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LE MONDE DE HARRY
POTTER
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À PROPOS DE HARRY POTTER
LES PROBLÈMES DES
TRADUCTEURS
à propos de Stephen King
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Mon livre :
Du
Rond des sorciers à Harry
Potter
MAGIE ET FANTASTIQUE :
QUATRE APPROCHES DE LA
MAGIE
(Claude Seignolle, Peter Straub,
Stephen King, J. K. Rowling)
a
été publié aux éditions
L'Harmattan.
mes
articles et livres
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Il faut noter qu'une relecture adulte
attentive de la série des Harry Potter fait prendre conscience
de leur profondeur, et surtout d'une solide compréhension des
problèmes de notre époque, habilement transposés
dans le monde des sorciers. C'est le traducteur de Rowling,
Jean-François Ménard,
lui-même romancier pour la jeunesse et spécialiste en
sorcellerie, qui en fournit la meilleure perspective :
"Ce sont des livres qui
au-delà de leur caractère divertissant
révèlent une profonde angoisse. Harry est
perpétuellement en proie à la peur : école,
environnement instable, beaux-parents hostiles, incertitudes des
origines... Il est une métaphore, magistrale et universelle,
de la situation des enfants d'aujourd'hui. Ajoutez à cela une
grande finesse psychologique, une grande variété
d'émotions, allant de la joie à la panique, et vous
obtenez quelque-chose de très intense." 19
EXTRAITS
D'UNE INTERVIEW QUE J'AI DONNÉE EN
2000
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J'ai pu remarquer que
vous travaillez principalement sur les traductions françaises
des ouvrages de King. N'avez-vous pas peur de trahir un peu King ?
Par exemple, dans " Stephen King et le sexe ", vous citez aux pages 256 & 257 :
" (...) Il va de soi que l'homosexualité ne se résume
pas à l'anal mais le King inexpérimenté de ces
années semble l'y réduire. Non seulement il y a
quantité d'interjections familières s'y rapportant ("
Vas-y, Charlie, encule-les tous ! " ; " Va te faire enculer ! ", "
j'en ai plein le cul ! " (...) ". Ces expressions ne se retrouvent
pas dans le texte américain et certains termes, comme " fuck "
en anglais, ne se limitent pas à une seule traduction, comme
le verbe " enculer " dans le cas présent, mais veut dire tout
un tas de choses. Ainsi, certaines parties de votre étude sont
tout à fait cohérentes mais uniquement en ce qui
concerne la traduction. Dans le cas présent, nous perdons
ainsi toute connotation anale dans le texte original. Ne pensez-vous
pas que le fait de travailler uniquement sur un texte traduit est
réducteur ?
R :
À vrai dire, j'ai souvent
l'impression de courir le risque de trahir mon auteur! Si le travail
que je fais avait un caractère universitaire, il ne me serait
pas possible de procéder ainsi. Peu de lecteurs
français de King ont pas à leur disposition les livres
de King en édition originale, et si je veux citer le texte
anglais dans des notes, ils seraient rebutés par leur
quantité fastidieuse. J'augmenterais les dimensions du livre
(plus le livre est long, plus il coûte cher, plus il se vend
mal). Moi-même, qui ne suis pas angliciste, je possède
suffisamment d'anglais pour traduire, mais sans subtilité.
J'ai surtout une mauvaise connaissance de la langue parlée et
de l'argot, dont les Ïuvres de King sont truffées. Je ne
serais donc pas plus avancé. J'avais commencé un tel
travail de report à l'original, mais cela me prend un temps
énorme. Cela revient en gros à retraduire TOUT King! Ce
travail de report au texte n'est concevable que pour qui
étudie universitairement une ou deux Ïuvres, pas l'ensemble,
gigantesque, de la production de King. J'en suis à ma
cinquième relecture des Ïuvres de King, pour mon prochain
livre, et cela me prend à chaque fois six mois. Alors,
traduire...
Et, autre problème : comment
faire avec mes lecteurs français qui ne peuvent se rapporter
qu'aux traductions? Pourquoi auraient-ils davantage confiance dans la
mienne? Ils peuvent aussi penser que ma traduction va dans le sens de
ma thèse. C'est un problème insoluble pour qui fait des
synthèses. Après avoir traduit La Bible à partir
de la vulgate latine, on a traduit à partir du grec, puis
maintenant de l'hébreu, et les commentateurs s'épuisent
à des querelles sans fins sur des problèmes de
traduction d'un vieil hébreu au sens incertain. S'il en est
ainsi pour le livre sacré des judéo-chrétiens,
sur lequel les exégètes travaillent depuis des
siècles, alors que des hommes se sont persécutés
durablement sur le sujet, il faut bien admettre que chaque peuple est
enfermé dans sa langue. La tour de Babel... Faut-il rester
ainsi prisonnier?
Bien sûr que le travail sur des
traductions est terriblement réducteur. J'en ai bien
conscience, et des universitaires qui ont lu mon livre me l'ont aussi
reproché. Du moins cet essai, s'il n'a qu'une valeur
approximative sur le plan méthodologique, pourra inspirer de
jeunes chercheurs, qui pourront partir d'hypothèses de travail
et ne pas reprendre tout à zéro.
Pour continuer dans
le domaine de la traduction, William Olivier Desmond, traducteur de
nombreux ouvrages de King, m'a un jour dit que le texte de King
n'était pas si littéraire que cela et que son
rôle de traducteur était de réadapter les
ouvrages de King pour le public français qui, selon lui, a
besoin d'un contenu culturel et littéraire plus consistant que
le public américain. Son rôle de traducteur est de "
rehausser " la qualité du texte américain. En regardant
de plus près ses traductions, nous avons pu dénombrer
de nombreuses erreurs, faux sens, troncatures etc. Qu'en pensez-vous
?
J'ai lu des articles de Jean-Daniel
Brèque sur le sujet et je n'ignore rien des difficultés
de toute traduction. L'aphorisme italien : traduttore traditore,
traducteur = traître, est malheureusement trop vrai. Comment
rendre un texte original sans le trahir? Toute traduction est
fatalement infidèle. Brèque, qui a traduit un certain
nombre d'ouvrages de King, reconnaît devoir beaucoup
fonctionner au sentiment, voire même traduire "au pif" certains
passages. Un traducteur n'a pas toujours beaucoup de temps pour
traduire : c'est un travail ingrat, et mal payé. William
Olivier Desmond est, par exemple, un traducteur plus
«littéraire» que Brèque, qui cherche
davantage la formule percutante. Alors, moi-même je
m'interrogerais avec plus d'angoisse sur la rigueur de mes
hypothèses, si je n'avais pas cherché à les
confirmer par la confrontation avec l'ensemble de l'oeuvre. Je crois
que la trahison serait certaine si je ne m'appuyais que sur un seul
roman pour fonder un échafaudage fragile. Je crois
sincèrement que dans le détail des
éléments sont à revoir, mais
l'interprétation d'ensemble «colle» à la
pensée de King. Je pense que ce travail donnera des pistes de
réflexion à ceux qui ultérieurement auront
à reprendre le sujet. Je ne prétend pas que mon
interprétation soit définitive.
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Stephen King et littératures de l'imaginaire :
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