LE SURNATUREL

DANS LES PREMIÈRES NOUVELLES

de Stephen King 2

Vous êtes toujours en train de vous chercher."1

 

1972. Petits soldats. 32

Cette nouvelle, qui ressemble à du Philippe K. Dick33 des années cinquante n'est pas la première à prendre comme sujet les horreurs technologiques. Dans les nouvelles d'adolescence de King, le thème était traité en tant que science-fiction, comme dans Une sale grippe (première nouvelle publiée qui annonce une fin de monde, qui prendra de l'extension avec Le Fléau). Poids lourds, La Presseuse et La Pastorale sont révélatrices d'une des obsessions de l'auteur, qu'il développera plus longuement dans Christine. Par leur "pacte faustien avec la Machine"34, nos contemporains ont menacé leur corps, leur âme et leur avenir. Les terreurs «mécaniques» ont traversé l'imagination de science-fiction des années d'après-guerre. La machine devient alors le symbole menaçant de la modernité, et un être porteur de mort. De la bombe atomique aux ordinateurs et robots révoltés, est crainte la mainmise de la machine sur la nature et notre vie. Les sujets sont nombreux qui fondent cette angoisse : des Robots d'Asimov35 avec leurs règles de conduite, à l'ordinateur de 2001, l'Odyssée de l'espace, qui échappe au contrôle humain, l'évolution est au pessimisme.
.. du site ..

couvertures des premières éditions américaines.

 

Dans un premier temps, la S.-F. aimait tout autant qu'elle redoutait les machines dont elle craignait toujours la révolte. Puis l'inquiétude est venue, avec le nucléaire et Hiroshima. Comme le dit Jacques Goimard : "Tout est possible aux machins devenus les machines, aux chimères devenues réalités. Nous pouvons nous en émerveiller comme le firent les surréalistes, comme le font encore les amateurs de micro-informatique ou les spectateurs de La Guerre des étoiles. Nous pouvons aussi nous en inquiéter, nous dire que non seulement l'objet de notre désir reste inaccessible mais que l'instrument même de notre désir nous échappe et obéit à une autre loi que la nôtre. La machine n'est plus notre machin. La modernité est porteuse de mort."36 Nos contemporains s'inquiètent ainsi des ravages que les machines et les techniciens qui les utilisent peuvent causer aux autres humains, ainsi qu'à la terre et l'environnement et s'effarentdevant les multiples découvertes scientifiques. Stephen King a repris ce thème éculé, avec un bonheur inégal. Il est tantôt médiocre, comme dans cette nouvelle. Mais ordinairement il fait preuve d'efficacité, sans cependant vraiment renouveler le thème. Son originalité est que, loin de seulement créer une inquiétude philosophico-éthique, comme c'était le plus souvent le cas des auteurs de la génération précédente, il en appelle à un sentiment de peur plus intense et plus paralysant.

La nouvelle Les petits soldats s'inspire de cet état d'esprit, qui se trouve mixé à deux autres particularités. D'une part, la présence toute proche de la guerre du Vietnam, sujet encore brûlant chez un King resté proche d'une de ses préoccupations étudiantes primordiales. D'autre part, le thème du jouet acquérant une autonomie dans l'exécution d'une tâche donnée par un humain. On trouvera ultérieurement dans Le singe le gadget qui se retourne contre les humains, sans que l'on sache qui l'inspire.

Dans Les petits soldats, la situation, imposée de façon thétique, est singulière : on ne saura jamais comment peuvent bien fonctionner ces jouets guerriers. Ce qui surprend chez eux, c'est qu'ils allient une efficacité toute mécanique à la connaissance précise des comportements prévisibles de leur adversaire. D'autant plus que l'ennemi est de taille, c'est un tueur professionnel, ses clients le recherchent avant tout pour "son infaillible instinct de prédateur. John Renshaw était un rapace humain que ses gènes et son environnement avaient conditionné à être inégalable en deux circonstances : quand il fallait tuer et quand il fallait survivre."(166) Il vient de remplir un «contrat», qui l'a amené à éliminer le fondateur et propriétaire d'une fabrique de jouets, la Morris Toy Company. Il reçoit un colis, et reconnaît à l'écriture - penchée et pointue - de l'adresse qu'il a été envoyé par la mère de sa victime, une "vieille taupe avec la figure encore plus jaune que Morris". En effet, sur le bureau de ce dernier se trouvait une photo, avec cette dédicace : "De la part de ton idéal féminin. Ta maman."(167) Dans le colis, une G.I.JOE - BOITE VIETNAM, contenant une vingtaine de fantassins, 10 hélicoptères, des hommes avec mitrailleuse et bazooka, des Jeeps. Les hommes s'échappent de la boîte ouverte et se mettent en position, de combat. Renshaw réagit aussitôt : "Son esprit ne perdit pas de temps à mettre en doute ce qu'il voyait - seule l'évaluation de ses chances l'intéressait"(168) Les soldats - hauts de quatre centimètres - et les engins lui infligent de légères, mais douloureuses blessures. Ils manoeuvrent comme une troupe aguerrie et mettent rapidement Renshaw en position d'infériorité. Il n'est pas utile d'entrer dans les détails de ce combat dont Renshaw sortira vaincu, désintégré par une explosion qui ne laisse que sa chemise...

De ces soldats mécaniques, on ne saura rien : simplement que l'esprit de la mère de l'industriel les anime. Pour son malheur, Renshaw n'a pas trouvé un papier d'accompagnement : "Hé! les gars! Un super-bonus dans cette Boîte Vietnam. 1 lance-roquettes. 20 missiles sol-air à tête chercheuse. 1 mini-bombe atomique."(175)

Cette nouvelle a moins de valeur littéraire que
La Presseuse qui va suivre. Les soldats fonctionnent bien sûr dans le monde froid, mécanique et impitoyable de la technique. Mais qui l'a ici emporté, le génial fabricant de robots militaires efficaces, ou les jouets-robots, simulacres techniques du vivant, sortes de délégués de la mère vengeresse de leur créateur, et qui se révèlent meilleurs tueurs qu'un assassin professionnel?

