Une baubaise
gribbe. Pas moins de 99% de
l'humanité sont rayés de la carte par un virus
bactériologique d'origine militaire. Dans une
Amérique peuplée de cadavres pourrisants, les
survivants affrontent l'Homme Noir, démon tyrannique
qui profite de la situation pour instaurer un règne
de terreur.
Comment parler du Fléau ? Si un
roman de King est connu jusque Saturne, c'est
celui-là. Mick Garris savait qu'il n'avait pas droit
à l'erreur, sous peine d'être lynché par
une horde de fans déchainés. Alors, bon film
ou pas ? Oui et non, comme d'habitude.
King en personne au scénario est
déjà un gage de qualité : on peut
être certains qu'il ne tranchera pas dans les passages
essentiels et qu'il restituera l'atmosphère si
particulière du récit. Malgrè quelques
modifications nécessaires à la
linéarité du film, et la supression de
personnages forts secondaires, l'intégral du
Fléau est là : la montée de
l'épidémie, les rêves, le voyage vers
Hemingford Home, la fuite de New York ect. Le tout formant
une gigantesque narration sur fond d'Amérique
ravagée. Les scènes d'épidémie,
sans la puissance imaginative du lecteur, demeurent
convaincantes et bien réalisées. On se
désespère de rencontrer quelqu'un de vivant,
et le silence qui règne sur ce monde confère
à la réussite de l'ensemble. La
première partie, englobant la Super-Grippe et les
rêves des protagonistes, est de loin la plus
intéressante. Car même si le dénouement
est connu, le spectateur s'investit dans l'histoire et
accompagne ces derniers héros.
Les choses se gâtent avec le
deuxième film. Passé le plaisir de revoir
Frannie, d'entendre Larry pousser la chansonnette, une fois
que l'on s'est habitué aux cadavres jonchant les
rues, il faut se coltiner encore trois heures de lutte du
bien contre le mal, d'un manichéisme primaire et
hollywoodien. La faute au roman, dans lequel King se
laissait aller à une métaphysique peu
convaincante et bien trop longue. Mais ces défauts,
supportables à la lecture, sont accentués par
la mise en image qui réduit fatalement les
comportements à leur plus simple expression :
Mère Abigaël est une sainte, Stuart Redman le
héros parfait, et Randall le salaud intégral.
Le film tourne vite en rond, pendant deux heures la
reconstruction de la société, dans un camp
comme dans l'autre, offre peu de surprise et la
confrontation à Las Vegas met du temps à
venir. Bien sur, ces séquences étaient
nécessaires afin de rester fidèle au livre,
mais la réalisation aurait pu apporter un peu plus de
nerf à l'ensemble.
Tout cela serait acceptable pour le
spectateur non éclairé de King, mais les
puristes que nous sommes se révolteront d'un casting
hautement improbable. La plupart des acteurs sont
convaincants, excepté... leur physique. Pour une mise
en bouche de ces invraisemblances, prenons le cas d'Harold
Lauder. Dans le film, ce vieil Harold est... maigre ! Mince
comme une hampe de drapeau ! Les connaisseurs reconnaitront
sous ses boutons le visage de Parker Lewis, de la
série télé du même nom. Parker
Lewis, peu connu pour son obésité... Passons
au cas moins risible et fort discutable : Nick Andross est
devenu blanc ! Un beau blond musclé aux yeux bleus.
Il est toujours sourd, mais sa peau vire au transparent. Que
devons-nous y voir ? Qu'un noir en héros positif dans
un tvfilm destiné à une grande audience n'y
aurait pas sa place ? Que la majorité
américaine préfère des héros
blancs, malgré une trahison essentielle de l'oeuvre ?
Le plus étonnant est que King ait laissé
passer une chose pareille.
Il serait avisé, d'ici quelques
années, de retourner le Fléau et d'en livrer
une vision beaucoup plus sombre, plus malsaine que celle-ci,
certes agréable à suivre mais encore et
toujours formatée pour un public américain
puritain, à la limite du racisme flagrant dans le cas
présent.
Fidélité : bonne
Sylvain Tavernier
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