivre à l'horreur la plus absolue

Ce recueil de nouvelles est d'autant plus précieux que Matheson ne fut strictement romancier que pendant les années cinquante, quand il écrivit ses chefs-d'oeuvre, Journal d'un monstre, et les deux grands classiques que furent L'homme qui rétrécit et Je suis une légende. À quoi il faut ajouter quelques dizaines de nouvelles dont ce recueil nous présente un échantillon. Par la suite, Matheson s'est orienté vers le cinéma (scénario du Duel de Spielberg) et la télévision (La quatrième dimension). Ses créations littéraires, devenues fonctionnelles, ont présenté un intérêt moindre.

Les véritables registres de Matheson sont la terreur et l'angoisse. Il aime les imaginations qui se nourrissent de fantasmes. Il suscite le malaise et sait faire naître l'inquiétude, introduisant dans le fantastique "un frisson nouveau", comme l'a signalé Alain Doremieux. Il sait habilement mêler plusieurs genres, insolite, fantastique, science-fiction et introduire l'élément perturbateur dans une situation réaliste.Auteur original, il a réalisé la transition entre Lovecraft et les auteurs de la génération suivante, comme King, Koontz ou Straub.

Ce recueil comprend six nouvelles, écrites pendant sa période faste. La plupart sont teintées de science-fiction. Deux d'entre elles font le procès des mondes de demain. Quand le veilleur s'endort est une préfiguration de nos jeux de rôle. Dans un futur proche, les machines font tout le travail et les humains s'avachissent psychiquement. Pour leur faire entretenir les machines et maintenir un minimum de combativité, il est nécessaire de leur injecter une drogue qui leur donne des rêves de puissance, et le désir de procréer, qui a disparu. Nouvelle effrayante d'aliénation, dans un monde d'illusions, où le confort dû aux machines est payé par le prix de la liberté.

Sur la même trame d'une société de demain, organisée, confortable, où tout va si bien qu'il n'y a plus de problèmes, où les hommes sont élevés dans le respect des principes scientifiques, La chose veut montrer que ce n'est pas le conformisme béat d'une société parfaite qui satisfait l'esprit humain. Car dans ce monde infaillible, des traces de la liberté humaine subsistent, et le rituel des jeunes générations est d'aller voir, en famille clandestinement, la machine subversive qui ne fonctionne pas dans le respect des lois établies par la science officielle et la politique.

Deux autres nouvelles ont un lien avec la science-fiction , mais le fantastique y tient la place prépondérante. Dans Mamour, les chefs de poste de planètes colonisées peinent à tenir six mois avec la présence de l'amour visqueux et déstabilisant d'une créature femelle horrible, aux procédés insidieux.

Dans Avis à la population, un auteur écrit péniblement de la science-fiction et se révèle être, dans des bribes de textes inachevés, un voyant à la Nostradamus.

Le thème de la maison dérangeante est illustrée deux fois, dans un registre tout à fait différent. Une résidence de haut vol, avec confort assuré, mais, plus surprenant, loyer modique, cache un danger qui ne se perçoit que lentement, avec un piège qui se referme sans issue. Dans La maison enragée, la nouvelle qui donne le titre de ce recueil, un écrivain raté, aux ambitions perdues, empoisonne l'atmosphère familiale de sa mauvaise humeur et de ses colères, jusqu'à ce que la maison se venge à sa façon.

La plus insidieuse de ces nouvelles est la singulière L'habit fait l'homme. Un maniaque semble ne penser qu'avec son chapeau et ne vivre que pour son costume, jusqu'au moment où celui-ci se met à mener une vie indépendante, va faire son travail au bureau et sort sa femme. La fin de cette nouvelle est la plus énigmatique de toutes, mais il faut remarquer que dans toutes ces nouvelles, la chute est amenée avec un art consommé.

Dans ces nouvelles, Matheson est surtout intéressé par la situation d'une personnalité qui perd sa liberté et ses possibilités d'action dans un univers contrôlé de plus en plus par les machines, ou par des forces mystérieuses. Le personnage principal est souvent un isolé, qui court un grave danger et ne voit pas trop comment l'éviter. Ce qui permet à Matheson de faire un travail d'analyse des transformations d'un caractère particulier face à l'inexorable évolution d'un monde qui se dérobe. Il faut noter que Richard Matheson joue sur les registres de l'appréhension et de l'angoisse psychologiques, mais qu'il n'utilise pas le sanguinolent ou le grand spectacle, dont se délecteront des successeurs comme Stephen King ou Graham Masterton.

Richard Matheson est très fier d'avoir fait des enfants qui sont des créateurs. Il a parfois travaillé avec son fils Richard Christian, auteur et scénariste, et on peut lire dans le numéro de mai 2000 de Ténèbres un long et passionnant entretien croisé entre le père et le fils. Ne vous privez donc pas de ce recueil, qui vous donnera des moments de lecture prenante pour un prix dérisoire.
00.

Richard Matheson (1926-) s'imposa avec sa première nouvelle, Journal d'un monstre (1950). Il a produit une remarquable série de nouvelles aux frontières de la terreur, du fantastique et de la science -fiction, avec deux romans considérés comme des classiques : Je suis une légende (1954) et L'homme qui rétrécit (1956) On peut encore citer le roman policier Les seins de glace (1953) et La maison des damnés (1971). King cite très souvent Matheson dans Anatomie de l'horreur, qui, constitue le lien entre les anciens comme Bloch et les auteurs de la génération de King, comme Koontz ou Masterton. À partir des années 70, il se consacra au cinéma et à la télévision (il collabora notamment à La Quatrième Dimension).

 Roland Ernould © 2000

voir la note de lecture :Richard Matheson ... Je suis une légende.

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.. du site Différentes Saisons, revue trimestrielle

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