 

1972. La presseuse 37.

Bien plus complexe et puissante que la nouvelle précédente, La Presseuse bénéficie de deux éléments et joue sur plusieurs registres. Elle est directement issue de l'expérience de King vivant de petits boulots, et témoigne de sa peur devant certaines machines qu'il a vu fonctionner. Ensuite elle traite de l'objet hanté de façon complexe, en mélangeant subtilement surnaturel et occulte. Il y avait une très brève allusion à des pratiques occultes dans Une sale grippe. Mais La Presseuse est le premier texte où l'occulte prend une place importante, où le surnaturel et l'occulte se trouvent associés. Suivant le plan qui a été choisi pour cet essai, la partie «occulte» ne sera ici évoquée que dans la mesure où elle permet au surnaturel de prendre son sens. Les rapports entre la presseuse et l'occulte seront examinés plus loin.

En 1970, King est diplômé de l'université du Maine, mais ne trouve pas d'emploi dans l'enseignement. Il travaille donc dans une laverie industrielle. Cette expérience est présente dans de nombreuses oeuvres de King, avec une allusion précise : "Je suppose qu'un prof de fac comme toi ne connaît rien aux blanchisseries industrielles? Jackson étouffa un rire : - Eh bien, figure-toi que si. J'y ai travaillé tout un été comme manutentionnaire."(114) Dans La presseuse, une plieuse repasseuse électrique39 possédée par le démon s'arrache du sol pour rechercher ses adversaires. Le théâtre de l'action est le «Blue ribbon» qu'on retrouve également dans Carrie et Chantier, les personnages principaux y travaillent. Dans une interview donnée à Martin Coenen, King fait d'abord état de sa peur des engins techniques : "J'aime les machines mais elles me terrorisent. Quand j'ai publié mes premières nouvelles, j'étais professeur et je travaillais en même temps dans une blanchisserie. Il y avait une presseuse dans cette blanchisserie. Elle repassait et pliait rapidement. Vous y mettiez un drap froissé et il ressortait plié et net. Ma mère a également travaillé dans une blanchisserie sur une machine de cette sorte."

Puis il signale l'accident dont il s'est inspiré pour un épisode du récit. Dans la blanchisserie où travaillait King, un ouvrier avait perdu ses mains remplacées par des crochets. Pendant la seconde guerre mondiale, il n'y avait plus beaucoup de spécialistes pour s'occuper des réparations. En réparant un câble électrique, l'ouvrier a glissé d'une poutre au-dessus de la machine, pendant qu'elle fonctionnait et il est tombé dans la presseuse : "La machine lui a pris ses bras jusqu'aux coudes. Elle les a simplement attrapés et écrasés et la chair s'est gonflée pour finalement éclater et éclabousser partout. Ils lui ont coupé les bras avec une hache de pompier. L'histoire était si horrible que je savais qu'il fallait que je l'écrive immédiatement. Les machines me font peur."(Coenen, 80) On trouvera en note la description partielle que cette scène lui a inspirée.

Avec cette nouvelle, King utilise deux thèmes appliqués au même objet. D'abord celui de l'animation de la matière, la métamorphose étant habituellement appliquée aux animaux avec l'utilisation de symboles thériomorphes40 : une machine acquiert son autonomie et un comportement humain. Ensuite celui de l'objet maudit, dont une conjonction de circonstances a éveillé un esprit sanguinaire, un démon, que seules des pratiques rituelles magiques appropriés pourront maîtriser.

La machine se transforme : "La presseuse continuait de tourner, toujours plus vite, tapis, cylindres et rouages défilant si furieusement que leurs formes se fondaient, réapparaissaient, se métamorphosaient, fusionnaient, se transmuaient."(133) Avec l'image d'animalité "d'une masse qui le contemplait de ses deux énormes yeux électriques, ouvrant grande sa gueule où palpitait une langue de toile."(134) Il lui faut sa ration de sang, comme un carnassier : "La presseuse engloutit ce qu'on lui avait abandonné en pâture... puis s'arrêta."(125) L'animation de la matière est un défi et l'anthropomorphisme de la machine apparaît sans cesse : "On aurait presque dit... qu'elle nous narguait."(117); "C'était à croire que la repasseuse respirait."(120); "Exactement comme si la machine avait pris le goût du sang."(121); "Hunton se dit que la machine semblait bel et bien vivante - une machine respirant à grandes goulées brûlantes puis émettant pour elle-même des chuchotements sardoniques et sifflants."(133) "La machine les attendait."(131)"La machine leur avait fait abattre leurs cartes pour leur montrer qu'elle était la plus forte."(132) Jusqu'au moment où elle cesse de fonctionner comme une machine fixée pour prendre son autonomie et sa mobilité : "La machine essayait d'échapper à sa prison de béton, tel un dinosaure tentant de s'extirper de sa fosse de goudron. (...) Elle se transformait, mutait. Le câble de 550 volts tomba en crachant son feu bleu entre les cylindres : il fut avalé. L'espace d'un instant, ils se crurent observés par deux boules de feu, semblables à deux yeux à l'éclat blafard, deux yeux voraces et sans pitié."(133)

Alors que la machine est en bon état surviennent successivement un accident mortel, une femme déchiquetée par la presseuse; des brûlés; un bras arraché Comme dans les récits précédents, lors de la tentative d'explication des faits incompréhensibles se produit un moment d'hésitation entre le réel et le surréel. Trois témoignages sont proposés au lecteur : ceux d'un inspecteur de police, d'une ouvrière bavarde et d'une jeune fille. Les responsables qui se sont chargés de résoudre l'affaire acceptent facilement le surnaturel, pensent maîtriser la situation et basculent dans un monde fantastique. Car pour l'inspecteur du travail qui passe son temps à examiner des machines un seul diagnostic est possible : la presseuse est hantée.

