Otto Dix

La guerre

 

Sous le thème "d'une guerre à l'autre", une centaine de dessins du peintre allemand Otto Dix (1891-1969) ont été réunis jusqu'au 30 mars 2003 à Beaubourg. Les scènes décrites, les portraits, les nus dérangent toujours aujourd'hui tant le désespoir y est lancinant. La férocité ironique du trait et l'application à traiter en réalité monstrueuse la montée du nazisme a entraîné la destitution de DIX en 1933 de sa fonction de professeur à l'Académie des beaux-Arts de Dresde. Les nazis lui interdirent d'exposer, comme faisant partie des artistes «dégénérés».

le blessé

 

le mort

 

De 1920 à 1923, Dix peint Der Schützengraben (La Tranchée), qui est achetée par le musée de Cologne, lequel doit y renoncer en raison des protestations publiques, avant que la toile, saisie en 1933 par les nazis, ne soit probablement détruite. L'année précédente, Dix a exécuté ce qui demeure l'oeuvre la plus importante qu'ait suscitée la Grande Guerre, un triptyque composé sur le modèle des maîtres anciens. Le panneau central reprend la composition de La tranchée, une vision d'épouvante où un soldat, le visage recouvert d'un masque à gaz, demeure seul vivant dans une tranchée effondrée, près d'un abri renversé. Des cadavres achèvent de pourrir alors qu'un squelette est demeuré accroché à la branche d'un arbre. Les panneaux latéraux figurent le départ vers le front et le retour de deux blessés. Sur la prédelle, des dormeurs - ou des cadavres ? - allongés sous une toile de tente.

Dix introduit des références picturales à Grünewald, Altdorfer et Holbein. Le triptyque, peint sur bois, est exécuté dans leur style, avec une minutie réaliste extrême. Alors que les dessins préparatoires décident seulement des silhouettes et de la construction, la peinture cultive l'illusionnisme jusqu'au morbide insupportable des chairs putréfiées, des vers et de la gangrène. Les jambes d'un mort sont constellées de pustules ou de blessures purulentes, comme les membres du Christ dans le retable d'Isenheim. L'espace est saturé de corps, de débris, de formes déchirées. Il est traversé par des verticales hérissées. Jusqu'aux cieux qui inquiètent : des nuées, des tourbillons rougeâtres y circulent, souvenirs de la Bataille d'Alexandre d'Altdorfer et signes de la catastrophe qui étend son empire à la nature entière.  http://www.art-ww1.com/fr/texte/099text.html


Triptyque "La Guerre"), 1929-32, trempe sur bois, panneau central 204 x 204 cm, panneaux latéraux 204 x 102 cm chacun, Gemäldegalerie Neue Meister, Dresde.

© SESAM, Paris, 1998. 

Dix achève le triptyque de La Guerre à la veille de l'arrivée d'Hitler au pouvoir. Comme tant d'autres artistes, cet événement politique bouleverse son Ïuvre. Destitué de son poste de professeur, interdit d'exposition, Dix est l'une des figures emblématiques de ce que les nazis traiteront d'art dégénéré. Hitler dira devant ses Ïuvres qu'il « est dommage que l'on ne puisse pas enfermer ces gens-là ». Suit la période de l'« Innere Emigration » (Exil intérieur), Dix se réfugie dans la solitude des bords du lac de Constance. Il s'interdit de peindre les sujets caustiques et engagés qui ont fait sa force plastique. Il traite de sujets religieux, représente des paysages à la rencontre de quelques-uns des grands maîtres de la peinture allemande, de Dürer et Grünewald jusqu'à Friedrich. Mais derrière ce réalisme magique percent parfois les réminiscences du désastre, ou sa mémoire (Dix mourra en 1969).

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Otto Dix : Dessins d'une guerre à l'autre

de Collectif , Christian Derouet (Sous la direction de)

Dessins d'une guerre à l'autre [2003]. Édition publiée sous la direction de Christian Derouet, préface d'Alfred Pacquement, avant-propos de Bruno Racine. Essais de Ulrike Lorentz et Rainer Rochlitz traduits de l'allemand par G. Roux-Faucard. Ouvrage publié à l'occasion de l'exposition Otto Dix. Dessins d'une guerre à l'autre réalisée par le Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, Musée national d'art moderne, et présentée dans la Galerie d'art graphique (Paris, du 15 janvier au 31 mars 2003), 160 pages, 120 ill., rel., sous couv. ill., 200 x 240 mm. Livres d'Art, Gallimard - 2003.

Présentation de l'éditeur :

Autour des tableaux Souvenir de la salle des miroirs à Bruxelles (1920) et du Portrait de la journaliste Sylvia von Harden (1926), deux chefs-d'oeuvre du peintre allemand Otto Dix (1891-1969) conservés au Musée national d'art moderne, sont regroupés thématiquement quelques-uns des dessins les plus aboutis de l'artiste : dessins de guerre et gravures du Kriegsmappe, aquarelles violentes, autoportraits qui passent du narcissisme à l'anxiété, nus de femmes, pauvrettes enceintes, folles égarées, vieilles défigurées, enlevés d'un trait vrai et impitoyable. Dix dépasse par le talent, par la vision, les limites mal définies de la Neue Sachlichkeit (Nouvelle Objectivité).

Professeur à l'Académie des beaux-arts de Dresde, Otto Dix met au point les cartons de son terrible triptyque, La Guerre (1929-1932). L'enseignant réapprend la technique des vieux maîtres. Moins outré, son dessin est plus lumineux : études de draperies, de mains, de têtes, à la sanguine, à la pointe d'argent. Révoqué, il n'entreprend plus que des paysages, des tableaux «à la manière de» : défilent sous sa plume des nuages, des panoramas vides de tout. Rien ne les distinguerait des compositions de collègues soumis aux recommandations des instances nazies, s'il n'y avait cette force d'évasion et de protestation. Au cours de cet «exil intérieur», Dix conserve, sous une apparente sérénité, une écriture rebelle.