Le nucléaire, ça vous
pousse dessus. Les habitants de Haven (Maine) se demandent
pourquoi leurs dents tombent et comment une batterie de
piles peut faire voler un frigo ou exploser une
télé. Bobbi a bien une petite idée, ce
vaisseau qu'elle déterre dans son jardin pourrait
être responsable des mutations et de la folie qui se
répand sur Haven.
Quand King fait de la science-fiction, le
récit dévie fatalement vers
l'épouvante. Ici, c'est le film qui est
épouvantable. A l'origine un roman surprenant, un peu
"léger" mais souvent drôle et
inquiétant. Une fois n'est pas coutume, ce
téléfilm n'en reprend que les grandes lignes
et passe à la trappe toutes les intrigues secondaires
(comme dans Bazaar) qui sont la marque de King et qui
donnent du corps à l'histoire.
La réalisation n'est pas une
réelle catastrophe, John Power fait ce qu'il peut
avec des moyens visiblement limités bien que
ça ne justifie pas certains choix esthétiques
assez douteux. Tout ici respire le studio à deux
kilomètres : le village en carton-pâte, les
fouilles dans la forêt tournées dans le jardin
du producteur, et les quelques explosions sont sans relief
(du genre où l'on aperçoit la rampe de gaz
derrière les débris volants...) On a
déjà vu pire, évidemment. Mais comme
d'habitude King est dépossédé de son
travail (et nous autres lecteurs par la même occasion)
: la charge anti-nucléaire véhiculée
par Gardener est escamotée, sans doute par peur de
déplaire à certains milieux et de s'attirer
les foudres. Tout est fait pour flatter le plus grand
nombre. Il y n'y a pas de sang (ou alors il est vert !), les
personnages débordent de bonne volonté et de
sentiments charitables malgré leur
dégénérescence... Certaines
scènes sont pompées sans honte sur les grands
noms du fantastique : lorsque Gardener est poursuivi par les
villageois à la fin, toute ressemblance avec la Nuit
des Morts-Vivants n'est pas une coïncidence.
Tout cela est fort dommage, puisque le
film aurait pu être un brûlot contre les dangers
du nucléaire, la xénophobie et
l'hystérie de masse, comme en son temps Je suis une
Légende de Matheson. Au lieu d'un bon fantastique un
peu dérangeant et angoissant, on se retrouve avec un
nouveau feuilleton spécial M6, formaté pour
les multi-rediffusions. Tard la nuit dernière, tout
le monde s'est endormi devant la TV.
Fidélité : mauvaise.
Sylvain Tavernier.............................
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