La machine est devenue un mixte : habitée par un démon sanguinaire qui lui donne des caractères humains, elle continue de fonctionner comme une machine : "Des lambeaux de sa blouse blanche et de ses pantalons bleus, et même des lanières de ses sous-vêtements avaient été arrachés puis éjectés à l'autre bout de l'engin, neuf mètres plus loin; sinistre détail, la machine automatique avait restitué les plus grands fragments d'étoffe maculée de sang, pliés avec soin."(115) Pour les ouvrières, la cause est entendue : "Les filles ont horreur de travailler dessus. Éssie dit même qu'il y reste encore des petits bouts d'Adelle Frawley et que c'est un sacrilège ou un mot dans ce genre. On dirait qu'il y a une malédiction."(120) "C'est un endroit maudit."(125)

Leur méthode de recherche des informations à la bibliothèque par les protagonistes annonce celle de leurs homologues de Salem.41 Évidemment, il ne peut sortir de ces recherches aucune interprétation rationnelle à caractère scientifique. Mais une logique dans l'irrationnalité du comportement de l'objet se dégage si on se place dans la perspective de l'objet maudit, de la possession, et de l'exorcisme qui sont du domaine de l'occulte. Cette nouvelle sera la première d'une série qui touche à cette sphère où, selon l'assertion de Jacques Goimard42 : "les machines cessent d'être bizarres et de fonctionner à des fins seulement ludiques; elles nous parlent de limites et de notre mort, elles font figure de dieux tragiques, elles ne sont plus amusantes."D'où l'importance du sang et de ses corollaires, avec des notations presque à chaque page : "Comme si la machine avait pris le goût du sang."(121) "débris humains"; "loque sanglante"; "filets de sang"; "lambeaux de chair"; "sang bleu giclant par saccades."(125); "On se serait cru au milieu d'un abattoir."(124); "Une odeur d'ozone flotta dans l'air, semblable au parfum cuivré du sang chaud."(133) Jusqu'à la dernière image fantastique de la machine dans la rue à la recherche des deux protagonistes survivants : "Grincements, sifflements..., quelque chose répandait dans les rues une vapeur brûlante. L'odeur de sang envahit la pièce."(135)

 

1972. Le croque-mitaine 43.

Le croquemitaine est ce personnage imaginaire que les parents évoquent pour effrayer les enfants et s'en faire obéir. Pour King, le croquemitaine va devenir un concept de plus en plus général, complexe en extension, englobant tout ce qui fait peur. Le mot apparaît pour la première fois dans cette nouvelle énigmatique, avec plusieurs significations : l'être fantastique et méchant, qui vit dans le placard, et dont on menace les enfants pour les effrayer. Il est le symbole de la mort, dans la mesure où King a relié le vécu du personnage à son expérience personnelle et à la mort curieuse de ses trois enfants. Et enfin parce que le croquemitaine serait aussi la peur que nous avons de nous-mêmes et des pulsions négatives que nous ne maîtrisons pas.

Dans plusieurs interviews, King a évoqué sa situation de jeune père, chargé d'enfants44. A cette époque, son attitude n'est pas sans ambiguïté45 : "La première fois que j'ai réalisé que les parents ne sont pas toujours bons, ce fut quand le gosse ne voulait pas arrêter de crier pendant la nuit. Je devais me lever pour lui donner un biberon, et quelque part au fond de mon esprit, dans quelque égout là-derrière, un repaire d'alligators... Fais le cesser de crier. Tu sais comment faire - utilise l'oreiller."46 Simultanément, ce qui lui fait peur, son "pire cauchemar", c'est d'aller voir ses enfants en pleine nuit et d'en trouver un, mort dans son lit. King a spécialement évoqué la situation du père du Croquemitaine : "Dans "The Boogeyman", il y a trois cas de bébés morts au berceau. La mort au berceau était pour moi, jeune père avec des enfants encore au berceau, le croque-mitaine. J'allais les voir la nuit et s'ils dormaient très profondément, je mettais la main sur leur poitrine et la laissais jusqu'à ce que je la sente se lever et s'abaisser, parce que j'étais horrifié par cette idée. D'une certaine façon, je décidais que c'était vraiment ce que faisait le croque-mitaine. Le croque-mitaine sortait du placard, et tous les enfants qui mouraient dans leur sommeil étaient ses victimes."47

Les trois enfants de Lester Billings sont inexplicablement morts les uns après les autres et il s'accuse de les avoir assassinés au psychiatre qu'il est venu consulter. Billings a eu, à l'égard de ses enfants, l'attitude équivoque que King a signalée. Il les admet, apprécie l'un d'entre eux, mais manifeste à leur égard les mêmes impatiences et les exigences éducatives que sa mère a manifestées à son égard. Billings a des principes : "En leur passant tout, on les pourrit."Sa femme Rita est plus indulgente. D'où fessées pour les enfants, querelles avec Rita, coups. Sa propre mère est hostile à son épouse et ne veut pas garder les enfants : "Denny était né trop tôt après notre mariage, vous comprenez? Elle disait que Rita était une allumeuse, une vulgaire fille de petite vertu."(144) Le problème est que les jeunes enfants pleurent, surtout quand ils sont seuls, la nuit, dans leur chambre : "J'étais tout le temps crevé. Shirl se réveillait et se mettait à pleurer toutes les nuits, alors Rita allait la prendre en reniflant. Je vous jure, certaines fois, je les aurais bien balancées par la fenêtre toutes les deux, Bon sang, ces gosses finissent par vous rendre dingue. Il y a des moments où ils sont à tuer."(139)

