Blair
Witch 2
de Joe Berlinger : Les sorcières
d'Hollywood...
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Pourquoi est-il judicieux d'aller voir
cette suite purement commerciale du détestable
Projet Blair
Witch (PWB) ? Pour mémoire, le
premier film avait déplacé les foules en
offrant des images ternes et mal cadrées, ainsi
qu'une soi-disant "angoisse insoutenable, un cauchemar dont
on ne sort pas indemne." Sans doute ce
téléfilm a-t-il impressionné quelques
jeunes gens dont la connaissance en matière de films
d'horreur se limitait à Scream et
X-files, mais pour qui possédait une
expérience dans ce domaine, Blair Witch s'est
révélé un gros navet.
La suite, Le Livre des Ombres, renferme d'agréables surprises et
même quelques idées de narration
destabilisantes. Critiquons d'emblée : oui, le film
est un produit standardisé, avec pour unique
intention (avouée) de faire de l'argent. Les
personnages semblent sortis du cahier des charges du
"film-d'horreur-pour-ado-qui-fait-peur", quant aux prises de
vue elles ont toutes eu lieu en studio. MAIS, car il y a un
mais, passé un premier quart d'heure
exaspérant de clichés et de bêtise, le
film prend une autre dimension.
Le recul par rapport au PWB est une
excellente chose : celui-ci est assassiné dès
le début par des répliques pertinentes sur la
dérive mercantile et l'engouement
général qu'a suscité le premier film.
On tourne en dérision les fans, persuadés de
la véracité de la légende, les sites
internets et tous les produits dérivés (ainsi
l'un des personnages est un escroc qui se vante d'arnaquer
les touristes en leur fourgant des branches et des cailloux
"made in Blair Witch".) Un bonheur pour les allergiques au
phénomène BW.
Le fantastique fait alors son
entrée en scène. Peu démonstratif,
suffisament intriguant, l'élément surnaturel
fonctionné plutôt bien puisque l'on ignore ce
qui est arrivé aux cinq protagonistes. L'enjeu du
film devient la reconstitution, pour eux comme pour nous,
des événements ellipsés, à la
manière du récent Memento. Voilà la
réussite. Le réalisateur offre beaucoup de
pistes, d'éléments-clés, mais il est
impossible de les remettre en ordre. Le puzzle se double
d'allers-retours temporels et d'hallucinations collectives
dont on se demande, évidemment, s'il s'agit de la
réalité ou du rêve qui se
poursuit.
Cet état d'esprit permet
d'introduire des réflexions intéressantes sur
la paranoïa et sur le pouvoir de la perception
collective. Le PWB a fonctionné car de nombreuses
personnes ont réellement cru à cette histoire,
et les personnages du Livre des Ombres ne
sont sans doute que les victimes de leur propre croyance.
Malheureusement le film ne s'étend pas sur ces
considérations qui pourtant auraient en constituer le
principal intérêt, à la manière
du chef-d'oeuvre de
Carpenter : L'Antre de la folie. Ce dernier développait le principe selon
lequel la réalité est déterminée
par la perception humaine. Le monde que nous connaissons est
ainsi puisque nous nous le représentons comme tel.
Mais si un écrivain d'horreur vendait plus de livres
que la Bible, le monde judéo-chrétien
deviendrait alors l'univers inventé par cet homme car
ce à quoi pense la majorité EST la
réalité. Rassurez-vous, c'est plus limpide
quand on voit le film.
Il est dommage que Blair Witch 2 n'ait
pas creusé dans ce sens et que l'on ait
privilégié, une fois de plus, l'aspect
commercial, lequel exige un nivellement de ce genre de
thèmes pour pouvoir se vendre. La tentative a au
moins le mérité d'être réussie et
pour ça, le film vaut un coup d'oeil. Même si
par moments le scénario lorgne chez Wes
Craven,
ou ressemble à
Dangereuse Alliance (argh !), il ne
dévie jamais longtemps de sa trame initiale : il
s'est passé quelque chose, peut-être rien de
grave, mais j'ai peur quand même. Et qui sont ces
fantômes ? Et pourquoi elle est pas encore revenue des
toilettes ? Et si c'était lui le paranoïaque
?
(remarque inutile : sur la façade
du magasin on peut lire l'inscription BLUE RIBBON.)
article de "Sylvain Tavernier"
<syltavernier@wanadoo.fr>
-© novembre 2000
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