Jean-François Coatmeur, Ballet noir

Albin Michel 1999. 

 

Voici le livre à la composition rêvée pour les vacances, ou un week-end, ou un après-midi, à la plage. Dix-sept courts récits, de deux à une vingtaine de pages, de quoi lire quelques instants et se laisser aller à méditer un quart d'heure sur ce qu'on a lu. À condition d'aimer le contraste, de consentir à trouver dans la lecture de quoi ne pas oublier le monde dur qui continue à vivre autour de nous. Car chacune de ces histoires touche des vies humaines qui parviennent à un moment crucial, à un tournant, à un temps de déchirure ou de prise de conscience, et nous fait penser. Penser à la cruauté des choses, à l'infortune d'être mal aimé, à l'exclusion, à la sujétion. Cet ensemble de nouvelles nous offre autant de tranches de vie à l'instant de leur basculement, de leur passage dans une réalité nouvelle, qui sera juste évoquée, ou, mieux, suggérée. Le lecteur se trouve ensuite avec des solutions de rechange, parmi lesquelles il ne peut pas choisir la bonne, l'issue réelle. Qui, par exemple, a écrit cette lettre meurtrière sur le papier d'un médecin, avec sa signature, condamnant un malade, alors qu'il venait de déclarer à ce patient qu'il n'avait rien? alors qu'il était irrémédiablement atteint? L'épouse, le mari lui-même pour frapper l'épouse, le médecin rival malgré ses dénégations? Le fait de ne pas savoir, de ne jamais savoir, rend la fin de cette nouvelle, comme bien d'autres, touchante, désolée, prenante et tout à fait irritante. Certaines de ces nouvelles ont la matière d'un roman.

Coatmeur est un vieux routier, qui pratique l'intrigue policière avec la coloration de la tragédie balzacienne. Ses personnages ne nous sont jamais indifférents, ils nous sont proches, nous touchent : des
enfants victimes, infirmes et vengeurs, des couples qui se haïssent en silence, des personnages dépossédés de leurs biens et oubliés en maisons de retraite, la vie ordinaire. Il a l'art de rendre anodins les plus noirs desseins des hommes, de nous rendre émouvants les aléas de leurs machinations si bien combinées. L'assassinat y côtoie la tendresse. Les visages du crime se dévoilent, la mort est représentée sous ses aspects les plus terrifiants. On passe subitement du crime innocent d'un enfant à la terrible machination d'un assassin, mais il y a souvent, dans le fait de donner la mort, l'impuissance d'aimer ou l'espérance d'un amour meilleur.

Dans ces nouvelles, on retrouve la «patte» de Coatmeur, l'atmosphère lourde, trouble et en même temps feutrée et inquiétante de ses romans, le suspense qui les tient de bout en bout. Si on rencontre à chaque instant l'angoisse, le chagrin, la fin tragique, on ne trouve pourtant rien de sinistre, de sordide ou de décourageant dans ces nouvelles, au ton toujours juste qui, si elles ne peignent pas le bon côté de la nature humaine, sont toujours empreintes de l'humanité généreuse de cet auteur pudique, intimiste et prenant.

La quatrième de couverture :
Ballet noir, c'est l'histoire d'Evelyne, la petite fiancée qui n'aura jamais quinze ans, de Grégori, le tueur à gages touché par la Grâce, de ces deux adolescents rebelles qui avaient rendez-vous avec la mort, du Maître du Feu et de sa rencontre avec l'enfant-vieux, de Chapoutte, le prof chahuté qui faillit croire au Père Noël, celle encore...
Ballet noir, dix-sept variations sur le temps comme il va, un temps peuplé de gosses mal aimés, de destins saccagés, d'exclus. De victimes. On s'y ment, on s'y déchire, on y souffre, et l'Ange trop souvent y côtoie la Bête. Tableau cruel, où l'humour trace son sillon noir ou gris, tout imprégné pourtant de tendresse, aussi terrible que puisse en être parfois l'expression, et il arrive que la machination la plus perverse, miraculeusement, aboutisse à l'amour...
De l'énigme au suspense, du portrait au couteau à la scène d'action ou à la peinture d'atmosphère, dix-sept figures contrastées, cocasses ou douloureuses, de la tragi-comédie humaine, par Jean-François Coatmeur, Grand Prix de la Littérature policière.

Breton, né en 1925, Coatmeur s'est destiné très tôt à l'écriture. Il est quelque temps enseignant, tâte de la radio pour l'émission Les Maîtres du mystère, connaît Thomas Narcejac, et se spécialise peu à peu dans le roman policier. Il n'est pas publié dans la collection Le Masque (jugé trop littéraire!), mais chez Denoël. Carrière uniquement vouée au roman policier, mais de bonne tenue, avec une certaine recherche d'écriture. Il aborde volontiers des thèmes d'actualité et se trouve toujours intéressé par les problèmes majeurs du destin de l'homme, de la vie et de la mort. Il a écrit plus d'une trentaine de livres, dont les plus remarqués ont été : Les Sirènes de minuit (Grand Prix de Littérature policière en 1976); La bavure (Prix Mystère de la critique, 1981), La danse des masques (Prix du suspense 1990)

Roland Ernould © 2001

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