Coincé, allongé raide "el un défunt"(136) sur le divan du Dr Harper, il mêle à chaque instant dans son récit le rappel du strict moralisme maternel et de son intransigeance comportementale, dans des propos dont la constante est liée au concept du monstre dans le placard. Son premier enfant a peur du noir et réclame sans cesse de la lumière, sans succès. Billings explique à sa femme que si un enfant ne réussit pas à surmonter sa peur du noir quand il est petit, il n'y arrivera à rien dans la vie. Une nuit l'enfant meurt, après avoir indiqué le placard en gémissant : "«Le croquemitaine! Le croquemitaine, papa!»."Sa femme, qui lui affirme qu'elle n'avait jamais appris ce mot à l'enfant, se fait traiter de "fieffée menteuse". (139) Billings affirme ne pas avoir connu vraiment à ce moment la signification du mot «croquemitaine»; il a simplement remarqué que "la porte du placard était ouverte. Pas beaucoup. Juste entrebâillée. Mais je savais bien que je l'avais laissée fermée, vous comprenez."(140) Son deuxième enfant, une fille, meurt dans les mêmes circonstances. Elle se met à geindre, à crier et à pleurnicher : "«Le croquemitaine, papa, le croquemitaine, le croquemitaine!»"(141) Elle décède à son tour, en avalant sa langue : "Elle était noire. Toute noire. (...) Et ses yeux... on aurait dit ceux d'un animal traqué, brillants et terrifiés, comme deux billes vivantes, et ils me criaient : «Il m'a attrapée, papa, tu l'as laissé m'attraper, tu m'as tuée, tu l'as aidé à me tuer...»"(143)

Les circonstances diffèrent pour la mort du troisième, car manifestement l'esprit de Billings a sombré dans la peur du croquemitaine. Il fait des rêves : "J'étais dans une chambre sombre et il y avait quelque chose que je ne pouvais... que je ne distinguais pas très bien, dans le placard. Ça a fait du bruit..., un bruit mou."Un personnage de bandes dessinées48, qui lui donne l'impression d'être penché sur lui : "Avec ses pattes ... ses longues pattes griffues."(144) Il est brisé par des obsessions : "Quelque chose s'est mis à changer dans la maison. J'ai pris l'habitude de laisser mes bottes dans l'entrée par crainte d'ouvrir la porte du placard. Je ne pouvais m'empêcher de penser : et s'il est là-dedans? Tapi à l'intérieur et prêt à bondir dès que j'ouvrirai la porte? J'avais l'impression d'entendre des bruits mous comme si quelque chose de noir, de vert et d'humide palpitait dans le placard."(146) La nuit, il entend des bruits glissants, des choses qui bougent furtivement, des grattements de griffes : "Vous fermez les yeux en vous disant que c'est mal d'entendre toutes ces choses mais que le risque serait plus grand encore si soudain vous le voyiez, là..."(148) Billings est-il responsable de la mort du troisième l'enfant? Il semble bien que oui. Sa responsabilité est d'abord psychologique. À nouveau, il a isolé le petit dans sa chambre, avec des intentions particulières : "Je savais qu'il s'attaquerait à lui. Parce qu'il était le plus faible. Et c'est ce qui s'est passé. Dès la première fois, il s'est mis à hurler au milieu de la nuit et, finalement, lorsque j'ai levé le loquet pour entrer, je l'ai trouvé debout sur son lit qui criait : «Le croque-mitaine, papa... croque-mitaine...»"(148) Mais il a pu aller au delà, commettre l'irréparable avec cet enfant qu'il préférait pourtant aux autres. Il raconte trop bien les circonstances du décès. S'il a pu tromper la police ("J'ai menti"), il sait que se femme a compris la vérité : "Rita savait. Rita... avait fini par comprendre..."(149)

Billings est toujours poursuivi par sa hantise, et regarde sans cesse la porte du placard qui se trouve dans le cabinet médical, ce qui peut donner un sens au récit : le monstre qui va sortir du placard, ne serait-ce pas lui-même, tel que le révèlera le psychiatre? Dans cette optique, le récit qui surprend par son dénouement s'éclaire. En effet, quand la séance d'analyse est terminée, Billings quitte le cabinet médical, pour y revenir inopinément. Le Dr Harper n'est plus là. Mais... "Mais la porte du placard était ouverte. À peine entrebâillée.
- Eh oui, fit la voix à l'intérieur du placard. Eh oui.
On eût dit que les mots étaient prononcés par une bouche remplie d'algues pourries.
(...) - Eh oui, fit le croque-mitaine en s'extirpant du placard.
Il tenait encore son masque de docteur Harper d'une patte griffue."
(150)

Des incertitudes planent sur le sens de cette nouvelle49, qui appartient au fantastique de la suggestion et de l'indétermination. Une interprétation psychologique est intéressante et on peut la rattacher à l'analyse plus générale de ce modèle suggestif du fantastique que propose Denis Mellier et qui offre "une représentation de l'inconscient, dans laquelle le règlement psychique du personnage est de nature schizophrène. (...) Le sujet se sent étranger à Iui-même; il a basculé dans un univers où il ne perçoit plus sa singularité que sur le mode de l'angoisse et d'une différence douloureuse et incompréhensible. L'expérience du double exprime, pour partie, cette scission intérieure. Elle extériorise, sous la forme d'une altérité réduite à l'identique, des conflits insupportables pour le personnage."50

Billings est marqué au fer rouge par l'éducation maternelle : tentations sexuelles en lutte avec les tabous maternels
51, blocage de l'affectivité, qui ne s'extériorise que par la contrainte. Il est le type même du patient qui parle d'une chose en voulant en signifier une autre, dans le cas présent qu'il a constamment été accablé par la tutelle maternelle, et que ses tendances ont été systématiquement réprimées. Ce sont ses pulsions qu'il réprime en les camouflant sous l'appellation commode de croquemitaine. Il a fini par craquer, pour les raisons que suggère King : "La psychiatrie nous enseigne qu'il n'y a aucune différence entre un paranoïaque schizophrénique et nous-mêmes, sauf que nous réussissons ordinairement à contrôler nos soupçons les plus fous, alors que l'aliéné mental donne libre cours aux siens."(PN, 97)

Le Croquemitaine représenterait ainsi symboliquement la menace des interdits, l'autorité arbitraire, la peur de la transgression, la mort possible qui s'ensuivrait. La menace du croquemitaine s'est transformée en peur du comportement gênant qu'on pourrait avoir, de la tentation insidieuse, de la défaillance, de la faute, de l'appréhension de la sanction, et rassemblerait en un seul terme toutes ces peurs, liées systématiquement par King au placard. Le psychiatre ne sera-t-il pas celui qui va juger, condamner? Mettre à jour toutes ces choses qui demeurent tapies en nous, comme la chose dans l'ombre qui échappe au regard?Un croquemitaine de l'esprit? Le croquemitaine, ou le placard, ou le monstre qui s'y trouve tapi, deviennent ainsi une réalité imaginaire, mais aussi présente que le réel : "
Je me suis dit aussi que, peut-être, si on pense très fort à quelque chose, que si on finit par y croire, eh bien, ça devient vrai. Peut-être que tous les monstres qui nous terrifient quand on est gosse, Frankenstein, les loups-garous et Dracula, peut-être qu'après tout ils existent vraiment."(146)

Cette brillante histoire, axée sur le motif du monstre dans le placard, est la première à illustrer un objet symbolique de touts les peurs, qui obsède King. On la retrouvera à plusieurs reprises, notamment dans Cujo.

 

1973. Poids lourds 52.

Cette nouvelle, suscitée comme La Presseuse par le surnaturel technologique, rappelle le scénario Le Duel de Richard Matheson, écrit pour le film réalisé par Steven Spielberg53. En fait, la réaction de King contre la machine dans La Presseuse n'était pas «pure». Ce n'est pas la machine en tant que telle qui réagissait contre l'homme, mais le démon sanguinaire invoqué par un hasardeux concours de circonstances qui la possédait et se «servait» de la machine pour tuer ses adversaires. Dans Poids Lourds, la technologie dépasse les hommes qui l'ont créée, les asservit et les oblige à régresser à des comportements primitifs.

Le sujet est présenté de manière thétique : les camions en révolte agissent sans leurs conducteurs54, et on ne sait pourquoi. Comme dans La Presseuse, l'imputation de comportements humains aux camions leur donne leurs caractéristiques anthropomorphiques, mais plus ambiguës, parfois animales, avec assimilation à la bête. Les radiateurs ressemblent à des dents (177), "la lune faisait luire les dents aiguisées de la machine."(185). Les camions poussent des "cris presque bestiaux."(182) Un véhicule de blanchisserie "grognait et jappait, tapi sur le gravier comme un chien à l'affût."(192) Un autre "sembla nous jeter un regard menaçant, poussa un beuglement"(189) Ils s'approchent des hommes, sont "tapi (s) dans l'obscurité", fondent "sur leurs proies; ses phares étaient deux yeux fous et l'énorme grille chromée une gueule menaçante."(183) Mais comme les humains aussi, ils manifestent "déception et colère"(184) Et ils savent communiquer en morse pour signifier leurs exigences.

Dépassés, en proie à une inquiétude sourde, puis à la terreur, les clients du restaurant cherchent d'abord des explications dérisoires à cette usurpation de l'ordre normal des choses par les camions : "À quoi ça peut bien être dû? demanda le routier. Des orages électriques dans l'atmosphère? Des essais nucléaires? Ou bien quoi?"(180) Ces camions fous heurtent la logique et les habitudes : "Ils ont été créés par l'homme! s'écria soudain la fille d'une voix pitoyable. Ils n'ont pas le droit!"(181) Un espoir cependant, les engins ne peuvent faire le plein de carburant : "On les aura à l'usure. Tout ce qu'on a à faire, c'est l'attendre."(186) Mais les engins ont leur stratégie et ont compris leur position dominante : ou ils détruisent tout, constructions et humains, ou ceux-ci remplissent leur réservoir et assurent leur maintenance.

La révolte des camions a visé d'abord les automobiles, sans doute trop proches des hommes, qui sont impitoyablement jetées au fossé ou broyées. Mais elle vise surtout les hommes eux-mêmes, pas particulièrement leurs conducteurs, ces hommes qui ont l'habitude de s'asservir les choses qu'il possèdent, tel le représentant de commerce décrit avec "
sa mallette pleine d'échantillons [qui] montait la garde à ses pieds, tel un chien fidèle."(176) Le camionneur considère son camion avec la même optique : "C'était une bonne fille, elle ne m'a jamais causé d'ennuis."(180) Mais les gentils objets soumis sont maintenant passés à l'offensive et veulent asservir ceux qui les dominaient. Les hommes doivent remplir leurs réservoirs, ce que les camions ne peuvent faire eux-mêmes : "Maintenant, je commençais à deviner. Des gens, actionnant des pompes dans tout le pays ou bien gisant, morts, comme le routier, portant, sur tout le corps, les stigmates laissés par les roues impitoyables."(192)

Le sort des hommes, leur mort, ne les intéressent pas : "Ce n'était pas leur problème. Eux, ce qui les intéressait, c'étaient les différents carburants, l'état de leurs joints de culasse, ou celui de leur batterie, mais certainement pas les coups de soleil, mes ampoules... ou mon terrible besoin de hurler. Une seule chose les intéressait de savoir au sujet de ceux qui les avaient si longtemps domestiqués : les hommes saignent."(192) Les hommes, qui les asservissaient, sont à leur tour transformés en asservis : "Vous voulez devenir leurs esclaves? avait dit le barman. C'est ce qui vous attend. Vous voulez passer le reste de votre vie à changer les filtres à huile chaque fois qu'un de ces machins vous klaxonnera?"(194)

"Petit à petit, ils pourront façonner le monde qu'ils désirent.", telle est la triste conclusion à laquelle parvient le narrateur. Avec la stricte obéissance des hommes aux machines, le châtiment ou le sacrifice seront les seules relations qui demeureront entre les hommes et les engins qui les asservissent. Les mots sont éloquents : "La lame était au-dessus de lui, telle une hache sacrificielle de quatre tonnes."; "En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, le fuyard était châtié."(191) L'issue la plus visible en sera la régression de ceux qui se croyaient les maîtres des choses. Le choix du restaurant représente d'ailleurs symboliquement la caverne primitive, d'autant plus que les lumières électriques se sont éteintes et qu'il faut s'éclairer aux bougies. L'avenir de l'homme est-il de retourner à une nouvelle préhistoire? De "réapprendre à dessiner au charbon de bois. Ceci est un arbre. Et voici un semi-remorque Mack écrasant un chasseur."? (194)

Cette nouvelle reprend sous une symbolique moderne le thème du châtiment venu frapper l'homme prométhéen, dont le pouvoir dépasse le savoir. Se trouve illustrée l'opinion philosophique que la machine asservit les hommes. Le thème de l'Ecclésiaste, proclamant que ceux qui accroissent leur science accroissent leurs malheurs, a changé de perspective : c'est leur liberté que les hommes risquent de perdre dans leur course à la puissance technologique. King illustre ainsi la symbolique du châtiment châtiant l'homme moderne, qui a, par les perturbations provoquées par la technologie, troublé l'ordre agreste millénaire.55

Maximum overdrive

(Maximum Overdrive).

Overdose maximum de Stephen King (hélas !). USA.

Scénario original de Stephen King (sic !). Année : 1986

d'après sa nouvelle Poids Lourds.

"J'préfère les auto-tamponneuses..." Une histoire grandguignolesque de camions qui roulent tout seuls et qui trouvent rien de mieux à faire que d'écraser les quidams qui traversent en dehors des clous (je détaille un peu l'histoire mais c'est ça en moins bien.)

Sans trop s'attarder, on dira qu'il s'agit donc la seule et unique tentative de mise en scène de la part de Steven. Le film est précédé d'une réputation innommable et croyez-le, peu d'ajectifs conviennent à cette succesion hallucinante de plans flous, mal cadrés, hors-champs, avec en permanence le micro du son en haut de l'écran : les acteurs cafouillent, le machiniste devait aussi surement s'appeler King et pas une seule idée effrayante ou juste amusante ne vient relever l'ensemble. Félicitons-nous que King soit un homme intelligent et qu'il sache reconnaître un mauvais film. D'ailleurs, c'est pas son métier : restons-en là.

Benoit Tavernier, site de Roland Ernould

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1973. Matière grise. 56

Le sujet de cette nouvelle a certainement été inspiré par le blob, sorte de gelée proliférante qui avale tout sur son passage dans le film qui porte ce nom57, et dont diverses variantes se retrouvent dans les comics. La gelée prend ici l'aspect différent d'une moisissure, mais garde les autres caractéristiques d'un blob. La découverte d'un homme qui se corrompt se produit ici dans un climat très classique : circonstances météorologiques particulières, mise en pratique de l'espace, avec l'utilisation de l'escalier et de la porte58 , pour donner le plus d'effet à l'apparition de la Chose. Avec, comme points de départ et d'arrivée, l'épicerie-buvette typique de la petite ville,qu'on rencontre souvent chez King, et ses vieux habitués, dont le narrateur.

La mise en scène des indices est minutieuse : l'homme qui deviendra un monstre est gros et gras, il boit en quantité de la bière bon marché de qualité inférieure et s'est mis à grossir d'une façon phénoménale depuis qu'il s'est retrouvé invalide du travail. Il ne sort plus depuis quelques mois, et son fils vient chercher ses canettes de bière quotidiennes. Un jour le garçon arrive en pleurant à l'épicerie, et raconte en privé au patron ce qui se passe chez lui. Le lecteur n'apprendra que peu à peu les faits qu'il a relatés. Fait insolite à leurs yeux cependant, l'épicier a été payé avec des billets répugnants : "Ils étaient tout couverts d'une mousse grisâtre semblable à l'écume qui se forme sur la confiture pendant la cuisson."(154) Le récit se met en place avec les confidences décousues du patron, lors d'une expédition faite dans des élément hivernaux déchaînés par les deux vieux qui l'accompagnent, désireux de savoir ce qui se passe en allant voir le père. L'homme aurait bu de la mauvaise bière : "Une boîte pourrie. De Ia bière éventée, malodorante ou verte comme la pisse d'un singe. Une fois, un type m'a dit qu'il suffisait d'un minuscule petit trou pour laisser entrer les bactéries qui sont responsables de ce résultat dégoûtant. (...) Et la bière fait les délices de ces bestioles."(155)

Les indices caractéristiques de ce récit aux nombreuses incidentes se dégagent peu à peu : entièrement emmitouflé dans une couverture, le père est constamment assis, la télé éteinte, dans une odeur de levure, de pourriture, une puanteur qui devient de plus en plus épaisse au fil des jours. Un soir, l'enfant remarque la main qui sort de la couverture : "Seulement, c'était pas exactement une main. (...) Ça ne ressemblait absolument plus à une main. Une grosse masse grise, voilà ce que c'était."(157) Puis d'autres détails concernant le visage : "Il pouvait encore reconnaître son père, mais c'était comme si le vieux avait été enseveli dans de la gelée grise..., une vraie bouillie."(158) Plus tard, pour savoir, le fils espionne son père qu'il ne voit plus : "Il a vu une énorme masse grise, sans le moindre rapport avec un homme, qui rampait sur le sol, laissant derrière elle une traînée grisâtre et visqueuse."(160)

Cette horreur, cannibale comme le blop59, mange un chat mort et putréfié. Puis on apprend que deux jeunes filles et un vieil ivrogne ont disparu... Il me faut laisser au lecteur le soin de poursuivre : la montée angoissante de l'escalier, la découverte d'une matière visqueuse qui s'est "répandue en petites flaques sur le sol."(161) Jusqu'à la découverte de la Chose, qui subit un processus de division et a déjà quatre yeux...
La nouvelle présente de l'intérêt en ce sens qu'elle est bâtie sur peu de choses et que tout tient dans l'habile suspense qui est maintenu. Sur le vieux thème de la transformation en monstre, King a construit un récit moderne, et qui tient de son goût particulier pour la bonne bière...


Ainsi, pendant des années, dans les difficultés financières et conjugales, désespérant de son talent, King a persévéré. Les instruments qu'il s'est forgés lui permettent maintenant d'envisager dans les meilleures conditions, après Carrie, des oeuvres qui font date, comme
Salem (1975) et Shining (1977).Comme il le constate : "Petit à petit, j'ai trouvé mon propre style. Quand je lisais H.P. Lovecraft, tout ce que j'écrivais ressemblait à du H.P. Lovecraft. Quand je lisais Ray Bradbury, tout ce que j'écrivais ressemblait à du Ray Bradbury. Rien de ce que j'écrivais alors ne ressemblait à du Stephen King ! Mais c'était très bien ainsi, parce que lorsque vous êtes un garçon de quatorze, quinze ou seize ans, vous n'existez pas, vous n'êtes pas là. Vous n'êtes pas encore arrivé. Vous êtes toujours en train de vous chercher."(Interview Coenen, Ph. 2, 74)

Le surnaturel : les premiers essais : Bilan récapitulatif

Récapitulatif des thèmes et motifs expérimentés par King dans ses premières nouvelles :

- la création d'êtres surnaturels par le pouvoir de l'imagination, surtout celle de l'enfance
(En ce lieu les tigres).
- le rationnel opposé à l'intuitif
(La Faucheuse).
- le surnaturel technologique
(Petits soldats, La Presseuse, Poids lourds).
- le double et l'envahisseur (Laissez venir à moi les petits enfants, Matière grise).
- le monstre, la Chose, le croquemitaine
(Laissez venir à moi..., Matière grise).
- le placard
(Le croquemitaine).
- l'animal maléfique
(Poste de nuit).
- le vampirisme anthropophagique
(La Presseuse, Matière grise).
- l'animation de la matière
(La Presseuse).
- le psychopathe
(Le printemps des baies).

À ces motifs, il faut ajouter le conditionnement manipulateur par des procédés renforçateurs :

- l'utilisation de l'espace fantastique, avec la cave, la caverne, le labyrinthe, l'escalier et la porte.
- l'utilisation des conditions météorologiques.
- l'utilisation de la vue (place du regard), de l'odorat (puanteurs diverses).
- la place importante donnée à l'ambiguïté, alors qu'ultérieurement King sera plus monstratif.

King explore aussi
divers modes de narration, en privilégiant le type de récit hétérodiégétique : En ces lieux des tigres, L'image de la faucheuse, Poste de nuit, Laissez-venir à moi..., Petits soldats, La presseuse, Le croquemitaine, Poids lourds. Ce choix se comprend dans la mesure où il permet d'utiliser une écriture à caractère cinématographique.
Au type homodiégétique actoriel se rattachent
Le Printemps des baies, Matière grise. Le récit homodiégétique auctoriel n'a pas été tenté.

Enfin il faut noter la grande place occupée par les
données autobiographiques et des peurs personnelles.

Notes.

31 Martin Coenen, KING, Les Dossiers de Phénix 2, p. 74, éd. Lefrancq, Bruxelles 1995.

32 Battleground. Création : 1972. Première publication: septembre 1972. Fait partie du recueil Danse macabre (Night Shift).

33 Philip K Dick (1928-1982) ne portait aucun intérêt aux lendemains qui chantent, à la science triomphante et au progrès, les grands thèmes favoris des anticipations technologiques à la mode de Clarke ou de Heinlein. Dick est plutôt sensible à la désagrégation de l'univers sensible. Il n'a jamais sacrifié au mythe de l'homme fort, du superman qui dirige vigoureusement sa vie, lui préférant les faiblesses et les désarrois psychologiques du paumé.

34 Denis Guiot, Alain Laurie, Stéphane Nicot, Dictionnaire de la science-fiction, Hachette Livre, 1998, 135. Le magicien Faust a vendu son âme au diable Méphistophélès en échange du savoir et des biens terrestres.

35 Docteur en chimie, originaire d'URSS, Isaac Asimov. (1920- 1992) a mené de concert plusieurs carrières et écrit plus de 400 livres, dont de nombreux ouvrages de vulgarisation scientifique. À retenir le cycle de Fondation et celui des Robots.

36 Jacques Goimard, préface de Histoires mécaniques, Librairie Générale Française, 1985, Livre de Poche 3820, 9.

37 The Mangler. Création : 1972. Première publication : décembre 1972. Fait partie du recueil Danse macabre (Night Shift).

39 King donne le nom par souci de réalisme, une Hadley Watson Model-6, modèle connu, pour créer une opposition plus importante encore avec le caractère surnaturel que prendra la machine.

40 Les symboles thériomorphes sont liés à la croyance universelle d'une puissance maléfique de certains animaux, ou à leur valorisation.

41 Avec des remarques identiques sur la peur de passer pour un esprit dérangé : "Devons-nous trouver un prêtre pour l'exorciser? Jackson grogna : - Tu vas en passer pas mal en revue avant d'en trouver un qui ne te collera pas un opuscule entre les mains le temps d'aller téléphoner à l'asile le plus proche."(126)

42 Préface de Histoires mécaniques, Librairie Générale Française, 1985, Livre de Poche n° 3820, 9.

43 The Boogeyman. Création : 1972. Première publication : mars 1973. Fait partie du recueil Danse macabre (Night Shift).

44 "Mon plus jeune fils, qui a onze ans, dit que nous sommes parents les plus jeunes de sa classe."Coenen, Ph. 2, 78.

45 Ce sujet a été développé au chapitre 6 de Stephen King et le sexe.

46 Extrait d'une conférence faite à Pasadena en avril 1989, voir SKS, 93/4.

47 Coenen, Ph. 2, 79.

48 Que King lisait adolescent : "Tales from the Crypt, vous vous souvenez de çà ? Bon sang! Il y avait ce type, Graham Ingles. Il pouvait dessiner n'importe quelle horreur sortie de ce monde... ou d'un autre."(143) Le personnage dont il rêve est celui d'un époux tué par sa femme, et jeté à l'eau avec un bloc de ciment aux pieds : "Il revenait. Il était tout pourri, verdâtre, avec un oeil bouffé par les poissons et des algues plein les cheveux. Il revenait et il la tuait."(144) Ce revenant avait des pattes griffues...

49 Pour Guy Sirois, le psychiatre est réellement le croquemitaine : "Le nouvelle comme aurait pu l'écrire Robert Bloch, avec son psychiatre attentif et aidant, mais ultimement dangereux."Morin, 82. Laurent Bourdier laisse planer le doute : "L'histoire d'un monstre dissimulé dans un placard. Réel ou imaginaire?"Parcours, 99.

50 Denis Mellier, La littérature fantastique, Mémo Seuil, 2000, 29.

51 À la plage, "Elle n' arrêtait pas de gueuler : «Va pas si loin! Va pas là! Il y a des lames de fond! Ça fait pas une heure que t'as mangé! Perds pas pied!» (...) Et qu'est-ce que ça a donné? Je ne peux même plus m'approcher de I'eau, maintenant."(141) Billings reproduit la même attitude : "C'est comme ça que les gosses tournent mal. En leur passant tout, on les pourrit. Et puis ils vous brisent le coeur. Ils vous engrossent une fille ou bien ils se droguent."(139) Mais sa propre conduite a été d'engrosser une fille a avec comme conséquence le refus par la mère de l'épouse, enceinte avant le mariage, et de ses enfants

52 Trucks. Création : 1973. Première publication : juin 1973. Fait partie du recueil Danse macabre (Night Shift).

53 Le film est sorti en 1971. Un "film-culte", écrit King dans l'analyse qu'il lui a consacrée dans Anatomie de l'horreur. Des phrases de son commentaire calquent étroitement celles de Poids Lourds : "Son pare-brise sale évoquant le regard d'un débile et ses pare-chocs affamés, qui finit par devenir une sorte de monstre"; "ses cris d'agonie ressemblent à des rugissements surgis de la préhistoire"; "la réaction de Weaver est digne d'un homme des cavernes."(193)

54 Et se conduisent mieux qu'avec les conducteurs, puisqu'ils connaissent leurs possibilités : "Vu la façon dont la remorque s'était déportée sur le côté, aucun conducteur n'aurait pu redresser."(178)

55 Une constante conventionnelle fantastique apparaît : comme dans La Presseuse, la coupure de l'électricité et des communications téléphoniques se produisent conjointement aux événements surnaturels. On peut par ailleurs s'interroger sur ces pompes à essence de Poids Lourds qui fonctionnent sans électricité, comme La Presseuse fonctionne sans courant... King reprendra souvent cette idée qu'une puissance maléfique peut détourner l'ordre des choses dans des secteurs limités, reprise de l'affirmation religieuse que Dieu n'a permis au diable que d'intervenir dans certaines limites.

56 Gray Matter. Création : 1973. Première publication : 1973. Fait partie du recueil Danse macabre (Night Shift).

57 The Blob, réalisateur : Irvin S. Yeaworth, 1958; Beware! The Blob, réalisateur : Lary Harry Hagman, 1972. Il arrive que le blob soit carnivore (Ana, 240)

58 Moins systématique que dans les oeuvres qui vont suivre (voir chap. 1 et 2) Il y avait déjà dans La Faucheuse une utilisation des escaliers, mais davantage pour créer un climat et ménager le suspense.

59 Dans Anatomie de l'horreur, King évoque le roman The Clone de Kate Wilhelm (1928-) : "Dans ce livre, une créature amorphe presque entièrement composée de protéine pure (il s'agit d'un blob plutôt que d'un clone, comme le fait justement remarquer The Science Fiction Encyclopedia) se forme dans les égouts d'une grande ville... autour d'un morceau de hamburger à moitié pourri. Elle se met à croître, absorbant au passage plusieurs centaines de personnes."(Ana, 31)

Aller à la première partie de l'étude.

1968. En ces lieux les tigres.

1968. Le printemps des baies.

1969. L'image de la faucheuse.

1970. Poste de nuit.

1972. Laissez venir à moi les petits enfants.

 

ce texte a été publié dans ma Revue trimestrielle

 différentes saisons

saison # 7 - printemps 2000.

 

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